THE RINGS OF POWER (Les Anneaux de Pouvoir) – saison 1

Le pouvoir de la fantasy (et de la monnaie)

AVIS & ANALYSE : Projet névralgique d’Amazon, plus cher projet télévisuel à ce jour. Ou projet intime pour le deuxième homme le plus riche du monde (Jeff Bezos). Et accessoirement préquel de deux trilogies mondialement culte… Ce projet si gros qu’est devenu THE RINGS OF POWER au fil des années se dévoile (ENFIN) dans une saison 1 après un teasing monstre pour la rentrée 2022. Au côté d’un concurrent tout aussi monstre sur HBO

La fantasy n’a jamais fait aussi fantasmer. Et pourtant, si les deux séries ont de fortes similitudes, celui-ci demeure plus vaste et borderline. En se basant entre autres sur de faibles écrits annotés en bas de pages sur les romans-fleuves de Tolkien, la monstrueuse série issue de l’univers de The Lord of the Rings se déroule des milliers d’années auparavant, durant le Second Âge.

SYNOPSIS

Commençant à une époque de paix relative, la série suit un ensemble de personnages, à la fois familiers et nouveaux, alors qu’ils affrontent la réémergence tant redoutée du mal sur la Terre du Milieu. Des profondeurs les plus sombres des Monts Brumeux, aux forêts majestueuses de la capitale Elfique de Lindon, à l’île royaume à couper le souffle de Númenor, et jusqu’aux confins les plus éloignés du monde, ces royaumes et personnages bâtiront des légendes qui continueront d’exister bien longtemps après leur mort.

L’intrigue se déroule plusieurs milliers d’années avant les événements des livres J.R.R. Tolkien « Le Hobbit » et « Le Seigneur des Anneaux ».

Allociné

Elle a l’ambition de proposer un récit immensément large, avec pas moins d’une trentaine de personnages récurrents. THE RINGS OF POWER se rapproche bien plus de Game of Thrones dans sa forme que de son concurrent direct HOUSE OF THE DRAGON, plus intime. Les comparaisons s’arrêtent pourtant ici tant les deux univers et leurs retranscriptions à l’écran n’ont pas la même tonalité. The Lord of the Rings demeure une œuvre fleuve, familiale, qui chérit l’immensité de la perspective d’un monde fantastique. Là où Game of Thrones demeure crue, politique et réaliste, ponctuée de mythologie fantastique.

Dès lors, la série phénomène se caractérise par des critiques globalement positives niveau presse, mais bien plus frileuse pour son public. Avec une moyenne de 6.2/10 (au deuxième jour) sur le site référence IMDb le constat est frappant. (Et qui va globalement s’arrêter à 6.9 au terme de sa diffusion). Même si l’avis de certains est déjà tranché compte tenu de la demi-douzaine de bande-annonces présentées auparavant. Mais surtout des enjeux du show sur un univers tant apprécié.

ON BRASSE LARGE SUR BEZOS TV

Supervisé par un duo de showrunners quasi inconnus – Patrick McKay & John D. Payne Amazon dévoile sa série avec deux épisodes (soit 1/4 de la saison), aussi colossaux qu’inégaux, à bien des égards. Mais puisque la mise en images d’un richissime univers de fantasy demeure central, la production embauche le réalisateur, anciennement prodige, J.A. Bayona à la réalisation des deux épisodes introductifs en question.

Avec des droits estimés à 250 millions de dollars et une première saison à 465 millions, nul doute que l’attente d’un résultat grandiose était de mise.

Et celui-ci ne déçoit pas et demeure la grande force du show. De l’immensité des différentes cités de la Terre du Milieu présentées aux paysages verdoyants typiques de la Nouvelle-Zélande, l’environnement de THE RINGS OF POWER remplit son cahier des charges. Et même plus. Fort heureusement, la diversité des costumes et le détail des équipements qui enrichissent le tout s’avèrent tout aussi grandiose et d’excellente facture.

C’est bel et bien sur la narration que le show recèle de faiblesses. Dans une grosse introduction d’un quart d’heure, sous la voix-off d’une Galadriel (Morfydd Clark) guerrière et vengeresse, le Premier Âge nous est conté. Très, très succinctement et sommairement. Puis, il dévoile la structure du monde dans lequel se déroule le récit actuel. L’épisode, puis les deux suivants, présentent les principaux personnages. Leurs quêtes, leurs destins, leurs caractères, via les différentes communautés bien connues : Elfes, hommes, Nains et Pieds velus (les ancêtres des Hobbits).

Sous le joug d’un récit d’aventure qu’on connaît tant, les multiples protagonistes évoluent. Se croisent et se décroisent dans un montage aussi classique qu’en partie efficace. Une large palette représentée par un casting international de quasi inconnus et très ambivalents côté interprétations / caractérisations. En somme, certains protagonistes captent l’attention, tandis que d’autres sont de pures connivences.

L’AVENTURE DE LA FAN-FICTION

Malgré la largeur de son univers, THE RINGS OF POWER dispose d’une certaine compréhension qui ravira les néophytes. Et risque d’en énerver certains tant le récit semble parfois nous prendre pour des demeurés. Un aspect qu’on peut apparenter à ses aspirations grand public qui s’accorde si bien à son récit d’aventure et d’action qui a défini les trilogies de Peter Jackson. Celui-ci n’ayant jamais été consulté durant la production de la série.

Sur ces termes, la série convainc par la richesse et l’aspect de son large bestiaire (qu’on ne voit finalement pas beaucoup) malgré quelques aspirations toujours purement marketing. On pense à la modernisation de style dans les combats pour les Elfes, dès les premiers instants.

L’aspect le plus réussi s’effectue chez les Orques, antagonistes majeures de The Lord of the Rings et qui disposent d’une richissime diversité de prothèses et d’allures bestiales. Leur arrivée un peu tardive est toutefois hyper enthousiasmante tant la série s’accorde à flirter avec le film d’horreur dans les premiers instants. Une fois en meute, leur bestialité et leur sadisme s’avèrent plus cartoonesque cependant.

Le piège de la fanfiction n’est pourtant jamais loin. Qu’il s’agisse de certains visuels ou la grandiloquence de certains profils (on pense aux Nains exubérants ou les hommes avides) THE RINGS OF POWER manque cruellement d’originalité. La série a également un rapport à la violence assez étrange. Présente, mais non assumée parfois.

Enfin, pour ses aspirations « tout public », la série enchaîne quelques clichés autour de ses protagonistes. Tout ça cumulés, la magie poétique de la trilogie originelle s’avère loin. Ici, on flirte méchamment avec l’exubérance (encore, oui) de celle du Hobbit.

À S’EN MORDOR LES DOIGTS

Au-delà de tous ses défauts, THE RINGS OF POWER dispose aussi d’un rythme ronronnant. Du moins dans sa première partie. Beaucoup de blablas pour mettre en place les intrigues et trop peu d’action malgré une certaine direction épique, Et des moyens spectaculaires bien évidemment.

L’intrigue se lance réellement après le quatrième épisode, même si elle dispose d’un certain nombre de lacunes. Son sixième épisode (toujours très long : 1h10) s’articule dans ce sens en regroupant deux groupes de personnages autour de différentes scènes d’actions à ciel ouvert. Il y a beaucoup à dire sur ce premier grand moment d’action qui définit la série. De sa dimension épique, aux moyens techniques mis en place, jusqu’aux rebondissements dramatiques qui structurent le tout.

Et à l’image des épisodes précédents, THE RINGS OF POWER s’avère aussi peu surprenant qu’à proprement efficace par moments. Des effets spéciaux, aux grands espaces bien mis en perspectives, jusqu’aux grandioses plans sur la (petite) cavalerie, il y a un gros travail de production en parallèle pour une mise en images convaincante. En revanche, sa dimension épique m’a semblé bien trop à petite échelle sur les différents affrontements, tout comme les ressorts de tension autour des figures récurrentes.

Certains profils se démarquent sans nul doute ici. Du courageux elfe métisse Arondir (Ismael Cruz Cordova) jusqu’au seul réel antagoniste mis en lumière, Adar (Joseph Mawle). Pourtant, malgré une superbe mise en abyme sur la création du Mordor dans les derniers instants, un manque demeure. Un manque de magie à l’écran. Un manque d’une noirceur qui ne suffit pas, même en insufflant une quelconque terreur ou de l’hémoglobine, pour s’avérer dramatique. Ce manque s’applique à la dimension recherchée par ses showrunners, bien trop peu inspirés pour prendre des risques concrets.

UNE SÉRIE POUR LES DÉCEVOIR TOUS

Quoi qu’il en soit, après un épisode d’action, cette fin de première saison déçoit, une fois encore. En principal cause, son rythme, ainsi que quelques lacunes d’écritures qu’on attribue (encore) à son duo de showrunners inexpérimenté. En se basant d’abord sur un faux suspense autour de la survie de différents personnages. L’intrigue perd alors encore un temps incommensurable durant ses toujours très longs épisodes pour ne raconter… pas grand-chose. 

Cela a encore la faculté de stigmatiser ses personnages, dont certains brillent par leurs absences à l’écran durant la saison. Pour les autres, autant se focaliser sur les plus agréables (à mon sens). En commençant avec le convaincant Cpt. Elendil (Llyod Owen), père d’Isildur (Maxim Baldry), jusqu’à la fougueuse pieds velus (Markella Kavenagh) accompagnée du mystérieux étranger (Daniel Weyman). Ou encore la belle amitié entre le jeune semi-elfe Elrond (Robert Aramayo) et le nain Durin IV (Owain Arthur). 

Avec son final, THE RINGS OF POWER mélange toutes ses caractéristiques préexistantes jusqu’à lors. De ses aberrations scénaristiques jusqu’aux grosses ficelles qui prennent son spectateur pour un inculte de l’univers de Tolkien. Cela, c’est heureusement le pire qui conclue sa saison introductive en dévoilant (très) maladroitement l’identité de Sauron en la personne d’Halbrand (Charlie Vickers).

Oui il était temps… mais quand même !

Puis en forgeant les trois anneaux de pouvoirs destinés aux Elfes en un coup de louche. Deux twists qu’on attendait évidemment, mais qui sont introduits avec rapidité, tandis que le reste de la saison stagne méchamment. On pourra se consoler sur un certain sens de l’aventure. Chose qu’on retrouve avec l' »Istar », ou l’étranger, finalement identifié comme un magicien dans le final et doté d’une belle dictée, l’esprit à présent désembrumé.

CONCLUSION

C’est peut-être quelque chose qu’on pourra retrouver dans la suite de ce show à grande ampleur qui a encore beaucoup à raconter et qui dispose dans l’avenir d’un certain nombre de ressorts dramatiques autour des personnages. Même si les inepties risquent fortement de s’additionner pour plaire au plus grand nombre.

La production devrait s’orienter sur une technique similaire et s’accompagner d’une bande-originale toujours (très) convaincante signée Bear McCreary (après un main-title calme, mais puissant signé Howard Shore).

À noter que celle-ci prendra place en Angleterre contre la Nouvelle-Zélande pour un retour prévu pas avant 2024. La patience est donc de mise.


Les + :

  • Des effets spéciaux tout a fait grandiose
  • De nombreux personnages, décors, et autres costumes parfaitement représentés, et avec soins
  • Une très belle bande-originale signé Bear McCreary
  • Un sens de l’aventure qui fonctionne quand la série se laisse le temps de l’exploiter sans mauvais raccord

Les – :

  • Son écriture, sans subtilité, et qui tente de plaire au plus grand nombre aux détriments de sa finesse d’univers d’héroïc fantasy
  • Un rythme mal calibré noyer sous des dialogues pompeux
  • Quelques personnages inconsistants, qui s’accordent aux traits de caractères que le scénario leur accorde
  • Une déception notable compte tenu du budget alloué à l’événement qu’il représente
  • Une adaptation assez peu fidèle quand on compare aux nombreux écrits de Tolkien

MA NOTE : 13/20

CREATEUR(s) : Patrick McKay & John D. Payne

AVEC : Morfydd Clark, Charlie Vickers, Robert Aramayo, Ismael Cruz Cordova, Markella Kavenagh, Cynthia Addai-Robinson, Llyod Owen, Maxim Baldry,

Daniel Weyman, Charles Edwards, Nazanin Boniadi, Tyroe Muhafidin, Lenny Henry, Dylan Smith, Megan Richards, Sara Zwangobani,

Joseph Mawle, Ema Horvath, Trystan Gravelle, Leon Wadham, Owain Arthur, Sophia Nomvete, Benjamin Walker, et Peter Mullan (…)

ÉPISODES : 8 / Durée (moyenne) : 1h10 / DIFFUSION : 2022 / CHAÎNE : Amazon

(6 commentaires)

  1. […] Those About to die est tout de même loin d’être un concurrent de taille pour les productions estivale. Son budget assez faramineux est encore la preuve qu’investissement ne rime pas toujours avec réussite. Surtout pour Amazon Prime Video, après les déjà très bancales Citadel et Les Anneaux de Pouvoir. […]

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