EN DEUX MOTS : Le premier événement majeur cinématographique du printemps se trouve sur Netflix. 5 ans après la fin amère d’un monument de la télévision, les créateurs de Game of Thrones adaptent une nouvelle saga de romans jugés inadaptables. Cette saga, c’est la trilogie (débutée en 2008 puis terminé en 2012) du chinois Liu Cixin qui s’appelle « Le problème à 3 corps ». Un auteur référence dans le genre de la Science-fiction.
Thèmes philosophiques, scientifiques ou politiques, histoire qui s’étend sur les années, pays étranger d’une largeur économique et sociale étourdissante… Les difficultés étaient nombreuses pour les showrunners David Benioff & D.B. Weiss, qui s’associent aujourd’hui au scénariste Alexander Woo (True Blood / The Terror), dans cette tentative d’adaptation.
Une décision prise par une jeune femme en Chine dans les années 60 a des répercussions spatio-temporelles jusque dans le présent. Lorsque les lois de la nature se délitent inexplicablement sous les yeux d’un groupe soudé de brillants scientifiques, ils unissent leurs forces à celles d’un inspecteur inflexible pour affronter la plus grande menace de toute l’histoire de l’humanité.
Allociné
Après une série chinoise inconnue chez nous, Le Problème à 3 corps peut s’imposer comme une nouvelle obsession télévisuelle. Difficile également de ne pas penser à Game of Thrones vu la largeur du projet. Cependant, en passant de la Dark fantasy à la Hard S.F., ses créateurs dévoilent un exercice encore plus périlleux. De ce fait, avec son binge-watching, que le géant de streaming favorise toujours autant, la série tente rapidement d’accrocher son téléspectateur.
Le titre fait référence au problème à N corps en mécanique orbitale.
Wikipédia
Néanmoins, la notoriété de ses scénaristes couplés à des moyens conséquents est-elle suffisante pour nous embarquer dans ce nouveau voyage ? Ou bien ses nombreux thèmes fantasmagoriques nous laissent-ils dans les limbes de la compréhension ? En réalité, ni l’un ni l’autre. Le Problème à 3 corps s’avère être une fable S.F. qui embrasse pleinement son postulat de blockbuster qui essore son matériau en choisissant la facilité. Une fable curieusement désincarnée. Explications.
Ma critique se base sur un visionnage de la série sans ayant lu le roman au préalable. Un premier tome que j'ai débuté à vrai dire. Ainsi, vous retrouvez, plus tard en fin de critique, un en-tête avec mon avis divergent. Si celui-ci diverge bien entendu.
LE PROBLÈME NETFLIX
L’exercice est bel et bien périlleux. À dire vrai, après un binge-watching intense étalé sur deux jours, mais aussi la lecture du premier chapitre du tome 1 que la série adapte, cette version Netflix semble être une adaptation simplifiée à l’extrême. Elle n’a ni la portée sociale de son roman, ni sa complexité. Son premier arc narratif en est l’exemple parfait.
Et pourtant, ses premiers épisodes font la lumière sur une riche intrigue en Chine Occidentale. Des années 60 jusqu’aux décennies suivantes, grâce à des ellipses de temps parfois abruptes et brumeuses. Ici, l’emploi d’un casting local et du mandarin demeure très plaisant. Tout comme la vision d’un régime communiste en décalage avec un régime démocrate standard. Sa principale intervenante est l’actrice chinoise Zine Tseng, au rôle fondamentale et pourtant bien trop peu exploitée et approfondie sur le long terme.
Car très vite et exclusivement ensuite, le récit va s’articuler sur l’intrigue au présent. (L’an 2006 du roman étant transposé à notre ère actuelle). Le problème n’est pas tant une simplification compréhensive du cheminement global de l’histoire et de ses grandes lignes. Le problème réside dans sa mise en œuvre à l’écran, par exemple, son casting (charmant, oui, c’est certain) qui interprète le « groupe soudé de brillants scientifiques ».
Une distribution de jeunes esprits brillants peut-être, mais qui se résume bien souvent à de purs produits marketing typique du catalogue Netflix. À n’en pas douter, on appréciera la beauté incandescente et les regards désespérés d’Eiza Gonzalez. Le charme de Jovan Adepo ou la combativité intellectuelle de Jess Hong. Néanmoins, cette adaptation sonne bien souvent faux et ses différents caractères le prouvent à plusieurs niveaux.
VERS LE VIRTUEL
Un autre exemple probant concerne les anciens crédités issus de l’univers GOT. John Bradley y incarne un millionnaire débridé et fans de pop culture en tous genres. Un profil d’abord amusant, mais qui atteint très vite ses limites d’exploitation. Il en va de même pour le vétéran Jonathan Pryce dans un nouveau rôle de gourou porté par la Foi.
Sur un casting assez large, mais finalement plutôt restreint, se détache tout de même quelques personnages croustillants. L’imposant Benedict Wong en premier lieu, plein de flegme et non sans humours. Celui-ci donne d’abord la réplique au mystérieux Thomas Wade (Liam Cunningham), autre récurrent issus de l’ancienne production fantastique des showrunners. Un autre profil qui manque d’éclairage (et parfois même de cohérence) malgré un rôle qui s’intensifie (et se précise) en deuxième partie de saison et que j’ai particulièrement apprécié.
Avant ça, sa première partie dévoile un certain nombre d’incartades S.F. via une immersion en réalité virtuelle. Des scènes que j’ai beaucoup moins appréciées. De son décorum mystique à sa pléthore d’effets spéciaux, ses grandes scènes de Science-fiction ne révèlent aucune réelle intensité narrative. Surtout compte tenu des limites naturelles de son scénario qui prend une nouvelle direction à mi-saison.
Il y a, en plus de ça, dans la production de David Benioff et D.B. Weiss, de nombreuses touches d’humour étonnantes. Celles-ci apportent une certaine légèreté à cette œuvre de hard S.F. Toutefois, là où la simplicité et la simplification de l’intrigue prévaut, ses grands thèmes philosophiques et politiques s’évanouissent. Un constat qui s’applique sur l’ensemble de sa première saison qui favorise terriblement l’effet de cliffhanger tape-à-l’œil à la rhétorique pure et dure (contrairement à… Game of Thrones).
PROPAGANDE MENSONGÈRE.
C’est ce qui m’a particulièrement marqué en termes de différence dans cette nouvelle œuvre des showrunners : une vision beaucoup plus basique et spongieuse du riche univers qu’ils adaptent. Dans son déroulement, lors de ses premiers épisodes, l’intrigue éclaircit quelques mystères très prometteurs, s’intensifie nettement à mi-saison, puis s’enlise dans trois derniers épisodes assez décevants. Notamment dans ses révélations envers la vraie menace de l’intrigue.
Néanmoins, malgré ses nombreux défauts de production, difficile de vraiment bouder son plaisir devant Le Problème à 3 corps. Pas du tout adepte du binge-watching habituellement, force est de constater que cette méthode de diffusion à son intérêt aujourd’hui. Avec 8 épisodes allant de 40 minutes à 1 heure (sans les longs crédits habituels) cette première saison se consomme sans mal. De plus, elle est parsemée de quelques fulgurances d’hémoglobines (une principalement) qui rappellent la vision radicale des scénaristes.
Le Problème à 3 corps est par conséquent un objet hybride, parfois inqualifiable. À la fois traversé par une intrigue géopolitique prometteuse (puis plus du tout), des attraits de Science-fiction dense (mais balayé d’un revers de la main), d’une partie thriller pour la forme, dramatique pour donner corps à ses personnages, quelques touches d’humours (il n’en fallait pas plus) et s’avère sanglante, parfois gratuitement.
Ses résultats de production sont également assez décevants. Notamment, quand ils réduisent la série à une pléthore d’effets spéciaux de moyenne facture et une mise en scène tout à fait impersonnelle. (Et sans fulgurances aucune). Un constat également applicable sur la très linéaire bande-son pourtant signé Ramin Djawadi.
CONCLUSION
De ce fait, on assiste à la réalisation la plus concrète d’un produit Netflix par excellence : Prometteur, mais farouchement gangrenés par des standards de production sans charmes. Fatalement, oui, Le Problème à 3 corps est une déception.
Selon l’accueil du show sur la plateforme, espérons que les showrunners sauront radicaliser leur œuvre à l’avenir. Leurs plans étant de faire 3 à 4 saisons (pour adapter le deux autres Tomes) l’espoir est permis.
Les + :
- Le (grand) retour (chez les rouges) de deux scénaristes hors pair (cette fois accompagnés) pour une nouvelle adaptation inadaptable.
- Un résultat largement imparfait, mais tout à fait entraînant sur la longueur.
- Quelques mystères et aboutissements qui rythment et ponctuent agréablement les 5 premiers épisodes.
- Parmi le casting, se détachent quelques interprétations assez savoureuses. De Jess Hong à Benedict Wong, jusqu’à Liam Cunningham et Zine Tseng.
- L’intrigue « Côte Rouge » en début de saison qui se déroule en Chine, trop courte, mais prenante.
- Sa démonstration d’hémoglobine tranchante et ahurissante à mi-saison.
Les – :
- Une adaptation qui favorise les événements à leurs profondeurs. Psychologique comme politique.
- Un mélange de genres (Drame, Thriller, Science-fiction) et sous-genres (Comédie, Horreur) que la production ne parvient pas toujours à faire co-exister.
- Trois derniers épisodes assez décevants.
- Malgré 13 crédités, le show manque d’intervenants concrets et lisse ses scientifiques via une team de young adult un peu trop racoleur.
- Une sous-intrigue S.F. (sous VR) plutôt inconsistante et bourrée d’effets spéciaux.
- Une qualité de production très basique et impersonnelle.
- Une menace qui demeure trop mystérieuse au terme de sa première saison.
MA NOTE : 14/20
Les crédits
CRÉATEUR(s) : David Benioff, D.B. Weiss et Alexander Woo
AVEC : Jess Hong, Liam Cunningham, Eiza González, Jovan Adepo, Benedict Wong, Alex Sharp,
Zine Tseng, Rosalind Chao, Marlo Kelly, Saamer Usmani, John Bradley, Sea Shimooka, et Jonathan Pryce (…)
ÉPISODES : 8 / Durée (moyenne) : 52mn / DIFFUSION : 2024 / CHAÎNE : Netflix