KILLERS OF THE FLOWER MOON

EN DEUX MOTS : Le légendaire réalisateur Martin Scorsese revient sur grand écran avec un nouveau projet dantesque, intitulé Killers of the Flower Moon. Avec près de 30 films à son actif, il s’agit pourtant du premier western de l’octogénaire. Aujourd’hui, il adapte un roman du même nom (en anglais), publier en 2017. Un film de 3h26 (!) qui s’inspire de fait réel et reviens sur les meurtres des Indiens Osage dans les années 1920.

Au début du XXème siècle, le pétrole a apporté la fortune au peuple Osage qui, du jour au lendemain, est devenu l’un des plus riches du monde. La richesse de ces Amérindiens attire aussitôt la convoitise de Blancs peu recommandables qui intriguent, soutirent et volent autant d’argent Osage que possible avant de recourir au meurtre…

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Sous une production Apple TV+, le long-métrage met en scène les deux acteurs fétiches du réalisateur. Et pour la première fois réunis sous la caméra du célèbre metteur en scène. Il s’agit de sa sixième collaboration avec Leonardo DiCaprio et de la dixième avec Robert de Niro. Le premier incarne un homme nuancé pris entre deux feux, et le second joue son oncle et la principale figure antagoniste du récit. La particularité du film réside bien évidemment dans son sujet richissime. Un sujet plus global (les Amérindiens) auquel Martin Scorsese voulait rendre hommage depuis longtemps.

Avec l’émérite Eric Roth, les deux hommes rédigent un script qui s’appuie sur l’improbable histoire d’amour en son centre. Celle du personnage interprété par DiCaprio, un blanc plus complexe et ambigu que l’agent du FBI qu’il devait incarner initialement. Son personnage est notamment marié à l’Amérindienne Mollie (Lily Gladstone), qui dispose de nombreuses richesses. Une actrice qui a elle-même grandi dans une réserve indienne, et qui épate par sa présence à l’écran. Ainsi se dévoile Killers of the Flower Moon, sous un budget de 200 millions de dollars, pour un résultat conséquent mais parfois inconsistant.

À mi-chemin entre la fable historique et le thriller teinté de western, le film de Martin Scorsese épate tout d’abord par sa retranscription grandeur nature de l’Oklahoma des années 20.

L’ÉTRANGER

Après une première partie dense et introductive, qui fait la part belle au couple qui se forme à l’écran, on comprend aisément la réticence initiale des scénaristes à faire d’Ernest Buckart le personnage central de Killers of the Flower Moon. C’est sous son regard d’étranger qu’on découvre une communauté déjà bien établie. Notamment avec des blancs qui tolèrent les Amérindiens en raison d’un argent qui coule à flots dans toutes les directions. Pourtant, des incohérences de l’époque (c’est un banquier blanc qui gère les richesses des Indiens par exemple) viennent appuyer sa principale problématique.

C’est d’ailleurs le principal point fort du thriller : son impétueuse reproduction d’époque dotée d’une mise en scène académique propre, presque d’auteur et légèrement grimée. Le film dégage une atmosphère réaliste, qui étouffe parfois ses sons et procure un sentiment d’authenticité à tout instant.

Le personnage d’Ernest va s’avérer tiraillé entre la cupidité et l’amour. À mesure que le long-métrage se dévoile, son personnage s’intensifie et sa ligne de conduite se brouille dans ses actions parfois contradictoires. Entre un amour sincère envers sa femme autochtone et la mainmise constante sur sa vie, par celui qui se fait appeler « King Hale » (De Niro). Ce qui est sûr, c’est que si le film ne portait pas un regard sur son parcours détaillé, au fil des années, le point de vue de spectateur serait, lui, différent.

Dans le récit, il y a également la nuance réaliste qui est accordée au peuple Osage. Une tribu bien établie, qui vit des us et coutumes américaine tout en promulguant leur propre loi. Martin Scorsese s’éloigne volontairement du cliché sauvage et met l’accent sur des scènes de conseil austère mais fortes. Elles révèlent les craintes et les injustices faites à l’encontre du peuple Osage. Leur argent demeure autant une malédiction que leur salut.

LA CUPIDITÉ

Malgré plusieurs profils atypiques, c’est réellement celui de Mollie qui tire son épingle du jeu. De ses multiples deuils à son caractère déterminé et calme. Sans être une beauté et doté de quelques petites rondeurs son charisme inonde toutefois l’écran. On peut néanmoins regretter, sur le temps, un portrait trop peu appuyé de femme et surtout de mère.

Car oui, Killers of the Flower Moon n’est pas exempt de tout défaut. Là où la presse crie au chef-d’œuvre, le film demeure éminemment long. Même s’il étoffe méthodiquement les choix de sa figure centrale. Néanmoins, dans son montage intense de 3h26, le thriller, avec une certaine rigidité historique, manque parfois d’épaisseur. Ironiquement.

C’est par exemple la caractérisation de la cupidité humaine de l’homme blanc qui m’a le plus déçu. Et notamment le pouvoir d’influence qu’exerce le personnage de Robert De Niro sur son entourage. Face à l’impressionnant Leonardo DiCaprio au visage buriné, affublé d’une fausse dentition peu flatteuse, les échanges entre les deux hommes manque d’impact. Toujours de façon très personnelle, et malgré la justesse de son sujet, j’ai trouvé un grand manque d’intensité à sa partition dramatique. Pourtant, les événements demeurent à proprement dramatique.

Avec 3 parties conséquentes, de plus d’une heure chacune, le découpage du film s’avère lourd dans sa finalité. Chaque partie dispose de ses forces (la retranscription de l’époque, le déroulement vénal des meurtres et les mensonges qui en découlent, le procès). Mais aussi de ses faiblesses (une faible caractérisation des personnages, son manque d’intensité, et des longueurs imputables).

CONCLUSION

Sans trop en révélé, et parce que l’histoire mérite d’être découverte pour le réalisme d’une nature humaine envieuse, Killers of the Flower Moon dispose d’une dernière partie plus percutante. Même si encore dotée de longueur. Celle-ci s’avère terre-à-terre, et révèle toute l’incapacité d’un système américain, gangrené par l’argent et l’influence, de faire justice.

Il manque une cruelle épaisseur aux parties gouvernementale (FBI, procureur) et privé (avocat de la défense) qui se dévoile durant sa dernière heure. La preuve avec le brillant Jesse Plemons, au manque de temps à l’écran pour Brendan Fraser (définitivement sur le retour). Celui-ci interprète un avocat du diable habité, et dévoile une immense mais trop courte prestation.

Il manque également au film quelque envolé suffisant pour vraiment marquer la rétine. De son imagerie à sa violence crue. Qu’importe, son ensemble de noms prestigieux sur l’affiche et son synopsis semblent suffire à faire de lui un chef-d’œuvre tout trouvé. Et certes, Martin Scorsese dévoile un moment de cinéma hors du temps, seulement ce temps et cet amour du cinéma n’est pas vraiment le mien.

On retiendra toutefois : la force magnétique de Leonardo DiCaprio. Un récit qui ne cherche pas à présenter le sauveur blanc, bien au contraire. Une distribution globalement épatante. Ou la prestation toute en intensité de Lily Gladstone. Et évidemment une reproduction très fidèle et très coûteuse d’une époque florissante, vieille d’un siècle. Son budget faramineux semble toutefois bien excessif malgré la longueur du récit.


Les + :

  • Un sujet fort et étonnement méconnu aux États-Unis. Qui prouve encore la grande violence sur laquelle repose l’âge d’or d’un pays gargantuesque
  • Une valeur inestimable d’affiche toute trouvée. Avec les deux grandes stars réunis sous la caméra du légendaire Martin Scorsese
  • L’étonnant et complexe profil qu’interprète DiCaprio toujours excellent, notamment au côté de la méconnue mais parfaite Lily Gladstone
  • Une reproduction historique sans failles, sous une mise en scène et une ambiance intemporelle à souhait. À la fois authentique et crépusculaire
  • Brendan Fraser en avocat du diable endiablé

Les – :

  • Malgré le point de vue audacieux du film, son montage de plus de 3 heures pâtit de plusieurs longueurs qui n’installent pas nécessairement un climax de tension insoutenable. Loin de là
  • Malgré deux grandes têtes d’affiche réunis et un postulat d’échanges idéal, la confrontation déçoit bien plus que l’ambiguïté qui s’en dégage
  • La principale cause de cela réside dans le rôle sous-exploité de Robert De Niro, qui incarne un caïd doté d’une grande influence trop restreinte à l’écran
  • Malgré un travail technique aussi titanesque que son budget, celui-ci ne dispose pas d’envolés suffisante pour marquer la rétine
  • Quelques beaux noms au casting, d’autres plus méconnu, mais principalement des personnages sous-exploité

Les crédits

MA NOTE : 14.5/20

RÉALISATION : Martin Scorsese / SCÉNARIO : Martin Scorsese & Eric Roth

AVEC: Leonardo DiCaprio, Robert De Niro, Lily Gladstone, mais aussi : Jesse Plemons, Brendan Fraser, Tantoo Cardinal, John Lightow, Pat Healy, Scott Shepherd (…)

SORTIE (France) : 18 octobre 2023 / Durée : 3h26

GENRE : Drame, Thriller, Western, Historique

Un commentaire

  1. […] KILLERS OF THE FLOWER MOON : Pour le premier western de Martin Scorsese, les critiques se sont montrés assez dithyrambique. Pour moi, et sur près de 3h30, (et même si la longueur n’est pas un problème) le film n’a cessé de manquer d’impact, malgré la force de son intrigue. […]

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