THE SOCIAL NETWORK

EN DEUX MOTS : Peu de temps après son escapade fantastique BENJAMIN BUTTON, le réalisateur David Fincher revient sur grand écran et signe son second biopic. Sauf que THE SOCIAL NETWORK est loin d’être un biopic ordinaire. Et bien loin des genres accoutumés du metteur en scène. Librement inspiré par la (jeune) vie de Mark Zuckerberg et d’un ouvrage paru l’année précédente (2009), le film se compose de divers flash-back relatant la création de : Facebook.

Une soirée bien arrosée d’octobre 2003, Mark Zuckerberg, un étudiant qui vient de se faire plaquer par sa petite amie, pirate le système informatique de l’Université de Harvard pour créer un site, une base de données de toutes les filles du campus. Il affiche côte à côte deux photos et demande à l’utilisateur de voter pour la plus canon. Il baptise le site Facemash. Le succès est instantané : l’information se diffuse à la vitesse de l’éclair et le site devient viral, détruisant tout le système de Harvard et générant une controverse sur le campus à cause de sa misogynie. Mark est accusé d’avoir violé intentionnellement la sécurité, les droits de reproduction et le respect de la vie privée. C’est pourtant à ce moment qu’est né ce qui deviendra Facebook. Peu après, Mark crée thefacebook.com, qui se répand comme une trainée de poudre d’un écran à l’autre d’abord à Harvard, puis s’ouvre aux principales universités des États-Unis, de l’Ivy League à Silicon Valley, avant de gagner le monde entier…
Cette invention révolutionnaire engendre des conflits passionnés. Quels ont été les faits exacts, qui peut réellement revendiquer la paternité du réseau social planétaire ? Ce qui s’est imposé comme l’une des idées phares du XXIe siècle va faire exploser l’amitié de ses pionniers et déclencher des affrontements aux enjeux colossaux…

AlloCiné

Malgré son synopsis qui semble excessif en détail, le film est fait d’une structure non-linéaire. C’est-à-dire que dans son montage moins excessif, de tout juste 2 heures, THE SOCIAL NETWORK s’avère farouchement méthodique. Cet attrait peu commun au genre, et largement convaincant, on le doit au travail du scénariste Aaron Sorkin. Combiné au perfectionnisme de David Fincher, le résultat est plus une satire sur la solitude d’un homme en marge, qu’un simple biopic.

Cette dimension personnelle et individuelle se ressent dès son introduction. Si la scène peut presque paraître banale, elle a nécessité 99 prises pour convenir au réalisateur. Pourquoi ? Parce que celui-ci demeure un forcené, mais surtout parce que la scène résume la motivation du personnage.

Pour l’incarner, le juvénile Jesse Eisenberg prête à merveille ses bouclettes au génie. À noter que face à lui, dans cette introduction révélatrice, Rooney Mara incarne la petite amie qui le plaque. Même actrice, qui, deux ans plus tard nous marquera dans son rôle de Lisbeth Salander, chez le même réalisateur.

DES PIXELS À LA RÉALITÉ, IL N’Y A QU’UN PAS

Comme son intitulé l’indique de façon métaphorique, le génie derrière Facebook s’est fait quelques ennemis dans son parcours de création. Nourris par un désir de vengeance misogyne, le personnage de Mark nous ait conté aussi succinctement qu’avec justesse. Et ce, par le biais d’une première partie farouchement construite. En 15 minutes, la création (et l’engouement) d’un site hybride va définir toute l’illustration du futur réseau social.

Parallèlement, le film va s’articuler sur deux procès en quasi-simultanés. Les sujets qu’ils aborderont apporteront toute la structure (de la genèse à son expansion) sur la continuité de la création du site, tout en parachevant le montage du film. Le premier procès l’oppose à son meilleur ami, et cofondateur de Facebook – Eduardo Severin (Andrew Garfield), tandis que le second aux frères jumeaux Cameron et Tyler Winklevoss (Armie Hammer dans le double rôle). Couplé de leur ami Divya Narendra (Max Minghela). Une nouvelle génération pour un travail pour le moins rigoureux.

Pour la première fois, David Fincher se passe de star pour illustrer son film. C’est aussi sa première collaboration (qui deviendra fructueuse) avec les compositeurs Trent Reznor & Atticus Ross. Un détail qui a son importance, car leurs merveilleuses compositions vont littéralement rythmer l’ensemble, sous des notes électriques. Cet attrait contemporain, presque clinique, va définitivement définir la suite de la filmographie du réalisateur. Pour tout à chacun, à son meilleur concernant sa partie technique.

Sur Internet, on n’écrit pas au crayon mais à l’encre. (…) T’as écrit ça de ton trou comme le font les gens aigris aujourd’hui.

Son ex-petite-amie Erica, à propos de la vengeance en ligne de Mark

Au centre de toute création il y a la motivation. Celle dépeinte ici est aussi petite que risible. Elle se base autour d’un désaxé rancunier, presque asocial. Hautain et condescendant. Proche, mais pourtant loin des stéréotypes, la subtilité de sa caractérisation réside sur la courte période (un an) dans laquelle se déroule le récit. Mais aussi parce que l’atypique Jesse Eisenberg y dévoile sa meilleure prestation jusqu’alors.

ABONNÉS & AMIS ÉPHÉMÈRES

120 minutes de film, monté avec parcimonie et qui jongle avec folie nerd et échanges vitaminés. Avec l’austérité élégante qu’on lui connaît, David Fincher use de son décor architectural sur plusieurs tempos. Outre les délicieuses scènes de procès à huis clos (qui iconise définitivement le profil de Zuckerberg) THE SOCIAL NETWORK avance aussi vite que son expansion est croissante.

La dilapidation de l’amitié de Mark & Wardo va largement s’accélérer avec l’arrivé du trublion Sean Parker, dans la deuxième partie du film. C’est l’immense star de la pop (mais pas que) Justin Timberlake qui lui prête ses traits. Pour un résultat délectable tant son influence toxique demeure subtil et réaliste. Un homme petit et paranoïaque dans un monde aux transactions géantes.

Sa deuxième, et dernière heure, s’avère moins étourdissante que la première. Néanmoins, elle décortique à merveille l’ascension fulgurante de la perversion des outils d’Internet. Et aussi celle des piliers de la tech américaine. C’est autant galvanisant qu’effrayant sur les besoins humains et la futilité de l’image que chacun renvoie. Peu importe notre avis sur la question, THE SOCIAL NETWORK est un point de repère neutre sur le sujet. Avec l’association de ses dialogues acides, sa mise en scène millimétrée et ambiancé par sa B.O électrisante, on obtient l’une des meilleures propositions du genre.

Les critiques presse sont par ailleurs unanimes. Tout comme ses nombreuses récompenses aux Oscars ou aux Golden Globes en disent long sur le travail mis en œuvre. Il loue le scénario, le montage du film et sa musique (pour les oscars remportés en 2011). Le résultat est clair et net : THE SOCIAL NETWORK redéfinit la notion de biopic linéaire à elle seule. Et seul David Fincher en était capable sous la plume d’Aaron Sorkin.

CONCLUSION

Les différentes institutions du cinéma ont également loué le talent du réalisateur et plus spécifiquement du film en général. Comme le prouve le Golden Globes du meilleur film dramatique en 2011, ou en France avec le César du meilleur film étranger. C’est justement à l’étranger que le film a fait le plus d’émules. La preuve que cette histoire américaine en dit long sur l’impérialisme qu’elle divulgue année après année.

Toujours est-il qu’au-delà d’une plongée brillante dans cette ère moderne américaine, THE SOCIAL NETWORK peut se révéler être, aussi, une fable intimiste sur un solitaire iconoclaste. Envers celui, qui, en 2010 était le plus jeune milliardaire au monde. Le film se conclut d’ailleurs merveilleusement sur cette idée : celle d’un homme qui demande en « ami » celle qui l’a largué des années auparavant. Et réactualise la page inlassablement pour voir si elle accepte son « invitation ».

Payez-les. Vu votre situation actuelle, c’est une contravention. (…) Vous n’êtes pas un sale con. Vous faites juste tout pour l’être.

L’assistante de l’avocat de Mark, à propos du futur accord de confidentialité

Les + :

  • La structure non-linéaire du film, qui, en plus de sa méthode millimétrée, l’éloigne drastiquement des biopic conventionnel
  • David Fincher revient à un exercice austère parfaitement exécuté. Clair et concis, son montage demeure brillant
  • La narration méthodique d’Aaron Sorkin, qui dresse un portrait ambigu sur un génie de son temps
  • Pour leur première collaboration avec le réalisateur, les compositeurs Trent Reznor & Atticus Ross effectuent un travail de génie. Une bande originale à la fois sensorielle et entraînante
  • Ses jeunes acteurs brillent dans le film, avec une mention évidente à Jesse Eisenberg et ses frisottis de génie
  • La portée global du film et du sujet qu’il aborde. L’image, Internet, la création…

Les – :

  • Après une première partie renversante, la seconde pâtit d’un engouement moindre. Jusqu’à sa conclusion amère
  • Son exercice condensé (qui en fait sa principale force) se soustrait d’une réelle partition émotionnelle. Une maladie sur les biopic made in Fincher

MA NOTE 17/20

Les crédits

RÉALISATION : David Fincher / SCÉNARIO : Aaron Sorkin

AVEC : Jesse Eisenberg, Andrew Garfield, Justin Timberlake, Armie Hammer, Max Minghella, Josh Pence, Brenda Song,

John Getz, Rashida Jones, Denise Grayson, Douglas Urbanski, avec Dakota Johnson, et Rooney Mara (…)

SORTIE (France) : 13 octobre 2010 / Durée : 2h / GENRE : Drame, Biopic

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