EN DEUX MOTS : Le mythique réalisateur britannique Ridley Scott demeure un amoureux d’Histoire. Âgé de 85 ans (bientôt 86) il dévoile, dans un rythme toujours aussi soutenu, sa nouvelle grande fable historique. Après Gladiator, Kingdom of Heaven, Robin des Bois, Exodus ou encore Le Dernier Duel (il y a tout juste deux ans), le metteur en scène illustre cette fois le costume d’époque d’un célèbre Empereur : NAPOLÉON.
Fresque spectaculaire, Napoléon s’attache à l’ascension et à la chute de l’Empereur Napoléon Bonaparte. Le film retrace la conquête acharnée du pouvoir par Bonaparte à travers le prisme de ses rapports passionnels et tourmentés avec Joséphine, le grand amour de sa vie.
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Sous la plume de David Scarpa (avec qui il avait déjà collaboré sur « Tout l’argent du Monde ») Ridley Scott chapeaute une histoire d’envergure qui retrace l’ascension et la chute du célèbre conquérant français. Pour l’incarner le réalisateur se souvient de sa collaboration avec l’atypique Joaquin Phoenix, notamment après vu sa performance remarquée dans JOKER. L’antagoniste Commode dans Gladiator se glisse dans la peau de Napoléon avec une intensité imputable. Et pour un portrait aussi nuancé qu’imparfait.
Face à lui, Vanessa Kirby démontre une fois encore toute sa grâce et son charme dans la peau de l’amour de sa vie, Joséphine.
Seulement voilà, entre une filmographie aussi dense que large, allant du film de guerre, historique ou non, de la fable S.F sombre jusqu’au Thriller, Ridley Scott est un réalisateur aussi conséquent que borderline. Arrivé vers la fin de sa carrière (et avant la suite de son chef-d’œuvre Gladiator) l’octogénaire divise de plus en plus. Notamment avec la sortie de quelques films plus anecdotiques. Tel que celui-ci.
NAPOLÉON, histoire française entièrement tournée en anglais et en Angleterre quasiment, subit de plein fouet ces critiques. Des critiques qui mettent le doigt sur un montage haché de 2h38, malgré un potentiel director cut’s qui atteindrait les 4h30… Il faut bien dire qu’à l’arrivée, pour sa sortie cinéma, cette production Apple TV+ (décidément après Killers of the Flower Moon) déçoit inéluctablement.
PETIT HOMME DEVIENDRA GRAND. GRAND RÉALISATEUR DEVIENDRA PETIT.
Malgré tout, la figure et le parcours de Napoléon Bonaparte passionnent le cinéma. Français naturellement, mais international également. Le public également, comme semble le démonter les premiers chiffres au box-office. Tant mieux pour cette immense production au budget estimé à 200 millions de dollars.
Néanmoins, si la grandeur de la production assure le spectacle, le réalisateur a la lourde tâche de retranscrire à l’écran la vie mouvementée d’un petit homme passé de Général visionnaire (et technicien de guerre hors pair) à Empereur pétrie d’amour, pour son amante et sa patrie. Jusqu’à son exil. C’est notamment ici que le film de Ridley Scott échoue dans sa besogne, tant celui-ci retrace le long chemin de Bonaparte avec précipitation parfois.
Outre la véracité des faits historiques dévoilés à l’écran, son montage est loin d’être si inconsistant non plus. Que ce soit pour son rythme (saccadé tout de même) ou pour l’œil du spectateur. (Via des coupes net entres les scènes par exemple). Non, il se révèle davantage inégal pour son enchaînement de péripéties trop lourdes à porter, trop vite expédiés. Ce qui ne laisse pas la place à un quelconque climax s’installer à l’écran. Car NAPOLÉON retrace, pour le coup, plus de 30 ans de la vie de l’Empereur.
Si les (nombreuses) ellipses de temps sont toujours annoncées en détail, la vision historique du film fait l’impasse totale sur le réel plan géopolitique qui régnait en Europe à l’époque. Du papier à l’écran, l’aspect guerrier et politique n’a d’intérêt que pour les quelques scènes de bataille qui ponctuent le long-métrage. (Les seules réelles saines à subir le moins de coupe au montage).
LA GUERRE À L’HORREUR
Avec un tournage qu’on imagine aisément dantesque, Ridley Scott met en scène, malgré tout, une épopée historique visuellement grandiose. Variant les environnements, son directeur de la photographie (Dariusz Wolski) fais un travail assez remarquable et surtout varié.
Les nombreuses conquêtes en témoignent, Napoléon sillonne le monde et le film avait l’ambition d’être vendu comme une grande fresque, notamment de guerre. Toulon, Austerlitz ou encore Waterloo sont autant de grandes batailles qui ponctuent l’ensemble du film. De façon méthodique : au début, au milieu et à la fin du film.
Néanmoins, si NAPOLÉON jouit d’un savoir-faire qu’on ne peut nier, plusieurs ombres planent sur son résultat. Dans ces différentes œuvres le Britannique a toujours eu le goût de l’hémoglobine féroce. Le long-métrage avait cette promesse de grand divertissement sanguinaire qu’elle n’atteint jamais vraiment (si on exclut quelques embardées aussi barbare que succincte). Pas de quoi marquer la rétine comme c’était déjà le cas dans ses précédentes productions d’époques.
Malgré une belle mise en scène, une belle mise en abîme, et quelque effet pyrotechnique conséquent, NAPOLÉON échoue dans son exercice. La principale cause : une intensité désincarnée, au-delà d’un manque de violence à l’écran. Cela reste parfaitement divertissant, dispose d’un bon nombre de figurants et d’atmosphères différentes bien distinctes (allant de l’Égypte et la Russie) et pourtant, j’imagine le rendu des affrontements parfaitement oubliables sur la durée.
LA VÉRACITÉ DES SENTIMENTS
Outre son aspect historique et guerrier, NAPOLÉON est aussi (et avant tout) une grande fable dramatique teintée de romance.
Le rapport homme/femme n’a de réels intérêts que pour la dense relation qui unit Napoléon à Joséphine. Si ce n’est, brièvement, celle qui anime Napoléon avec une mère déterminée. Toujours est-il que l’amour de sa vie demeure un profil riche et ambigu au sein de l’intrigue. Notamment compte tenu de la position et de l’attente que représentent les femmes à cette époque. L’aspect le plus intéressant se conjugue ici au rapport de force entre les deux têtes d’affiche qui demeure assez dense.
Par ailleurs, les trois principaux genres qui composent le film nourrissent grandement la caractérisation du profil de Napoléon. Celui-ci est à la fois un ambitieux patriotique, que régit par les peurs et les craintes face à l’adversité. Fou amoureux, que cocu et mauvais amant. Ou encore charismatique dans sa position de leader adulé, que tourner en ridicule. Joaquin Phoenix se révèle être, quoi qu’il en soit, un choix idéal pour interpréter cet Empereur aussi grandiose que burlesque. Notamment grâce à son physique atypique et son jeu nuancé.
Hélas face à lui, et hormis une Vanessa Kirby irréprochable, le traitement du casting se révèle trop maigre pour convaincre. Bien que le film ne recèle pas de grands noms à son générique (si on exclut le frenchy Tahar Rahim) le problème qui se pose réside encore une fois entoure de son montage. Un montage qui s’absout de nombreux personnages au cours de ces nombreuses ellipses. Ainsi, aucun n’a réellement le luxe d’exister à l’écran, malgré les 2h38 qui composent le long-métrage.
CONCLUSION
Le constat semble assez terrible pour cette énième fable signée Ridley Scott. En vérité, malgré une production somptueuse et si on ne peut pas exclure le talent de ces deux principaux interprètes, NAPOLÉON s’avère étrangement anecdotique. Vu l’ampleur du projet ce résultat paraît aberrant, et pourtant…
En espérant que le quasi-nonagénaire parviendra à délivrer un dernier chef-d’œuvre avant de clôturer sa carrière plutôt dantesque.
Les + :
- Une production large et dantesque traversée par une mise en scène et une photographie léchée.
- De ses décors à ses costumes, NAPOLÉON impressionne par son gigantisme.
- Joaquin Phoenix & Vanessa Kirby, qui compose à eux deux des prestations et des personnages nuancés.
- Le profil à la fois burlesque, petit et ridicule de Napoléon contre une position et un charisme de force parfaitement interprété par l’atypique tête d’affiche.
Les – :
- Un montage pas tant alambiqué, mais davantage pressé, qui fait l’impasse sur toute notion d’intensité et de profondeur politique et historique.
- Sa durée de plus de 2h30 s’avère ainsi une succession de moments historiques aussi magnifiques qu’anecdotique.
- Ponctué de scènes de bataille grandiose, le film échoue à marquer la rétine malgré ses moyens. Son manque de violence guerrière y contribue en partie.
- Outre le fabuleux personnage féminin de Joséphine (qui demeure limitée par sa condition), et si on fait l’impasse sur la maigre influence de la mère de Napoléon sur son fils, le récit est dépourvu de caractère féminin.
- Du même effet, et malgré un casting secondaire large et varié (même si dépourvu d’acteurs reconnaissables) aucun d’entre eux conforte réellement sa position dans l’histoire. Une histoire qui a d’ailleurs tendance à les évincer hors-champ et sans explications.
MA NOTE : 13/20
Les crédits
RÉALISATION : Ridley Scott / SCÉNARIO : David Scarpa
AVEC : Joaquin Phoenix, Vanessa Kirby, Tahar Rahim, Rupert Everett, Ben Miles, Mark Bonnar, Matthew Needham, Edouard Philipponnat (…)
SORTIE : 22 NOV. 2023 / DURÉE : 2h38
[…] NAPOLÉON : L’octogénaire bien tassé Ridley Scott qui réalise un biopic guerrier sur l’Empereur français Napoléon, forcément ça pousse à la curiosité. En résulte, comme beaucoup de ses films, un biopic aussi antipathique qu’anecdotique. Quand même… […]