SUCCESSION – saison 3

LE RETOUR DU ROY

AVIS & ANALYSE : Multi récompensés aux Emmy’s comme aux Golden Globes, la saga SUCCESSION fait son grand retour en ce début d’automne deux ans et deux mois après la diffusion de sa 2ème saison. En s’achevant sur un monumental cliffhanger le digne successeur de Game of Thrones avait tout à prouver dans cette suite tant attendue. L’euphémisme s’avère de taille puisque le drame d’HBO à réussi, en seulement deux saisons, à proposer un contenu dense, riche et rythmé. Tout en développant magistralement son univers et ses nombreux personnages.

Comme l’avait déjà affirmé son brillant showrunner/scénariste – Jesse Armstrong – la saga, pour rester authentique et crédible se devait d’évoluer vite en proposant des rebondissements cohérent. Un credo qu’elle applique à la perfection. Notamment dans sa seconde saison qui dynamitait son propre concept, sans temps mort et avec une rigueur folle. Sarcasmes, trahisons, ou encore mensonges au cœur d’un récit puissant à la tension folle, à l’humour sans sens moral, mais pas dénué d’une émotion digne d’une grande fable shakespearienne…

Cette nouvelle partie d’échecs grandeur nature s’avère toujours plus subtile. C’est ce que prouve sa double affiche promotionnelle, laissant le suspense flotté vers quel camp choisir entre le patriarche des Roy (Brian Cox) et le fils sacrifié, Kendall (Jeremy Strong). ‘’Make your move’’, en 9 épisodes et autant d’attente difficile d’imaginer comment cette 3ème saison pouvait faire mieux, ou même égaler, la seconde. Résultat : elle parvient OUI à l’égaler, de façon étourdissante en faisant du neuf avec du vieux.

Allégeances ambiguë

Ma meilleure série de 2021

PREMIER COUP, OÙ L’ART DE LA GUERRE

Comme sa 1ère saison, mais encore meilleure, celle-ci s’intéresse aux obsessions et aux traumas familiaux qui gangrènent les Roy. Plus intimiste, moins grandiloquent que sa monstrueuse 2ème saison au rythme effréné SUCCESSION 3 sonde nos principaux protagonistes à la source même du mal. Le tout sans flash-back, mais au plus près des visages. Et derrière des traits d’humour violents se cache une profonde amertume. Ainsi qu’une tristesse monstre…

Pour sa reprise, SUCCESSION ne cherche aucunement à renouveler sa formule par une quelconque ellipse de temps. Cohérence et véhémence au cœur du récit, en plein rush les deux chefs de factions organisent leurs troupes dans le chaos.

Relation malsaine

Le 1er épisode « Sécession » est exemplaire en termes de narration et de force, car dans ce nid de vipères la confiance n’est jamais acquise. Les protagonistes ondulent autant qu’ils mentent quand le besoin se fait sentir dans un rythme guerrier.

Logan fait une 1ère épreuve de force en nommant Gerri (J. Smith-Cameron) comme PDG intérimaire. Un rôle de paille, mais qui écarte (encore) temporairement ses enfants privilégiés – Siobhan (Sarah Snook) et Roman (Kieran Culkin). Le patriarche, craintif, est pourtant isolé à Sarajevo de peur d’extradition. Kendall tente alors de rallier ses frères et sa sœur à sa cause. Après un long débat, tous refusent… Premier signe d’un échec cuisant à venir. Notamment pour celui qui crie à la justice. 

TOURBILLON MALSAIN ET GUERRE DE CLANS

Les hostilités sont alors lancées dans cette 3ème saison. Après deux épisodes introductifs écrits par le showrunner Jesse Armstrong et réalisés par l’habitué Mark Mylod (plus de 10 épisodes à son actif). Dès le 3ème épisode « The Disruption » avec le retour de Logan à New York les événements s’accélèrent et SUCCESSION dévoile une nouvelle facette de son récit. Au-delà de l’habituel sarcasme, humour et la monstruosité jubilatoire de ses personnages. Les arcanes les plus intimes de la famille Roy sont peu à peu dévoilés au monde dans cette guerre des deux clans.

La série éclaire alors une certaine émotion inédite, tragique, bien plus qu’auparavant. Un véritable tour de force envoûtant. De quoi illuminer encore un peu plus ses fabuleux principaux personnages, dont Kendall, Logan, Siobhan et Roman au centre de l’intrigue. L’ex numéro 1 se retrouve plus démuni qu’il aurait pu le croire face aux troupes de son père. Il enchaîne alors les coups durs et les désillusions au cours de la saison… Une facette qui reflète encore quelques aspects pathétiques et nous éloigne du choix logique qu’il succède à son père.

Dans l’ombre de la grandeur

Siobhan la vénéneuse, elle, tente d’asseoir sa position dans l’entreprise, en pleine crise, et pour cela elle demeure plus passionnante et hypnotique encore à observer. Sans oublier ‘’Romulus’’, plus mature, fidèle à un idéal familial et excentrique que jamais. Logan quant à lui, maintient sa force charismatique et ses sous-entendus sans morale, même quand son âge l’affaibli.

Quoi qu’il en soit dans le déroulement de sa nouvelle saison SUCCESSION prouve qu’elle sait mettre sur le devant de la scène une panoplie de protagonistes abjects. Sur la durée, comme (très) brièvement. Cette 3ème saison d’ailleurs, bien plus que les 2 précédentes.

INVITÉS DE MARQUE ET FOIRE CONSERVATRICES

Y gravite une bande de récurrents qui porte bien leurs titres et dont le développement et l’utilité n’est plus à prouver. De Tom (Matthew Macfadyen toujours phénoménal) et sa lubie pour l’emprisonnement, ou son sous-fifre Greg (Nicholas Braun) un peu pitoyable et largué dans son absurdité. Sans oublier Connor (Alan Ruck) et son rêve insensé de présidence… Dans tous les cas, ceux-ci évoluent avec une forme d’humour absolument salvatrice.

Parmi l’équipe récurrente de Waystar et/ou cadres seniors, les seconds rôles aussi demeurent parfaits. Chacun y apporte sa petite pierre et tente de faire sa petite place, sournoisement. Un régal auquel s’ajoute cette saison les noms au générique de David Rasche, Justine Lupe et enfin Fisher Stevens.

Quand pression rime avec harcèlement

Viennent s’y ajouter quelques guest stars toujours plus nombreuses et caractérisées. En tête de liste, on découvre Adrien Brody en actionnaire majoritaire inquiet. Un homme débraillé mais dangereux et qu’on découvre dans un quatrième épisode tendu qui porte son nom « Josh ». Ou bien Alexander Skarsgǻrd en génie mégalomane à la tête d’une start-up de tech convoité, dans laquelle Waystar tente d’investir, mais pas que… On peut néanmoins noter un certain manque de présence d’excellents guest, qui aurait mérité des rôles approfondis.

Le scénario, lui, navigue entre grotesque et réalisme. Ce qui rend les enjeux du monde effrayant, comme le prouve sa foire aux Présidents dans le 6ème épisode « What It Takes » . Loin d’être le meilleur de cette saison, mais qui démontre le délicieux et perpétuel renouvellement de chaque épisode. Dans une formule relativement identique à la saison précédente.

A LA SOURCE DU MAL

Sa saison débute ainsi solidement avant son tour de force en épisode 3. S’ensuit un second grand moment à mi-saison dans l’épisode 5 « Retired Janitors of Idaho ». (Une course contre la montre pour déjouer l’OPA et rassurer les actionnaires). Enfin, la saison temporise légèrement et enclenche un final renversant…

Un double final précisément, se déroulant sur la côte italienne et qui s’achève sur un ultime coup de grâce du mythique Logan Roy. Avec deux salves de 65 minutes de nouveau écrites et réalisées par le duo Armstrong / Mylod, les deux épisodes conjuguent les tenants et aboutissants des précédents. Pour un résultat époustouflant et plein de grâce.

Avant cela, le septième épisode « Too Much Birthday » qui s’attarde sur l’immense soirée d’anniversaire de Kendall, est un point de rupture tout aussi net pour le personnage. Derrière l’euphorie et la grandiloquence se cachent une solitude et une détresse assez folle. Pour autant, le meilleur est à venir en fin de saison.

Dualité dévorante

Les choses se pimentent dans « Chiantishire« , l’épisode 8. Si on exclut la Dick pic mémorable, la tristesse règne chez les Roy. D’un mariage acide aux perspectives déroutantes pour Shiv et Tom, à des confrontations effrayantes entre les membres de cette famille dysfonctionnelle. D’abord entre une mère (Harriet Walter) et sa fille sur la maternité. Puis avec un père et ses fils sur une série de déceptions constantes.  

En vrai, je n’aurais pas dû avoir d’enfants. Tu as fait le bon choix. Certaines femmes ne sont pas faites pour être mères. J’aurais dû avoir des chiens.

Tu aurais pu.

Non, pas avec ton père. Tout ce qu’il aime, il le maltraite, pour voir s’il revient.

Caroline à sa fille Siobhan

Puis dans son final « All the Bells Say » le coup de théâtre se veut fracassant. Dans une nouvelle course contre la montre, les enfants Roy s’unissent puis périssent. Ensemble. Par le biais d’un nouveau cliffhanger (et trahison) SUCCESSION 3 prouve encore sa force intemporelle. La vérité est retranscrite sur les visages de ses interprètes, notamment sous une mise en scène aussi réaliste. Quoi qu’il en soit, cela conclut avec maestria cette nouvelle partition shakespearienne.

CONCLUSION

En huis-clos comme en extérieur, la saga dramatique enrichit de nouvelles situations à de nouveaux lieux, tous plus grandioses et décadents. Il suffit d’analyser ses décors ahurissants (des immenses buildings new-yorkais à la côte Toscane) pour comprendre que bien que les Roy aillent partout, ils ne sont chez eux nulle part.

J’ai encore été littéralement envoûté par l’entêtante symphonie du compositeur Nicholas Britell. Mais aussi par les nombreuses interactions délicieuses comme vénéneuse entre les personnages (on pense aux longs silences entre un père acerbe et ses enfants abusés…). Et bien évidemment par la force dramatico tragique qui font de cette troisième saison (renouvelée pour une quatrième) l’événement de 2021 !

À juste titre, accusée de redites et de stagnation dans ses différents ressorts narratifs, cette nouvelle saison ne tente même pas de renouveler sa formule. Elle l’excelle seulement. C’est bien ce qu’elle fait avec cette saison 3 grandiose, passionnante et immensément triste. Zèle, irrévérence, puissance. Comme dirait l’inimitable Logan « Fuck off », SUCCESSION demeure la meilleure chose de l’année, de loin.


Les + :

  • Un retour féroce, amer et triste en profondeur
  • Une symphonie de personnages et de dialogues croustillants, à l’humour tranchant
  • Une dramaturgie familiale hors norme et toujours plus passionnante
  • Une force technique encore plus convaincante et crédible, toujours envoûtante sous sa bande originale
  • Quelques grands épisodes, et de grands moments

Les – :

  • Une formule à la limite de la surexploitation
  • Quelques guest stars pas suffisamment exploités

MA NOTE : 18.5/20

CRÉATEUR : Jesse Armstrong

AVEC: Brian Cox, Jeremy Strong, Sarah Snook, Kieran Culkin, Matthew Macfadyen, Nicholas Braun, Alan Ruck, Justine Lupe,

J. Smith-Cameron, Dagmara Dominczyk, Peter Friedman, David Rasche, Fisher Stevens, Hiam Abbass, Arian Moayed,

mais aussi : Sanaa Lathan, Hope Davis, Linda Emond, Annabelle Dexter-Jones, Peter Riegert, Natalie Gold, Stephen Root,

Harriet Walter, Yul Vazquez, Justin Kirk, Reed Birney, Jeannie Berlin, Larry Pine, avec Alexander Skarsgǻrd, Adrien Brody, et James Cromwell (…)  

ÉPISODES : 9  / Durée : 58mn / DIFFUSION: 2021

GENRE : Drame / CHAÎNE : HBO

Un commentaire

  1. […] AVIS & ANALYSE : Il aura fallu attendre moins d’un an et demi pour la quatrième (et finalement dernière) saison de l’illustre SUCCESSION. Tout comme ses acteurs qui l’apprennent en fin de tournage, le showrunner de génie Jesse Armstrong révèle seulement quelques semaines avant le début de sa diffusion que cette saison clôture la série. Une décision qui apparaît comme un choc, mais qui à le mérite de stopper le show au plus haut de sa gloire. Notamment après les deux nouveaux Emmys Award (et Golden Globes) qu’elles recevaient au terme de sa précédente saison. […]

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