SHŌGUN

EN DEUX MOTS : 50 ans après la parution du best-seller qui avait déjà été adapté quelques années après, SHŌGUN fait peau neuve dans une nouvelle adaptation sur petit écran. C’est sous la houlette de FX (en France Disney +) que cette mini série épique se dévoile, avec à sa barre un duo de scénariste méconnu. Rachel Kondo, inconnue au bataillon et Justin Marks, principalement connu pour son travail additionnel sur le scénario de TOP GUN : Maverick.

La première est toutefois l’épouse du second et se trouve être d’origine Japonaise. Pourtant, et même si le roman de James Clavell est imminent politique et dense dans son propos, il semblerait que la chaîne américaine crée, en ce début d’année, la surprise avec son nouveau show.

En 1600 au Japon, à l’aube d’une guerre civile qui marquera le siècle, John Blackthorne, le commandant anglais d’un mystérieux navire abandonné sur la plage d’un village de pêcheurs voisin, est porteur de secrets qui pourraient faire pencher la balance en faveur du seigneur Yoshii Toranaga, engagé dans une lutte à mort contre ses ennemis du Conseil des régents. Ils réduiraient du même coup l’influence des ennemis de Blackthorne, les prêtres jésuites et commerçants portugais. Les destins de Toranaga et Blackthorne seront inextricablement liés à leur traductrice, Toda Mariko, une mystérieuse chrétienne de noble extraction, dernière d’une lignée tombée en disgrâce. Tout en servant son seigneur dans ce paysage politique tendu, Mariko devra concilier sa relation avec Blackthorne, son engagement envers la foi qui l’a sauvée et le devoir d’une fille envers son défunt père.

AlloCiné

Peu avant sa diffusion, les premières critiques faisaient mention du nouveau Game of Thrones. Rien que ça. Et ce, malgré des différences de taille, tel que son genre historique (le Japon féodal) ou son absence de style fantastique. Entre autres. Néanmoins, SHŌGUN possède en effet la force d’un récit qui mélange la politique dans un contexte de conflit guerrier. Notamment à une époque qui chérit les armes blanches et l’honneur. Vienne s’y ajouter son lot de manipulation, de trahison, de complot, avec un goût prononcé pour la violence net.

Cela suffit-il à en faire un hit en puissance ? Où SHŌGUN s’épuise t’elle aussi vite que la déception constante de l’arrivée d’un nouveau mastodonte, qui, finalement ne tient pas ses promesses ? À l’arrivée, avec son format de minisérie, le show subjugue par sa rigueur. Mieux encore, c’est une véritable plongée dans le Japon d’antan, entre politique et fable humaine.

TRIO GAGNANT

Tel son homologue fantastique du petit écran, SHŌGUN se compose d’un large casting assez méconnu, lui aussi. Du moins, si on exclut sa tête d’affiche bien connue du public international (Hiroyuki Sanada), qui incarne aujourd’hui la position humble, loyal et inflexible du récit. Passé 60 ans, cette figure japonaise par excellence n’a plus rien à prouver et s’impose par son charisme salvateur. Et bien plus encore.

Si la grande majorité du casting est nippone, les deux autres têtes d’affiche apportent plus de diversité. Ils contribuent également à un récit qui alterne les dialectes, avec la langue anglaise plus commune. (Ici, la production fait le choix de la simplicité concernant l’espagnol et le portugais, sous la même forme).

L’intrigue place ainsi au centre de son histoire un profil d’étranger (et plus de sauveurs blanc, heureusement) avec le Britannique John Blackthorne, sous les traits du charismatique Cosmo Jarvis. Un personnage, qui va, à l’image du public occidental, peu à peu intégré les us et coutumes d’un monde opposé au sien.

SHŌGUN se distingue néanmoins par ce profil de pilote échoué dans la région d’Osaka grâce à des nuances bien réelles. Avec véhémence et réalisme concernant son époque, ces nuances alimentent ses différentes motivations. L’acteur, à la voix hypnotique, se révèle comme une belle révélation. Du moins, à mon égard.

Pour lui donner la réplique, la douce Anna Sawai (qui s’est récemment dévoilée dans la grosse production Apple : MONARCH) fait office de principale figure féminine au sein du récit. Un profil moins nuancé et plus sage, mais qui dévoile de beaux aboutissements dramatique sur son histoire personnelle.

ET (COMPLOTISTES LOYAUTISTES) DE TALENTS.

Concernant la distribution secondaire, SHŌGUN met en scène un bon nombre de profils varié typique à ce genre d’intrigue. De purement vénales à détestables jusqu’à plus passionnants dans leurs différentes manœuvres politiques. Dans son opulence, l’intrigue parvient à éclairer tout de même assez rapidement quelque-uns de ses plus délicieux intervenants. Nippons en grande partie et qui attirent les regards par leurs seules présences à l’écran.

S’y détache le délectable Tadanobu Asano dans une composition de commandant ambitieux, mais assez dérangé. Et plus traditionnellement Takehiro Hira, qui incarne quant à lui un influent régent et le principal opposant à notre tête d’affiche.

La série dispose également de nombreux protagonistes au cheminement et à la caractérisation assez commune. Toutefois, dans l’exploitation d’un univers aussi singulier, leurs destins s’avèrent parfois assez surprenants. Ou de façon complémentaire, tout à fait satisfaisant dans leurs finalités. Pour ne citer qu’eux, on retiendra le vétéran samouraï et conseiller de confiance Hiromatsu (Tokuma Nishioka). Et de manière plus paradoxale la douce jeune veuve Fuji (Moeka Hoshi) ou au contraire le valeureux, glacial, antipathique samouraï Buntaro (Shinnosuke Abe).

Enfin, côté gent féminin les plus délicieuses interprétations sont ses profils les plus vénéneux et mystérieux. La jeune Fumi Nikaidô s’illustre par exemple à merveille en tant que mère d’héritier influente ou la ravissante Yuka Kouri en courtisane avisée.

BARBARES & SAUVAGES

Dans tous les cas, son histoire se compose de nombreux aspirants en tous genres. À même de manœuvré dans l’ombre comme en pleine lumière pour évincer leurs ennemis. Samouraïs, Catholiques Japonais ou Portugais, Jésuites comme marchands Espagnols ou même anglais protestants, quel qu’ils soient, animés par la Foi ou non, SHŌGUN dévoile un réalisme historique ET politique qui en fait l’une de ses principales forces.

La haine des préjugés étant universels, le contexte du show résonne à travers les âges. Cette rigueur historique et la violence insondable qui en découle se dévoilent dans un rapport à la mort incisif. Ses exécutions sont souvent abruptes et magnifiquement mis en scène. Et avant toute chose : brutale.

Dans la culture japonaise, notamment à cette époque, ce rapport à la mort s’avère moins tabou et plus sacré que celle des Occidentaux. Dans tous les cas, la série fait souvent mouche dans ses différentes démonstrations d’hémoglobine. D’un samouraï qui se fait seppuku jusqu’à une embuscade au canon dévastatrice, rarement ce rapport à l’ultra-violence incisive n’aura eu d’intérêt.

QUAND FÉODALE RIME AVEC COLOSSALE.

Avec un pilote d’1h10, puis avec des durées allant de 55mn à 1h, le tout sur 10 épisodes, SHŌGUN demeure une mini-série contemporaine dense. Sans réelles longueurs, elle tend son jeu politique sur la durée tout en étant assez avares en action. Néanmoins, après un début de saison assez intense, la tension monte crescendo jusqu’à un final, qui, à l’instar de cette saison parvient à surprendre dans sa forme.

On pourrait seulement regretter un certain manque d’éclairage sur le camp ennemi à Osaka. Tandis que l’intrigue s’attarde quasiment exclusivement sur le camp de Toranaga entre le village d’Izu et Edo (anciennement Tokyo). Cela permet un aboutissement total autour de ses principaux profils, dont se démarque le charismatique leader dans un jeu insondable, le pilote par une sincère sensibilité et la traductrice qui atteint un magnifique paroxysme dans son dévouement.

En plus de son scénario, la mini-série historique jouit d’un décorum assez solide pour favoriser son immersion. De son gigantisme frontal (ses moments de navigation, la vue d’ensemble d’Osaka et Edo), à son intimité naturelle (ses demeures traditionnelles par exemple). Pour la mettre en scène, la production prend soin de rendre hommage aux grands films de samouraïs. Même si la série a été tournée au Canada.

Elle use ainsi de différents artifices et astuces visuelles pour mettre en avant ses beautés spontanées. (ses jardins magnifiques et floraux jusqu’à l’ombre d’une bougie qui éclaire succinctement une scène d’assassinat). C’est d’ailleurs dans ses moments les plus sanguinaires que SHŌGUN se montre des plus inventifs. Les 6 réalisateurs et réalisatrices qui se succèdent capturent à merveille l’essence même de l’époque. Dans sa brutalité sauvage la plus réaliste. Un réalisme qui fait foi et qui fait de cette adaptation une œuvre très remarquée et bien trop rare sur nos écrans.

CONCLUSION

Quoi qu’il en soit, arrivé à son terme SHŌGUN aura privilégié le fond à sa forme. Le réalisme politique au spectacle. Avec son fracassant avant final et un ultime épisode qui s’attarde sur ses conséquences, la série se conclut néanmoins de façon très poétique, là où elle nous laisse sur sa faim. Tel le titre de son épisode final « A dream of a dream » SHŌGUN demeure un rêve devenue réalité comme il est rare d’en découvrir sur petit écran. Assurément, elle mérite les éloges à son égard.


Les + :

  • Une plongée ultra-réaliste dans le Japon féodal (et en crise) de l’an 1600. De son décorum, ses us et coutumes jusqu’à un casting majoritairement japonais.
  • Son trio au centre du récit, varié et parfaitement exploité. De sa figure centrale insondable et inflexible au pilote britannique rustre et ambitieux (mais qui s’éloigne des poncifs du genre) jusqu’à une traductrice toute en retenue émotionnelle.
  • Autour d’eux, une multitude de protagonistes passionnants. Tous motivés par un sens de la loyauté et/ou de l’appât du gain.
  • Une intrigue éminemment politique et qui gagne en intensité au fil du récit.
  • Un rapport à la violence (comme à la mort) très crue, frontale et fondamentale.
  • Une fin poétique et tout en nuances qui laisse place à l’imagination.

Les – :

  • Une intrigue un brin avare en action. Malgré de belles incartades remplies d’hémoglobine.
  • Des profils, d’antagonistes majoritairement, plein de potentiel, mais trop peu exploité au cours d’une saison pourtant conséquente.
  • Après un avant-dernier épisode fracassant son final se dégonfle en intensité. Néanmoins, jusqu’à son final, la série aura su se montrer surprenante dans sa forme.

MA NOTE : 17/20

Les crédits

CRÉATEUR(s) : Rachel Kondo & Justin Marks

AVEC : Hiroyuki Sanada, Cosmo Jarvis, Anna Sawai, Tadanobu Asano, Takehiro Hira, Tommy Bastow, Fumi Nikaidô,

mais aussi : Hiroto Kanai, Tokuma Nishioka, Yuki Kura, Shinnosuke Abe, Hiromoto Ida, Moeka Hoshi, Yasunari Takeshima,

Yuka Kouri, Takeshima Kurokawa, Yûko Miyamoto, Ako, Nestor Carbonell, Paulino Nunes, Toshi Toda (…)

ÉPISODES : 10 / Durée (moyenne) : 58mn / DIFFUSION : 2024 / CHAÎNE : FX

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *