LADY VENGEANCE

Dans le cadre de la rétrospective Park Chan-wook, et pour donner de la cohérence à l'ensemble de "la trilogie de la vengeance", retour additionnel sur le troisième, et donc ultime volet de cette trilogie : Lady Vengeance (2005). Que j'ai complétement (re)découvert pour l'occasion.

EN DEUX MOTS : Seulement 3 ans après avoir débuté sa trilogie sur le thème de la vengeance, le réalisateur Park Chan-wook livre sa conclusion, avec ce troisième volet : Lady Vengeance. Une belle façon de conclure ce triptyque qui boucle la boucle – son sous-titre étant : Sympathy for Lady Vengeance – en plaçant enfin une femme au premier plan. Après deux volets à la structure identique (deux hommes et une femme au second plan), le nouveau thriller du réalisateur casse les codes et dresse ainsi le portrait d’un nouveau vigilante, au féminin.

Pour l’interpréter, le réalisateur redirige la belle Lee Young-ae, comme tête d’affiche. 5 ans après son rôle remarqué dans JSA dans un contre-emploi idéal. Plus remarqué encore, c’est la performance dans son iconique Old Boy qui a fait de Choi Min-sik une figure incontournable du cinéma coréen. Ainsi, il redirige également l’acteur et lui offre cette fois le rôle de chimère, vecteur de motivation et de vengeance pour notre héroïne…

Geum-ja, une belle jeune fille, devient un personnage public lorsqu’elle est accusée de l’enlèvement et du meurtre d’un garçon de 5 ans. Ce crime atroce obsède les médias. Geum-ja passe aux aveux et est condamnée à une longue peine de prison. Elle va consacrer ses 13 ans d’enfermement à la préparation méticuleuse de sa vengeance contre son ancien professeur Mr. Baek…

Moins auréolé que son précédent film, Lady Vengeance se distingue par des récompenses tout de même éloquentes. Notamment celles du Meilleur film « nouvelles tendances » ou Lionceau d’Or et Prix « cinéma du futur » lors de la 62ème Mostra de Venise. Ce succès moindre en Festivals ne l’a pas empêché d’être l’un des plus gros succès au box-office niveau local. Et donc de l’année 2005, avec près de 4 millions d’entrées dans son pays.

La tendance coréenne est donc bel et bien née (et reconnue) au début des années 2000. 20 ans après, le dernier volet de cette trilogie explore de nouveaux aspects de son thème sacré. Pourtant, il y a bien des années, son premier visionnage m’avait beaucoup moins marqués que d’autres œuvres du genre. Focal donc sur cette ultime vengeance salvatrice, au féminin.

Lady rédemptrice et consorts

Avec un ultime postulat accrocheur et une nouvelle interdiction au moins de 16 ans, Lady Vengeance n’entend pas faire dans la dentelle. Et pourtant, il s’agit, de loin, du volet le moins violent de sa trilogie. Du moins graphiquement. Avec son choix d’actrice astucieux, Park Chan-wook (et sa scénariste/dialoguiste Jeong Seo-kyeong) délivre un portrait fascinant, déconstruit par une nouvelle forme d’emprisonnement. Le récit reviendra d’ailleurs régulièrement, de manière éphémère, sur la peine de prison effectuée par Geum-ja, pour détailler son profil vengeur.

Le contre-emploi s’avère donc radical pour Lee Young-ae, avec ce rôle qui détruit son image lisse de femme chaleureuse. Ici, cet ange de la vengeance se révèle aussi passionnant qu’hypnotique. L’actrice incarne un faux-démon violent avide de vengeance, à la voix douce, mais aux paroles dures. Son introduction donne le ton avec ce double profil d’apparence inoffensive qui se révèle tranchant.

Dans son nouveau film, Park Chan-wook délivre néanmoins une épopée vengeresse désordonnée. Surtout dans sa première moitié, qui alterne les interlocuteurs, les voix-off, mais aussi les scènes entre passé et présent. Ce montage dynamique permet par conséquence de caractérisé Geum-ja via deux facettes métaphorique – celle qu’on surnomme « au grand cœur » et la « Sorcière ».

Ses deux aspects parfaitement mis en scène contribuent heureusement à l’iconisation de notre tête d’affiche. Notamment via l’apologie de la Foi, par la voie d’une doctrine rédemptrice visant à justifier ses actes violents. Pourtant, dans le film, son réalisateur va offrir une vision pessimiste sur sa rédemption, inaccessible pour son personnage : Lady Vengeance. « Celle-ci comprend son erreur et réalise que la violence n’a aucune vertu rédemptrice ».

Lady burlesque face à Mr. sadique.

Lady Vengeance est ainsi rythmée par des mélodies de musique classique (superbe) régulièrement présente et un montage sous forme de long cauchemar éveillé. Le film allie également poésie et effet burlesque, comme dans beaucoup d’autres œuvres du réalisateur. Sauf qu’ici sa limite d’efficacité se trouble. En découle des très belles scènes, et d’autres, bien plus invraisemblable. Son rythme en pâtit cruellement, via quelques invraisemblances qui agacent plus qu’elle n’amusent. (Sa longue scène entre anglais et coréen lorsque Geum-ja retrouve sa fille…).

Le film enchaîne ainsi les situations, comme les personnages secondaires, en tous genres. Composés toutefois de quelques guests assez croustillant, quand on est familier à la filmographie du réalisateur. Lee Seung-shin, Kim Byeong-Ok ou Oh Dal-su, se succèdent par exemple, tandis qu’en guests, Song Kang-ho et Shin Ha-kyun (son duo de Sympathy for Mr. Vengeance) s’invite dans la peau de kidnappeurs brutaux.

Toujours est-il que, dans ce montage en dents de scie, il faut presque attendre une heure pour réellement apercevoir Mr. Baek. Une longue attente pour vraiment saisir sa nature cruelle du personnage et pour pleinement appréhender son profil antipathique. Vecteur de motivation dans la longue vengeance fomentée par Geum-ja. Choi Min-Sik interprète ici le rôle d’un professeur d’école, sadique kidnappeur qui sera ensuite traqué. Un rôle rempli à la perfection par l’acteur, dans tous les cas.

À l’instar de son précédent film, Park Chan-wook va étaler son suspense dans une ultime grande scène vengeresse. Et dans laquelle la vraie noirceur de son antagoniste fera réellement froid dans le dos. (pour ne pas trop en dire, cette scène terrible d’archives télévisées face à l’assemblée parentale). Sur ce domaine, l’écriture du réalisateur s’avère idéal et représente les dérives du mal et l’envie de rédemption avec une certaine réussite.

Conclusion

Lady vengeance dispose indéniablement d’un esthétisme qui lui est favorable, et que l’on doit en partie sur l’icône que représente cette Lady vengeresse. De son maquillage rouge à son pistolet atypique. Mais aussi sur ses codes couleurs prononcés : noir sur blanc, traits rouges sur un regard acéré.

L’interprétation de Lee Young-ae est évidemment au centre de cette réussite. Toutefois, ses aspects techniques handicapants et son décalage burlesque, souvent trop métaphorique, ont dissipé ses différents atouts à mes yeux. Pour un résultat qui manque de tact, de cohérence dans son ensemble, alors que Lady Vengeance aurait facilement pu être LA grande œuvre de cette trilogie. Dommage.


Les + :

  • Un ultime postulat ravageur et vecteur de richesses pour le thème de la vengeance.
  • Le profil à deux facettes déterminée dans notre Lady Vengeance. Pour l’interpréter, la douce et subtile Lee Young-ae excelle dans un contre-emploi exaltant.
  • Quelques outils visuels très réussis, tel que son code couleur, son arme ou son maquillage, qui contribuent à créer une icône de la vengeance.
  • Quelque envolés poétiques et l’utilisation idéale dans sa bande originale, à la dynamique de musique classique.
  • La noirceur abyssale et percutante du sadique Mr. Baek, sous les traits d’un Choi Min-sik toujours parfait.
  • Une nouvelle vengeance salvatrice.

Les – :

  • Un montage décousu et désordonné, qui peine à nous plonger dans cette histoire de vengeance pourtant richissime.
  • Des effets burlesques quasi-omniprésents, qui diminuent son sens de la tragédie et enlisent son rythme…
  • …En découle des invraisemblances agaçantes.
  • L’arrivée trop tardive dans l’intrigue du sadique Mr. Baek.

MA NOTE : 14/20

Les crédits

RÉALISATION : Park Chan-wook / SCÉNARIO : Park Chan-wook et Jeong Seo-kyeong

AVEC : Lee Young-ae…, Choi Min-sik…, introducting : Kim si-hu, Kwon Yea-Young, mais aussi : Lee Seung-shin, Kim Byeong-Ok, Oh Dal-su (…)

SORTIE (France) : 16 Novembre 2005 / DURÉE : 1h55

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