FIGHT CLUB

EN DEUX MOTS : A l’aube de l’an 2000, le réalisateur David Fincher renoue avec le studio 20th Century Fox et délivre un autre film décrié : FIGHT CLUB. Néanmoins, et malgré son semi-échec au box-office ainsi que des critiques tranchés, le film deviendra éminemment culte. Pour son quatrième film le metteur en scène dévoile un autre thriller psychologique percutant, sous forme de satire antisociale. Un travail acharné dû à une réécriture peaufiné avec le scénariste de SE7EN et les deux stars du film : Edward Norton & Brad Pitt.

Un insomniaque dépressif au bord de la rupture (Edward Norton) se lie d’amitié avec un vendeur de savon charismatique à la philosophie tordue et anarchiste (Brad Pitt). Ensemble, ils créent un club de combat clandestin qui attire de nombreux adeptes en quête de défoulement.

Règle n°1 : ne pas parler du Fight Club

Règle n°2 : ne pas parler du Fight Club

Synopsis officiel

Malgré l’engouement de certains producteurs pour le projet (dont Laura Ziskin) d’autres sont plus septiques pour sa radicalité anarchiste. C’est assurément ce qui plaît au non-conventionnel David Fincher, qui tombe sous le charme venimeux du livre. Et adhère à son propos. C’est également le cas du comédien Brad Pitt qui réitère l’expérience du tournage avec le réalisateur. Les deux hommes, et leurs compagnons, décident donc de se montrer fidèles au livre qu’il adapte, publié en 1996.

UNE PETITE VOIX DANS LA TÊTE

Pour dresser le portrait d’une société gangréné par la consommation, le réalisateur lutte pour utiliser un outil éculé : la voix-off. Cette voix-off, qui à mon sens contribue à la réussite du film, c’est celle du personnage central, et sans nom, interprété par Edward Norton. Un assureur insomniaque constamment au bord du réel et de l’imaginaire. L’outil, lui, apporte fluidité et humour au chemin animal qu’il va emprunter.

Après un générique hallucinogène, sous un morceau des Pixies, qui nous plonge dans les méandres de la psyché du personnage (bercé de fulgurances numériques que chérit Fincher), le film nous propulse à la conclusion de ce parcours chaotique. Rembobinage, sous un montage millimétré (décidément, chez Fincher c’est une habitude), FIGHT CLUB propose une vision radicale, drôle et hallucinatoire d’un homme, d’une société, à la dérive et qui n’est plus que l’ombre d’elle-même.

Fight Club est une satire, une vision stylisée du monde Ikéa dans lequel nous évoluons. Il traite de concepts très simples, telle notre ADN d’être humain. La nature nous a fait chasseurs et nous vivons dans une société où le shopping l’emporte sur tout. Il n’y a rien à tuer, rien à combattre, rien à surmonter, rien à explorer. Une émasculation généralisée, sociétale !

David Fincher

D’un travail révélateur à des voyages aux ustensiles à usages uniques, le récit berce dans l’antisocial constant avec son propos. L’addiction du « héros » à des réunions pour les plus malheureux (tuberculose, phases terminales, cancers des testicules…) en est la preuve. Comme la rencontre avec deux personnages haut en couleur, l’attachant Bob (Meat Loaf) et la délurée Marla Singer (Helena Bonham Carter).

Le point d’orge, de rencontre avec l’iconique Tyler Durden, mène à la libération puis à la prison du personnage. Le montage y incorpore même son image de façon subliminale à plusieurs reprises. Sous les traits de Brad Pitt le charismatique leader, sûr de lui, malin, névrosé, est à l’origine d’une relation fraternelle, à la limite (volontaire) de l’homosexualité, puis de la création du… Fight Club. L’acteur surdoué est assurément une icône ici, et bouffe l’écran par son zèle.

BESTIAL, RADICAL

Vendu (aux dépens du réalisateur) comme un film d’action avec ses scènes de combats salaces et filmés sans ajout de lumières supplémentaires, FIGHT CLUB est pourtant loin d’être un film de genre. C’est sûrement ce qui a contribué à une partie de son échec. Et aussi car le thriller peut déranger, offensé, pour sa vision nette de l’anarchie sociétale. Au-delà de l’émancipation compréhensible d’une part bestiale chez l’homme, le film nous questionne sur le bien-fondé des actes de Tyler. Notamment avec la doctrine qui mène peu à peu au projet chaos et son dénouement explosif.

Dans tous les cas, le film possède deux niveaux de lecture suite à sa révélation en dernière partie (la double personnalité). Un élément qui éclaire les détails de l’intrigue et atteint son point culminant avec une tentative d’extraction qui fait mouche.

À l’image de son montage, FIGHT CLUB possède un sens du détail savamment orchestré. Si l’anarchie semble réelle dans le récit, celle-ci se révèle suffisamment dense pour éviter les longueurs. Et surtout exploité son propos jusqu’au non-boutisme. Chaque conséquence du Fight Club sur la vie et la psyché des doubles têtes d’affiche semble énumérée. Seul bémol, hormis quelques gueules d’adeptes aux rôles finalement mineurs (celle d’ange à démon de Jared Leto est suffisamment marquante), le thriller ne développe réellement aucun de ses personnages secondaires. Même la parfaite caractérisation de Marla n’est que subjective.

Toutefois, oui, FIGHT CLUB a cette particularité à se montrer percutante. D’une photographie volontairement sombre selon sa situation à ses décors insalubres selon l’utilisation. Des détails qu’on voit, mais dont ne saisit pas la crédibilité (les chorégraphies de combats clandestins, la confection du savon, les dents abîmées de Brad Pitt…). Et enfin pour la direction radicale, antisociale, anti-conformiste que prend le film pour raconter son histoire.

CONCLUSION

Une histoire qui a du sens, plus de 20 ans après sa création.

C’est ce qui définit un film dît « culte » d’un autre. Bravo David Fincher, déjà 2/4 en seulement 7 ans. FIGHT CLUB est d’autant plus important qu’il marque une première transformation dans la mise en scène du réalisateur. Une transformation qui aura son importance de la création visuelle de son prochain film, PANIC ROOM, véritable exercice de genre dans les effets spéciaux.

Dans tous les cas ici, le génie tutoie le génie. Non pas avec un résultat parfait, mais impressionnant puisqu’il le fait encore avec beaucoup d’aisance à l’écran. Là où beaucoup se serait casser les dents sur le projet. Si tout travail mérite salaire, le réalisateur a ici gagner celui de la reconnaissance, du public qui a redécouvert le film au moment de sa sortie DVD. Bien heureusement.


Les + :

  • Une vision nette et tranchée de l’anticonformisme sociétale. David Fincher n’enjolive pas, et le film demeure percutant malgré les années
  • Deux têtes d’affiche savamment impliquées, ce qui colle parfaitement avec le sens du détail qu’affectionne le réalisateur
  • Quelques nouvelles prouesses visuelles et une bande-son original assez grave (signer The Dust Brothers)
  • L’utilisation idéal d’un outil éculé : la voix-off

Les – :

  • Un Thriller psychologique à double tranchant, extrême et nébuleux parfois dans sa vision radicale
  • Des seconds rôles qui auraient mérité d’être peaufinés, et qui servent uniquement d’acolytes à l’écran. C’est même le cas d’Helena Bonham Carter, très efficace, mais qui sera enfermée dans ce genre de rôle déluré

MA NOTE : 16.5/20

RÉALISATION : David Fincher / SCÉNARIO : Jim Uhls, d’après le roman Fight Club de Chuck Palahniuk

AVEC : Brad Pitt & Edward Norton, mais aussi : Helena Bonham Carter, Meat Loaf, Zach Grenier, Jared Leto, Eion Bailey, Holt McCallany (…)

DURÉE : 2h19 / SORTIE (France) : 10 Novembre 1999 / GENRE : Thriller

(3 commentaires)

  1. […] également sa quatrième collaboration avec le directeur de la photographie Jeff Cronenweth. Après FIGHT CLUB, THE SOCIAL NETWORK et MILLÉNIUM. Un détail qui a son importance pour la mise en abîme […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *