ZODIAC

EN DEUX MOTS : Après 5 ans d’absence le génie David Fincher revient à la réalisation avec un projet monstre. 110 jours de tournages, 18 mois d’interviews en tous genres pour s’imprégner de l’enquête dont elle s’inspire, avec ZODIAC le réalisateur signe un retour significatif dans le genre qui a fait son succès plus de 10 ans auparavant : le thriller policier.

Sauf qu’aujourd’hui il adapte des faits réels qui ont marqué l’Amérique, sous la plume du scénariste James Vanderbilt. Ce dernier, fasciné par le tueur du Zodiaque et après sa rencontre avec l’auteur Robert Graysmith, écrit un script. Le choix de Fincher à la réalisation survient instantanément, d’autant que l’histoire du tueur la profondément marqué durant son enfance.

Zodiac, l’insaisissable tueur en série qui sévit à la fin des années 60 et répandit la terreur dans la région de San Francisco, fut le Jack l’Eventreur de l’Amérique. Prodigue en messages cryptés, il semait les indices comme autant de cailloux blancs, et prenait un malin plaisir à narguer la presse et la police. Il s’attribua une trentaine d’assassinats, mais fit bien d’autres dégâts collatéraux parmi ceux qui le traquèrent en vain.
Robert Graysmith, jeune et timide dessinateur de presse, n’avait ni l’expérience ni les relations de son brillant collègue Paul Avery, spécialiste des affaires criminelles au San Francisco Chronicle. Extérieur à l’enquête, il n’avait pas accès aux données et témoignages dont disposait le charismatique Inspecteur David Toschi et son méticuleux partenaire, l’Inspecteur William Armstrong. Le Zodiac n’en deviendrait pas moins l’affaire de sa vie, à laquelle il consacrerait dix ans d’efforts et deux ouvrages d’une vertigineuse précision…

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Le nom de Robert Graysmith à son importance ici puisqu’il s’agit d’un acteur indirect à l’enquête, mais qui va s’avérer être au cœur du film. Notamment avec sa quête de recherche, bien des années plus tard. À l’image même du montage du film, et sa longueur (2h37 dans sa version cinéma, 2h42 dans le director cut’s sortie l’année suivante en blu-ray) le long-métrage se base sur une tonne de données pour étayer ses propos. Le sens du détail dorénavant légendaire du metteur en scène atteint son paroxysme ici pour le tournage de diverses scènes. Au plus près de la réalité, David Fincher délivre une œuvre monstre, bien que traversé de longueurs.

L’ÉPOUVANTE VRAIE

Moins : sombre que SE7EN, graphiquement violente que FIGHT CLUB, ou étourdissante que PANIC ROOM, ZODIAC n’en demeure pas moins anxiogène. Soustrait de ses éléments de suspense habituels (comme ses climax de tension) le réalisateur favorise l’épouvante, la vraie. Viscéral, presque banal. Dans l’exactitude des faits, ce sont uniquement les scènes de meurtres avec témoins et/ou rescapés qui sont dévoilés à l’écran. Au total de 4, elles ponctuent la première partie du film durant sa première heure.

Austère et toujours subtilement mis en scène (le mystère autour de Zodiaque nous assaille de différents doutes à son sujet) le film n’édulcore jamais, n’enjolive jamais et maintient sa ligne d’authenticité. L’exemple le plus frappant survient dans une scène marquante où est poignardé un jeune couple.

En fin d’après-midi, aux abords d’un lac, la tension jaillit en une seconde, sans aucune effusion de sang. De la terreur à l’état pure. Surtout quand on sait que David Fincher (qui avait pique-niqué à une date rapprochée à l’époque) reproduit la scène à l’exactitude dont elle s’est déroulé ce jour fatidique. Et tourne au même emplacement. C’est ce genre de détails qui éclaire le film et contribue à sa réussite, et ce, malgré une longueur (réelle) qui lui a été reprochée à sa sortie.

ZODIAC est également traversé par différentes notions qui ont leurs importances dans le film. La première concerne ses nombreux intervenants, et principalement trois d’entre eux dans le film. Trois têtes d’affiche aux caractères et aux rôles distincts, qui jouent leurs rôles à la perfection. Jake Gyllenhaal bouffe l’écran dans son rôle d’acharné discret et toqué, tandis que face à lui Robert Downey Jr. use de son flegme légendaire pour convaincre. Enfin, Mark Ruffalo interprète la partie policière idéalement, notamment lorsqu’elle aboutie toujours à la même conclusion : une impasse.

DANS LE VISEUR

L’acharnement des trois hommes à deux principaux dénominateurs communs : la dégradation de leurs vies personnelles, et l’incertitude concernant les suspects. Cette incertitude plane littéralement sur l’ensemble du film, et sur celle de l’enquête. Notamment au fil des années. Cette notion de temps s’avère, elle aussi, cruciale et fait partie intégrante du long-métrage, qui multiplie les ellipses de temps. Parfois très courtes (heures, jours, semaines) ou bien plus longues (années).

Très documenté, très illustré, avec une exactitude avec la vérité troublante, le film de David Fincher enchaîne les scènes et les prises avec une multitude d’informations. Si elles ne mènent pas directement à la vérité, elles démontrent la véracité de la réalité. Survivants, témoins, leurs familles, des suspects, journalistes ou bien évidemment policiers, tous sont des fourmis qui contribuent au cheminement logique de l’intrigue. Une notion qui manquait à son film fleuve FIGHT CLUB.

Au-delà de son trio en tête d’affiche, ZODIAC dispose donc de plusieurs seconds rôles très réussis. Aussi succinct qu’efficace. De façon récurrente, il ne faut pas oublier l’enquêteur joué par Anthony Edwards, ou en apparition bien plus brève l’Impérial Brian Cox, qui interprète à merveille un artiste pompeux. La palme d’or revient toutefois au géant John Caroll Lynch qui interprète le principal suspect de l’enquête, avec ses similitudes troublante avec le Zodiaque. En une scène d’interrogatoire, tout est dit, tout est dévoilé. Le visage du mal, du prédateur.

Avant de conclure, et de façon générale David Fincher délivre son film le plus austère. Après quelques prouesses visuelles sur son précédent film, le réalisateur choisit une certaine rigueur pour illustrer San Francisco à l’époque. Si cela ne donne pas le caché le plus raffiné de sa filmographie, ça se rapproche le plus de son caractère réaliste. Un documentaire magnifiquement encadré et qui demeure un petit classique du genre.

CONCLUSION

À la base, ZODIAC ne devait pas comporter de musique originale. C’est un élément qu’on ressent dans le film, et qui concorde avec le manque d’émotions en son sein. La preuve, pour sa sixième réalisation le metteur en scène s’éloigne pour la première fois de la fiction. Et cela, même si le film nourrit quelques unes de ses obsessions dans les genres qu’il côtoie. (L’exercice atteindra son apogée avec la formidable série policière MINDHUNTER presque 10 ans plus tard).

Toujours est-il qu’au moment de sa sortie, ZODIAC marque une certaine maturité chez le réalisateur. Additionné à sa rigueur habituelle, le film est salué par la critique et marquera la première nomination à Cannes pour Fincher. Le box-office (s’il est loin d’être un échec) sera, sans surprises, moins tendre, malgré des avis du public favorables.


Les + :

  • Le sens du détail légendaire du réalisateur qui atteint son paroxysme aujourd’hui dans sa retranscription des faits
  • Malgré son manque d’émotions, la plongée réaliste dans les rouages d’une enquête qui patine avec temps. Et qui broie les personnes qui tentent de la résoudre
  • Une distribution aussi dense que le nombre de données qui inondent le film, d’un trio en tête bien dosé à divers seconds rôles parfaitement utilisés

Les – :

  • Bien que chaque information mène vers une piste et étaye le propos d’une enquête faramineuse, le film recèle de moins de fluidité que les précédents du réalisateur. (attention, cela demeure un euphémisme vu leurs qualités)
  • Au plus proche de la réalité et dans une volonté d’authenticité (comme la quasi-absence de musique) ZODIAC s’avère austère et dénué d’émotions à l’état pur. Dans son exercice de genre ce n’est pas tant un problème, dans le parcours des principaux personnages ça l’est un peu plus

MA NOTE : 16/20

Les crédits

RÉALISATEUR : David Fincher / SCÉNARIO : James Vanderbilt

AVEC : Jake Gyllenhaal, Robert Downey Jr., Mark Ruffalo, Anthony Edwards, Brian Cox, Chloë Sevigny, John Carroll Lynch,

Philip Baker Hall, Dermot Mulroney, John Getz, Elias Koteas, John Terry, Clea DuVall, Donal Logue, Zach Grenier, Candy Clark (…)

SORTIE (France) : 17 mai 2017 / Durée : 2h37 (cinéma) – 2h42 (director cut’s)

GENRE : Drame, Thriller, Policier, Biopic

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