THE WHALE

Interprétation de gigantisme

A l’occasion de l’arrivée tardive de THE WHALE dans les salles obscures françaises (après une sortie US en décembre dernier) retour sur un petit film qui signe deux grands retours.

Il s’agit avant tout du retour tonitruant du métamorphosé Brendan Fraser. Star mondialement connu pour son rôle iconique dans la saga « La Momie », qu’on découvre dans un rôle sur mesure. Sans mauvais jeu de mot. L’homme y incarne cet homme pas si commun atteint d’une forme très avancée d’obésité. Dont la condition physique sera majeure dans les enjeux dramatique présentés. 

Charlie, professeur d’anglais reclus chez lui, tente de renouer avec sa fille adolescente pour une ultime chance de rédemption…

Sens critique

A la réalisation de THE WHALE, dans ce qui demeure probablement son plus petit film depuis ses débuts (il y a plus de vingt ans), on retrouve l’iconoclaste Daren Aronofsky. Le grand réalisateur derrière Black Swan ou Requiem for a Dream (pour les plus connus) adapte ici la pièce de théâtre du méconnu Samuel D. Hunter. Qui s’avère ici scénariste.

Après deux long métrage biblique et plus décrié (Mother & Noé) Aronofsky fait un retour intimiste et offre à sa tête d’affiche le rôle le plus bouleversant de sa carrière. Sans aucun doute.

MOBY DICK

« Ce livre m’a rendue très triste, et j’ai ressenti plein d’émotions pour les personnages. Et j’étais encore plus triste en lisant les chapitres ennuyeux qui ne faisaient que décrire les baleines. Parce que je savais que l’auteur voulait seulement nous épargner sa propre histoire triste, juste pour un petit temps. Ce livre m’a fait penser à ma propre vie… et je me suis dit que ça en valait la peine. »

The Whale

EN DEUX MOTS : Pour ainsi reprendre la citation la plus mémorable (et à double sens) du film, THE WHALE demeure un film qui tutoie le gigantisme. A défaut de développement excessif du squelette d’un individu, il s’agit ici du corps d’un individu. Celui de Charlie, professeur d’anglais adepte du télétravail, à l’article de la mort. Ce caractère démesuré, gigantesque et presque grotesque se retranscrit par cette forme régulièrement dit de répugnante durant le film. Et de laquelle le téléspectateur aura du mal à détourner son regard.

L’autre regard (quasiment) omniprésent qui régit l’entièreté du récit est la  »baleine » en question. Derrière le regard et le visage triste de Brendan Fraser il y a cet acteur recouvert d’un nombre incommensurable de prothèses. Pour un résultat criant de réalisme malgré une certaine limite technique.

Pour le faire évoluer à l’écran, le réalisateur joue la carte de la fausse simplicité via une mise en scène parfois statique, principalement marquée par son format étriqué et vintage du 4:3. Un format qui s’accorde à ses décors d’un autre temps, comme figés et qui n’ont pas pu s’épanouir, à l’image de son personnage.

AU SON ET AU RYTHME DES VAGUES

Si l’acteur bouffe l’écran et évolue dans un montage à la fois dense, rigoureux et en huis-clos, il donne la réplique à une courte, mais très réussie, palette de second rôles. Qui de façon théâtrale rentre puis sort du décors en claquant la porte.

Parmi eux, la jeune et belle Sadie Sink (Stranger Things) y incarne la difficile figure de rédemption en ado rebelle qui semble insensible mais au fond gravement meurtrie par l’abandon. Hong Chau contre balance dans la douceur et l’acceptation et épate un peu plus à chaque scène. Tandis que le jeune Ty Simpkins s’avère convaincant et nécessaire dans sa position de rédempteur au rôle inversé. Enfin, malgré sa courte apparition Samantha Morton et sa voix hypnotique conclut brillamment le tableau en ex et mère dépassée.

En étalant cinq jours de Charlie dans un environnement lugubre, THE WHALE frôle la sortie de route a chaque instant. D’autant que son format huis-clos le rapproche inexorablement de son format d’origine, à savoir la pièce de théâtre. Didactique et bavard, à mon sens le film évite toutefois le piège de l’adaptation bête et méchante grâce à sa puissance émotionnelle.

Une chose magnifiquement retranscrite à l’écran grâce à la puissance du son. De la pluie, aux déglutitions de Charlie jusqu’à sa respiration sifflante. Et évidemment sa bande originale empreinte de mélancolie. On l’a doit a Rob Simonsen et elle s’avère à mes oreilles simplement bouleversante.

LE VOYAGE DU MASTODONTE

Le film demeure un voyage et une introspection sincère d’un homme en détresse. Sans s’apitoyer sur son sort et empreint d’optimisme, l’empathie est immédiate envers ce personnage qu’on apprend à découvrir dans son quotidien. Aronofsky n’hésite d’ailleurs pas à mettre à nu sa  »créature », physiquement comme émotionnellement. Qu’ils s’agissent de ses travers envers la nourriture (ou la gêne du spectateur en salle de cinéma se faisait entendre) jusqu’à l’extrême bienveillance délivré par Charlie.

En son centre réside Brendan Fraser. Dans un choix de casting qui demeure brillant. On ne peut s’empêcher de penser au parcours personnel de l’acteur. Un fait qui ne fait que renforcer l’implication émotionnelle du spectateur envers Charlie, dont la seule barrière, le seul handicap a ce moment de sa vie, demeure physique. Coincé dans une prison de chair. Fraser est d’une sincérité désarmante et sa souffrance paraît tout bonnement réelle.

En moins de deux heures, le long métrage s’impose comme une expérience à double tranchant. Progressive pour ma part, et d’une fluidité assez dingue avec un tant soit peu de recul. Mais avant tout sensorielle. Crescendo, et malgré les tenants et aboutissants bien établis j’ai littéralement était bouleversé par l’envolée final. Une explosion d’émotions baignée de larmes pour un sujet qui s’y prête parfaitement.

Ce n’est pourtant pas l’école de prédilection du réalisateur qui fait tout de même tourbillonner ici quelques-uns de ses thèmes sacrés (la Foi, l’autodestruction, l’amour inconditionnel…). Et clairement toute son équipe crée quelque chose de bien éloigné de la vulgaire machine à oscars. Quelque chose d’important. De réelle. Et de fatalement imposant. A l’image de l’impressionnante performance de sa tête d’affiche.

L'ironie veut que sa tête d'affiche ait remporté l'oscar de la meilleure interprétation masculine après l'écriture de ses lignes. Une distinction amplement mérité. 

CONCLUSION

Les + :

  • La performance gigantesque de Brendan Fraser, dans laquelle résonne un parcours personnel saisissant
  • Une ambiance lugubre et réaliste qui l’éloigne de son sujet larmoyant et du caractère optimiste de Charlie
  • Le travail sur le son, les prothèses et la mise en scène qui renforce cette immersion en huis-clos
  • Une palette de seconds rôles minimaliste, méthodiquement exploités et interprétés
  • Sa bande originale signée Rob Simonsen, absolument tragique et mélancolique
  • L’explosion d’émotions dans les derniers instants

Les – :

  • Une expérience de cinéma peu accessible et restreinte

MA NOTE : 16.5/20

RÉALISATION : Daren Aronofsky / SCÉNARIO : Samuel D. Hunter

AVEC : Brendan Fraser, Sadie Sink, Hong Chau, Ty Simpkins, et Samantha Morton

DURÉE : 1h57 / SORTIE : 08 Mars 2023 (France)

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