RIPLEY

EN DEUX MOTS : pas facile de passer après plusieurs adaptations remarquées, dont une, sortie en l’an 2000. Netflix dévoile néanmoins, discrètement, en ce début de printemps : RIPLEY. Mini-série qui adapte les pérégrinations en Italie du mystérieux escroc américain.

Tom Ripley, un escroc new-yorkais qui tire le diable par la queue au début des années 60, est engagé par un homme richissime qui l’envoie en Italie pour tenter de convaincre son fils bohème de rentrer à la maison. En acceptant cette mission, Tom met le doigt dans un engrenage complexe qui va le mener au mensonge, à la fraude et au meurtre. 

Série adaptée des cinq romans de Patricia Highsmith mettant en scène le personnage de Tom Ripley.

Allociné

Après les visages évangéliques des jeunes Matt Damon et Jude Law, RIPLEY version 2024 mise sur l’atypique Andrew Scott. Et plus secondairement sur la star montante Johnny Flynn et la charmante (et plus si jeune) Dakota Fanning. Si sa distribution est un argument de choix, les plus cinéphiles se réjouiront du créateur à ses commandes : Steven Zaillian.

En effet, c’est le réalisateur (sur le tard) à qui l’on doit, sur petit écran, la formidable minisérie THE NIGHT OF. C’est surtout un émérite scénariste de 70 ans qui a (entre autres) signé les scripts de La Liste de Schindler, le remake Millenium, Gangs of New York ou encore Hannibal. Rien que ça.

Quoi qu’il en soit, et d’un aveu du showrunner, RIPLEY est avant tout une œuvre sombre et longue, comme le démontre cette version Netflix aujourd’hui. La minisérie se dévoile ainsi sous un magnifique noir et blanc et nous plonge durant de longues heures au côté d’un caméléon insondable. Difficile pour moi de ne pas faire part de mon enthousiasme, car oui, RIPLEY est à la fois une belle surprise et un vibrant hommage aux films noirs d’antan.

DU CLAIR À L’OBSCUR.

Durant 8 épisodes, RIPLEY suit les pas d’un caméléon de l’escroquerie. 8 épisodes qui se scindent en deux salves : les 4 premiers aux durées très abordables (en moyenne 45mn), puis les 4 suivants à 1h. (jusqu’à un final conséquent d’1h15). Tout est soigneusement illustrés, méticuleux à l’écran. À la fausse image du personnage insondable en tête d’affiche, qui, quand les choses dérapent, multiplies les erreurs. Et les horreurs.

Car après une courte première partie de 20 minutes révélatrices dans les rues rectilignes de New York, l’horreur s’immerge peu à peu dans le pays de la Dolce Vita. D’Atrani, à Rome, en passant par Palerme jusqu’à Venise. Un joli parallèle dans un pays traversé par les tragédies, la culture, la lumière ou la religion. Peu importe, ce mal indicible et perfide fait de cet antihéros, faussement glamour, une perle de l’esprit faillible que représente l’humanité.

À ce stade, le cast’ de l’irlandais Andrew Scott révèle du génie. L’esprit dérangé de l’escroc s’additionne à merveille aux regards acérés comme aux sourires ambigus que dévoile l’acteur de 47 ans. Plus que ça, Andrew Scott parcours le décor lumineux et immortel de l’Italie avec une latence inquiétante. À la fois très sur de lui, comme parfaitement vulnérable.

Cette ligne tout en nuances jouit d’une démonstration à l’écran conséquente. Sans trop en révélé, une sortie en bateau se transforme en véritable périple contre les éléments. Ou la manipulation d’un bagage encombrant se révèle être un poids bien difficile à déplacer. Fait d’allers et de retours très ironiques. Dans tout ça, RIPLEY (la série comme le protagoniste) font preuve d’une froideur et d’un réalisme saisissant, mais aussi d’une mise en exécution délectable.

L’ART DU MENSONGE. L’ART DE LA TROMPERIE.

Tom Ripley a beau être un homme qui se déplace, là où il demeure le plus fascinant, c’est face aux autres. Malgré sa durée, la série se montre trop avare en interlocuteurs. Du moins pour les plus importants, même lesquels elle concède peu de temps à l’écran. Preuve qu’elle accorde une durée non-négligeable aux détails de son environnement et des péripéties qui s’y déroule.

Dakota Fanning et Johnny Flynn sont les premiers interlocuteurs (et victimes) de l’escroc. Un escroc qui distille l’art du mensonge avec une aisance désarmante. Surtout quand celle-ci se teinte de vérités. Au-delà de sa force physique et sa plastique léchée, RIPLEY est une œuvre noire qui se languit et s’attarde sur les expressions de son bourreau. À la fois inquiétant et diablement insondable. Un antihéros toujours passionnant à découvrir sous différentes facettes.

Dans un deuxième temps et sous une ligne de temps, parfois, un peu flou, notre caméléon change d’identité. Pour le meilleur et pour le pire. Surtout pour le meilleur. Sa partie à Rome s’avère la plus aboutie. De sa confrontation avec l’irrévérencieux Freddie (Eliot Sumner, enfant de Sting) jusqu’à son jeu du chat et de la souris avec l’inspecteur Ravini (Maurizio Lombardi, charismatique et formidable). Et même si la série s’essouffle légèrement avant son final.

Ici, l’art de la tromperie dont fait preuve Ripley est à la fois amusant et délicieux. L’importance d’un récit quasi-historique (le début des années 60) s’avère indispensable dans ses moyens d’investigations limités. De quoi mettre en avant le genre humain à la méthode scientifique. Ce qui sied à merveille à la série qui se veut à la fois contemplative et bavarde.

CONCLUSION

À terme, RIPLEY combine dans son final ses principaux atouts pour se finir sur un épisode choral assurément astucieux. L’art du détail se conjugue aux arts que l’escroc déploie à l’écran et qui, assurément, se reflètent aux arts culturels dont regorge l’Italie. Bellissima.

Steven Zaillian, qui réalise et écrit l’entièreté de la minisérie, met en scène une œuvre complète à l’écran. Une œuvre hommage, une œuvre de cinéphile avant tout et qui ne devrait pas connaître le succès qu’elle mérite sur la plateforme. Hélas, car matière à suite il y a. Reste un petit diamant noir habilement produit, comme en propose Netflix trop rarement.


Les + :

  • Un formidable hommage aux films noirs des années 50 et 60. Magnifiés par un noir et blanc en clair obscur somptueux.
  • Les paysages d’Italie, traversés par sa force historique, culturelle et religieuse.
  • Le profil total et insondable de l’escroc Tom Ripley. Parfaitement campé par le charmant Andrew Scott, non dénué d’intensité physique.
  • Un montage qui fait preuve de quelques fulgurances dans son réalisme.
  • L’art du mensonge, de la tromperie ou de la manipulation mis en scène jusqu’à son paroxysme à l’écran.
  • L’utilisation maligne de son contexte historique. Bien plus qu’un artifice marketing de charme.
  • Une direction complète et totale sous la caméra et l’écriture de Steven Zaillian.

Les – :

  • Malgré un montage souvent astucieux, ce drame languissant est parfois traversé par quelques longueurs.
  • Malgré sa distribution très bien casté (et interprétés), ses seconds rôles manquent parfois de présence à l’écran.
  • Une œuvre fatalement peu accessible.

MA NOTE : 16/20

Les crédits

CRÉATEUR : Steven Zaillian

AVEC : Andrew Scott, Dakota Fanning, Johnny Flynn, Eliot Sumner, Maurizio Lombardi, Margherita Buy, Bokeem Woodbine, Louis Hofmann, et John Malkovich (…)

ÉPISODES : 8 / Durée (moyenne) : 52mn / DIFFUSION : 2024 / CHAÎNE : Netflix

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