EN DEUX MOTS : Dans le cadre du Barbenheimer, pratique que j’ai effectué dans un concours de circonstances, retour sur le (grand) retour de Christopher Nolan. 3 ans après la sortie du tiède TENET, l’immense metteur en scène revient dans les salles obscures avec un projet d’envergure. Pour son troisième film qu’il pilote en solo (à la réalisation et au scénario) Nolan s’acoquine une nouvelle fois du genre historique, pour une fable de biographie sombre et saisissante.
En 1942, convaincus que l’Allemagne nazie est en train de développer une arme nucléaire, les États-Unis initient, dans le plus grand secret, le « Projet Manhattan » destiné à mettre au point la première bombe atomique de l’histoire. Pour piloter ce dispositif, le gouvernement engage J. Robert Oppenheimer, brillant physicien, qui sera bientôt surnommé « le père de la bombe atomique ». C’est dans le laboratoire ultra-secret de Los Alamos, au cœur du désert du Nouveau-Mexique, que le scientifique et son équipe mettent au point une arme révolutionnaire dont les conséquences, vertigineuses, continuent de peser sur le monde actuel…
Allociné
Devant la caméra, Cillian Murphy, étroit collaborateur du réalisateur, bouffe l’écran. Squelettique, insondable, habité, l’iconique acteur Irlandais se plonge dans le désarroi mental d’un homme hors du commun. Un homme admiré puis calomnié, et dont la psyché, combiné à bien d’autres, changera le cours de l’humanité.
Au-delà d’un synopsis prometteur et dense, le célèbre artisan a-t-il les épaules d’un projet t’elle que OPPENHEIMER ? Ou bien ses précédentes déficiences scénaristiques on t’il raison de ce biopic long de 3 heures ? Bonne nouvelle, presque dix ans après la claque INTERSTELLAR, Christopher Nolan atomise ses concurrents estivaux. (Cela est subjectif évidemment).
FUSION / FISSION : LA PERCEPTION DE LA VÉRITÉ
Comme le dévoile son réalisateur dans ses premières minutes, son récit sera principalement marqué par deux parties. Deux time-line (mais finalement plus). Et plutôt qu’un traditionnel et chronophage montage dans le temps (et pour des raisons dramatiques évidentes) Nolan superpose son récit de scène en scène. Fusion, Fission ou point de vue objectif, subjectif, caractérise ainsi le récit d’OPPENHEIMER. De la couleur au sommaire noir et blanc à l’écran.
Si le récit navigue entre les époques et que le montage peu s’avérer farouchement dense, non, le film est loin d’être si incompréhensible. Un montage imparfait parfois mais immersif toujours. Car il s’agit avant tout d’un voyage. Du voyage mental et sensoriel d’un artisan adepte de visions apocalyptiques. L’un des principaux atouts du film réside dans sa puissance visuelle, et celle-ci se caractérise de plusieurs manières. L’artisanat de ses décors, authentiques, jusqu’au physique magnétique de notre tête d’affiche.
Sans grande surprise, Cillian Murphy est dantesque. Nourri d’une détresse psychologique qui fait écho à son génie. C’est d’ailleurs pour cela que son face-à-face sommaire avec Einstein (Tom Conti) conclut parfaitement le film. Accablé des réactions chimiques de différentes expériences qui nourrissent son esprit (les visions sont autant des chocs visuels que sensoriel en Dolby Atmos), le parcours du père de la bombe atomique est aussi malmené que tragique historiquement.
Dans ce parcours méthodiquement décortiqué, l’acteur de 47 ans donne la réplique à un nombre étourdissant d’artistes du cinéma. Connus du grand comme du petit écran.
DES MOLÉCULES PARMI LES MOLÉCULES
Parmi les principaux artisans nommés sur les différentes affiches promotionnels on retrouve quelques grands noms du métier. Figure pilier et rôle souvent conditionné, Emily Blunt joue l’épouse d’Oppenheimer. Sauf qu’ici le réalisateur dresse le portrait, succinct (comme tous les personnages secondaires), d’une femme aussi libre que prisonnière. Un parallèle qui caractérise son caractère d’acier à une époque qui la cantonne à être simple femme au foyer. Néanmoins, malgré sa relative faible utilisation l’actrice fait preuve d’une gravité assez folle face à Cillian Murphy.
Viennent s’y ajouter la figure d’amante torturée sous les traits de la gracieuse Florence Pugh. Une autre figure féminine forte, sous-exploitée, problématique, car au relatif entourage communiste, et qui ose se mettre à nu. Matt Damon, quant à lui, revient sous la caméra de Nolan après son rôle remarqué (et surprise) dans INTERSTELLAR. Aujourd’hui il interprète un Général charismatique et respectable, malgré sa rigueur.
Enfin, après son passage à vide et iconique dans le MCU, Robert Downey Jr. prouve encore qu’il est un grand acteur. Le seul (réel) twist du film se fait autour de cet antagoniste politique rancunier pour un résultat délectable.
OPPENHEIMER se compose également d’interprètes aux rôles bien plus secondaire, sommaire, mais aux apparitions toujours excellente. Parmi les plus marquantes Casey Affleck s’avère effrayant. Au même titre que Gary Oldman dans la peau du Président Truman lors de son échange glacial face au physicien. Il est clair que malgré sa très longue (mais pas trop longue pour autant) durée, le film demeure frustrant dans la sous-exploitation de son casting fou. Le discours de l’hypnotique Rami Malek le prouve, tout comme les manifestations souvent concises de ses nombreux artisans du chaos (Kenneth Branagh, Ben Safdie, Josh Hartnett, et bien d’autres).
ARTISANS ATOMIQUE
Entre un procès qui n’en est pas un, dans un environnement miteux et à huis clos, mais qui saborde la crédibilité d’un homme reconnu, et le déroulement du projet d’une vie en pleine crise, Christopher Nolan crée une odyssée historique grandeur nature. Cet artisan du réel se targue d’un film monstre sans CGI. Une prouesse à notre ère du numérique qui trouve seulement ses limites sur l’essai tant attendu.
Estampillé d’un suspense de film noir durant plus d’une heure, OPPENHEIMER est fait de prouesses dues à la réalisation dingue de son metteur en scène. Naturellement condensé dans les décors désertique et magnifique du Nouveau-Mexique. Malgré un budget relativement faible de 100 millions de dollars, le film à était exclusivement tournés sous des caméras IMAX. Sous la photographie de Hoyte van Hoytema (derrière les 3 précédents films de Nolan) le résultat est aussi grandiose que crépusculaire.
L’artifice technique par excellence, qui accompagne la visuelle du film, demeure le son. A ce niveau les artisans de la production accomplissent un travail monstre. Ceux-ci accompagnent magnifiquement les visions cauchemardesques d’Oppenheimer. La scène du discours amer du physicien face à une assemblée hilare est un moment suffocant.
Comme toujours chez le réalisateur, ses films s’enrichissent d’une bande originale d’envergure. L’habituel Hans Zimmer laisse la place au plus méconnu (mais talentueux) Ludwig Goransson, qui magnifie la tension latente présente dans l’intrigue. Toutefois la b.o navigue entre l’émotion (de sa première partie) à la détresse constante qui marque le projet Manhattan jusqu’à sa conclusion discrète, aboutie et définitive.
CONCLUSION
Pour conclure, OPPENHEIMER est une expérience à plusieurs niveaux. Large mais intime. Large dans la réalisation de son projet, de ses nombreux intervenants jusqu’à la portée historique et des conséquences catastrophiques qui en résultent (plus de 22 000 morts au Japon). Mais intime quand elle accompagne le visage de Robert J. Oppenheimer sous les traits exceptionnel de Cillian Murphy.
Cela va s’en dire, le biopic de Christopher Nolan m’a mis K.O. Son extrême longueur n’a pas était un frein face à l’immersion qu’elle représente. Tout comme sa notion de fable historique bavarde enrichi son récit bien plus qu’il ne le freine. C’est une expérience folle qui dévoile un pan irréversible de notre histoire. Dans sa plus grande noirceur.
« Je voulais plonger le spectateur dans l’esprit et la vie d’un être qui s’est retrouvé à l’épicentre des plus grandes mutations de l’histoire. Qu’on le veuille ou non, J. Robert Oppenheimer est la personne la plus importante qui ait jamais vécu. Il a façonné le monde dans lequel nous vivons, pour le meilleur et pour le pire. Et il faut se plonger dans son parcours pour y croire. »
Christopher Nolan
Les + :
- Cillian Murphy magnétique, habité, incroyable
- L’artisanat qui englobe la reproduction des différents décors jusqu’au souci du détail autour de sa clique scientifique
- Un rythme dingue, qui parvient à ne pas nous ennuyer, malgré ses 3 heures
- L’immersion totale dans le projet, du travail accomplis autour du son comme de la photographie
- Un casting secondaire absolument étourdissant et souvent délectable
- La gravité et la force de sa bande originale, signé Ludwig Goransson
- Sa conclusion amère
Les – :
- Un montage qui peut se montrer déroutant et éprouvant, mais aussi très verbal
- La sous-exploitation massive d’un casting qui l’est tout autant
- Une émotion un brin en retrait malgré la richesse de son histoire
- La semi déception de son explosion atomique tant attendue, tellement bien teasé que forcément décevante
MA NOTE : 17.5/20
RÉALISATION & SCÉNARIO : Christopher Nolan
AVEC : Cillian Murphy, Robert Downey Jr., Emily Blunt, Matt Damon, Florence Pugh, Josh Hartnett, Jason Clarke, Ben Safdie, avec Rami Malek, et Kenneth Branagh,
mais aussi : Casey Affleck, Tom Conti, David Krumholtz, Alden Ehrenreich, Macon Blair, Dylan Arnold, Trond Fausa, Jefferson Hall, Gustaf Skarsgård, Tony Goldwyn,
Dane DeHaan, David Dastmalchian, Matthew Modine, Jack Quaid, James D’Arcy, Alex Wolff, et Gary Oldman (…)
DURÉE : 3h / SORTIE (France) : 19 Juillet 2023
[…] MA NOTE : 17.5/20 / MA CRITIQUE : ICI […]