SUCCESSION – saison 1

Ô mortel, contemple ma toute puissance !

EN DEUX MOTS : Rares sont les shows d’HBO à l’arrivée discrète. Et surtout après l’annulation d’une de leur nouveauté, quelques semaines plus tôt (Here and Now). Le géant Américain sort toutefois son nouveau drama : SUCCESSION, en plein été avec pour principal argument de vente : ‘’Par le réalisateur de The Big Short’’. Qui n’est ici que metteur en scène du premier épisode, tandis que le showrunner et scénariste Jesse Armstrong supervise les scripts. 

Et c’est pourtant bien son intrigue qui allèche ici :

La riche et puissante famille Roy, composée du patriarche Logan et de ses quatres enfants, contrôle l’un des plus gros conglomérats de médias du monde. Alors que leur père vieillissant se retire peu à peu de la compagnie, Connor, Kendall Roman et Siobhan contemplent le futur de l’entreprise sans lui.

Allociné

Malgré de maigres audiences de démarrage (ce qui n’empêche pas HBO de renouveler le show peu de temps après son lancement), la série parvient à être très accrocheuse dès son pilote. La réalisation de Adam McKay est clairement présente dans sa nervosité et ses cadrages serrés qui cernent les expressions des membres Roy. Mais ce qui marque le plus c’est l’authenticité de ses personnages dans le contexte abordé à l’écran. Un point fort aisément confirmé au fil de la saison, qui privilégie le réalisme ainsi qu’un savant mélange tragi-comique.                          

A l'occasion de la sortie de la dernière saison de SUCCESSION réévaluation d'une petite critique d'une grande série. 
Ainsi cet article s'appuie sur ma critique succincte réalisée au moment de sa sortie en 2018. Mais avec plusieurs visionnages et du recul, 6 ans après, ce grand drame d'HBO mérite qu'on s'y attarde plus amplement.

NID DE VIPÈRES, NID DE TALENTS

Le résultat est d’autant plus vivifiant : des anti-héros qui semblent dépourvu d’humanité, de sens moral. Une famille gangrenée par les rivalités, les rancœurs, et les jalousies. Des rapports de forces difficiles, entremêlées de trahisons et de manipulations diverses. Un fourmillement incessant d’un nid de vipères qui se glisse à l’écran, et devant nous pour appâter son monde… Le beau portrait des 1% en soit. Les pires d’entre eux.

Un constat passionnant, puisque à nouveau l’écriture suit et permet de véritables délices d’interprétations. La vanité pouvant être un trait de caractère courant chez les acteurs, la distribution s’en donne à cœur joie et affiche une crédibilité quasi-instantanée.

« Que se passe-t-il pour ces hommes octogénaires ou nonagénaires à l’agenda quotidien très chargé ?« 

« Cela donnait l’impression de quelque chose d’assez fondamental sur le fait de ne pas vouloir arrêter et la perte d’influence à la fin de sa vie. Et je commençais à sentir qu’il y avait une série (à faire) sur ce que sont ces gens en général »,

Le showrunner Jesse Armstrong, au Festival du film de Londres en Octobre 2021

Au centre, la gueule de cinéma Brian Cox incarne le dinosaure des PDG, odieux et vindicatif. Sa seule présence dans l’assemblée démontre son important pouvoir d’influence. Mais la révélation c’est bien évidemment Jeremy Strong, dans le rôle du soi-disant fils prodigue, alors que finalement non. Sa method-acting se mêle à son physique peu avantageux sous certains angles, avec un certain manque de charisme. Un personnage parfois pathétique, un attribut renforcé par ses faiblesses de caractère face à l’adversité, notamment paternel.

Hormis ce duo passionnant et central, l’intrigue fait la lumière sur d’autres principaux profils, complémentaires et exquis. La belle australienne Sarah Snook est une révélation pulpeuse dans son rôle d’unique femme chez les enfants Roy. Dans la peau d’une consultante en politique pleine d’ambition, passionnante à observer dans sa relation face à son fiancé Tom (Matthew Macfadyen), qu’elle semble dressé comme un toutou.

Celui-ci dévoile une prestation toute en finesse, qui nous gratifie d’un humour malaisant, bien que pas aussi pervers que le troisième fils de la famille Roy : Roman (Kieran Culkin). Un clown débridé, qui, sous sa couverture dispose d’une réelle épaisseur à approfondir.

TRAGÉ(COMÉ)DIE

Des profils richissimes et contradictoires à certains égards. Plus on les côtoie, plus on semble les haïr, mais plus ils s’avèrent hypnotiques au demeurant. Car SUCCESSION à des allures de tragédie grecque des temps modernes. Avec son lot de rebondissements et de coups bas. Ici, ses opposants sont habillés en Armani et se lancent dans des joutes verbales à l’humour acide, pour un résultat très souvent hilarant. Sauf que sous le registre de la comédie se cache une horreur indicible. Réaliste et crédible.

Son ton tragi-comique le prouve et dresse le portrait d’un monde où évolue un groupe d’individus vivant en marge du peuple de tous les jours. C’est aussi effrayant que passionnant, et cela se démontre par différents exemples anodins. (Tel qu’un chèque d’un million de dollars pour un home-run lors du premier épisode).

Certains éléments de l’intrigue frôlent ainsi l’absurdité. Une absurdité qu’on retrouve chez ses personnages, leur milieu, comme certaines situations auxquelles ils sont confrontés. La grande asperge de  »cousin Greg » (Nicholas Braun) demeure un profil exquis, physiquement comme narrativement, puisque sous son regard on découvre également la famille Roy. Et le monde des ultras riche.

Avec subtilité, le show parvient presque à choquer son monde. D’une crise des croisières dissimulées, à une fellation ravalés jusqu’à l’explosion d’une fusée à l’étranger. C’est autant grandiloquent, drôle, que parfaitement glaçant.

Au-delà de l’humour tranchant et de l’horreur qu’elle dévoile SUCCESSION se révèle être un drame humain, familial, d’une grande richesse. Chose qu’on découvre notamment dans son final sous les yeux meurtris de Kendall.

Sans vouloir stigmatiser des caractères autant abjectes q’attachant, Jesse Armstrong propose un niveau de lecture multiple à son récit. Avec une importance envers les non-dits et l’influence du passé, comme le prouve son merveilleux générique.

GUERRE MODERNE

Son générique, et la musique qui l’anime sont à l’image de cette production qui prône le réalisme : majestueuse. Sous les notes entêtantes du synthé, le compositeur Nicholas Britell dévoile une bande-originale impériale. Entre classicisme et modernité.

Dans un monde où les clauses de confidentialité vont bon train, et où les transports en commun s’apparentent à des balades en hélicoptères privés, l’équipe de SUCCESSION dévoile des décors (principalement) urbains conséquents. La grande partie de cette première saison, un peu trop statique, se déroule à New York. En deux temps. Entre des bureaux à la vue majestueuse et des appartements luxueux à outrance, où gravitent ses trublions, toujours avides de pouvoirs et d’informations (une autre forme de pouvoir).

Cela ne l’empêche pas de dévoiler un aparté dans un ranch paumé du Nouveau-Mexique, appartenant à l’aînée farfelue du clan Roy (Alan Ruck). Après un mid-season suffocant lors d’un vote exceptionnel. D’autant qu’elle se conclut dans un monumental château anglais qui sert de décor à un tragique mariage lors de son double final. Ses différents moments sont la preuve de toute puissance d’un des mantras de la série :  »la famille est un champ de bataille ».

Cette première saison se révèle être une surprise du petit-écran triomphale. Pas nécessairement accessible sous les premiers abords, mais diablement addictive. Une valeur sûre instantanée et un nouveau coup de maître venant d’HBO.


CONCLUSION

Les + :

  • Les différents profils et interprétations, abjectes et passionnants
  • La révélation Jeremy Strong face à la puissance paternelle interprétée avec brio par Brian Cox
  • Une tragédie grecque des temps modernes, et un drame familial puissant
  • Les touches d’humours acides qui dissimulent une horreur électrique
  • De rares moments aussi subtils, que choquants
  • Les différents niveaux de lecture, comme son générique en deux temps
  • Sa musique impériale et majestueuse

Les – :

  • Un contexte pas nécessairement attrayant et pourtant…
  • Une conséquente première saison trop statique
  • Une mise en scène réaliste utile, mais qui minimise certains décors grandiose

MA NOTE : 17.5/20

CRÉATEUR: Jesse Armstrong

AVEC: Brian Cox, Jeremy Strong, Sarah Snook, Kieran Culkin, Matthew Macfadyen, Nicholas Braun, Alan Ruck, Hiam Abbass, 

J. Smith-Cameron, Dagmara Dominczyk, Peter Friedman, Rob Yang, Natalie Gold, David Rasche, Arian Moayed, Justine Lupe,

mais aussi : Harriet Walter, Larry Pine, Judy Reyes, Molly Griggs, Eric Bogosian, Ashley Zukerman, Eisa Davis, Caitlin FitzGerald, et James Cromwell (…)

ÉPISODES: 10  / Durée : 58mn / DIFFUSION : 2018

GENRE : Drame / CHAÎNE : HBO

(7 commentaires)

  1. […] En parallèle à cette rencontre au sommet dans le 3ème épisode  »The Queen’s Justice », la guerre fera donc rapidement rage dans Westeros, et ce, dès le second épisode  »Stormborn » qui s’achève sur la fulgurante attaque maritime de la flotte du terrible Euron Greyjoy (Pilou Asbæk) sur celles combinées d’Ellaria Sand (Indira Varma) et Yara Greyjoy (Gemma Whelan). Durant dix minutes, GOT fait à nouveau preuve d’une force technique impressionnante sous la caméra de Mark Mylod (à la réalisation de celui-ci et du suivant et qui s’illustre sur une autre production made in HBO – Succession…). […]

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