EN DEUX MOTS : Dernière nouveauté, et non pas des moindres, issus de la prestigieuse écurie HBO, DUNE : Prophecy s’annonce comme un blockbuster télévisuel conséquent. Faisant suite à la diffusion de l’acclamer The Penguin, Prophecy a également quelques points communs avec cette dernière. Spin-off des deux mastodontes signés Denis Villeneuve (dont le second figure comme l’une de mes références de l’année sur grand écran), celui-ci devait initialement être une production max original.
Le destin en a voulu autrement, Sisterhood a été rebaptisé, mais a essuyé quelques difficultés en chemin. Marqué par les départs de son showrunner, sa réalisatrice et l’une de ses principales actrices en cours de production, DUNE : Prophecy voit tout de même le jour avec 6 épisodes au compteur. Série limitée ou première saison introductive ? Son destin est resté brumeux avant la diffusion de son final. Même si ses ambitions demeurent. Pour preuve, ce spin-off se base sur un roman en marge des œuvres de l’écrivain Frank Herbert.
Dans un futur où l’humanité a voyagé à travers la galaxie des milles planètes, une mystérieuse sororité appelée Bene Gesserit navigue entre les batailles politiques et les imbroglios de l’Imperium, poursuivant un but bien précis et bien à lui qui va amener ses membres jusqu’à l’énigmatique planète de Dune…
Allociné
En se plaçant plus de 10 000 ans avant les événements des films, cette histoire qui adapte les écrits de Brian Herbert (le fils du célèbre écrivain), Prophecy a également quelques points communs avec d’autres mastodontes d’HBO. À savoir Game of Thrones, et plus précisément son spin-off, House of the Dragon. Dimension politique, monde fantastique (ou de Science-fiction en l’occurrence) et familles qui s’écharpent pour le pouvoir.
Un beau programme. Mais tient-il ses promesses et conclut il cette belle année cinématographique ? De surcroît, ce spin-off parvient-il à s’absoudre de ses fantastiques aînés et à s’affirmer dans un autre genre à l’instar de The Penguin ? Hélas, après un premier épisode significatif, réussi sur plusieurs aspects et bancales sur bien d’autres, la prophétie est ambivalente. Imparfaite. Même résultat sur la durée.
DUNE au carré.
Sous la direction d’Anna Foerster (Underworld : Blood Wars…) et d’un duo de scénaristes expertes en productions TV en tous genres, DUNE : Prophecy s’ouvre sur un pilote de plus d’une heure, et qui survole beaucoup de thématiques. Celui-ci subit une certaine lourdeur, dû à d’imposantes explications, même si son univers demeure bien familier. Du moins pour les aficionados (sinon je recommande vivement le visionnage des deux films en amont). Et c’est précisément via cet univers familier que ce spin-off montre ses premières lacunes.
Voir mes critiques de DUNE : première partie et DUNE : deuxième partie.
En s’éloignant d’Arakis, dont la richesse demeure l’un des fils rouges de la saga, on pouvait espérer de la série une vision globale et différente de son univers politique. Ce qui manquait au premier opus et demeurait encore en retrait dans la suite, malgré de belles incartades. C’est chose faite ici, sauf que le show s’appuie sur des décors bien trop communs à ceux de la terre aride de Dune. Et qui plus est, avec plus de 10 000 années séparant les événements qui opposait les Atreides aux Harkonnen.
Alors certes, ce manque de différences concrètes à l’écran peut s’expliquer par son postulat de Science-fiction qui s’appuie sur la prohibition de machines pensantes. Ralentissant par la même occasion l’avancé technologique au sein de son univers. Toujours est-il que dans celui-ci, l’atmosphère envoûtante de son aînée ne résonne pas du même écho.
Prophète et prophétesses.
On pouvait néanmoins se raccrocher à la richesse que représente la sororité des Bene Gesserit. Et des personnages qui composent son intrigue. En son centre, on y découvre les sœurs Harkonnen, Vayla (Emily Watson) et Tula (Olivia Williams), dont les caractères opposés donnent une belle épaisseur au fatidique patronyme. (à noter la présence trop restreinte de la formidable Jessica Barden dans la peau de Vayla, jeune, et ce malgré une partie flashback non négligeable est placé de manière stratégique dans le récit).
Face aux sœurs Harkonnen, le magnétique Travis Fimmel réitère l’exercice (lassant) de l’ambiguïté exubérante qui le caractérise si bien. Notamment après le projet S.F. avorté Raised by Wolves. Mystérieux et principal antagoniste contre le pouvoir que les Bene Gesserit tentent d’instaurer (dans l’ombre), son personnage ne manque pas de richesse narrative pour autant. Contrairement au sympathique Mark Strong qui s’avère agaçant dans la peau d’un empereur bien trop passif pour convaincre sur la durée.
Game of… Imperium
DUNE : Prophecy se compose également de nombreuses caractéristiques contradictoires dans son intrigue. Sa richesse politique ne fait, par exemple, aucun doute. En revanche, elle subit un manque de subtilité, même si globalement, son jeu de pouvoir évolue suffisamment vite au vu de son format resserré.
Ce schéma s’applique par extension à quelques-uns de ses protagonistes. Récurrents ou plus secondaires et qui souffrent de nombreuses limites narratives. Comme le prouve la romance facétieuse entre le maître d’armes Atreides (Chris Mason) et l’héritière de la couronne Corrino (Sarah-Sofie Boussnina). Même constat concernant ses décors, dont la plastique impressionne indéniablement (pour un rendu de dark S.F. que j’affectionne), mais qui ne révèle que trop peu de subtilités dans son fond.
À contrario des films de Villeneuve, très sage niveau violence, ce spin-off jouit de plus de libertés à l’écran. Mais curieusement ne l’assume pas entièrement. Pourtant, la série sait, grâce à la rigueur de son univers, se montrer sans pitié. (comme le démontre d’ailleurs le sort d’un enfant dès le pilote). Et cette liberté lui donne aujourd’hui les instruments de ses nombreuses limites.
Ainsi, quand la production se raccroche à son aînée, elle se montre trop désincarnée, et quand elle s’en absout elle se révèle infiniment moins sensoriel. Et surtout bien plus bancale dans son exécution. La preuve, entre autres, avec son club/atelier de contrebande où ses clients s’adonnent à certaines substances. (Un élément plausible, mais dont le ton ne corrèle pas avec les récents films).
En somme, ses caractéristiques, qui rapprochent la série de Game of Thrones de manière évidente, n’ont pas le même impact à l’écran.
Conclusion
Pour le reste, la question qui réside sur le visionnage de DUNE : Prophecy demeure son dénouement. D’autant plus vu les pistes narratives suivies jusqu’à celui-ci. Heureusement, son renouvellement pourra permettre de donner une finalité (ou une continuité ?) à ce vaste univers politique et mystique. Même s’il reste beaucoup de travail pour y parvenir.
Dans sa finalité, ce spin-off tant attendu (à mon égard) ne tient qu’une partie de ses promesses. Elle dispose d’un univers farouchement bourré de potentiel, à l’instar de sa distribution, mais ne l’exploite que partiellement. La faute a une écriture qui manque régulièrement de subtilités et d’un format probablement avorté malgré ses twists astucieux. Ici, se place sa suite qui porte déjà quelques attentes sur ses épaules. Ayons confiance en HBO pour rectifier le tir.
Les + :
- Un spin-off ambitieux et bien antérieur aux romans-fleuves de la saga DUNE.
- Les multiples richesses de son univers de Science-fiction. De la sororité des Bene Gesserit, son mysticisme jusqu’à ses arcanes politiques.
- Son enveloppe physique, globalement somptueuse.
- Une distribution en partie convaincante, ou suffisamment large pour contenter. Le duo de sœurs interprétées par les Britanniques Emily Watson & Olivia Williams largement en tête.
- Quelques subtilités et éclairages sur les grandes familles de son univers. Harkonnen, Atreides ou Corrino.
- Une première saison imparfaite, mais seulement introductive et pleine de potentiel pour l’avenir.
Les – :
- En s’éloignant (à raison) du ton affirmé de son ainée, ce spin-off manque malgré tout et cruellement d’essence propre. Pour cause, elle semble trop (vouloir) correspondre au catalogue HBO et l’une de ses séries phares, Game of Thrones.
- Une écriture et une réalisation qui manquent cruellement de subtilités.
- Malgré sa plastique irréprochable, cette première saison s’avère dépourvue de décors purement originaux, qui tranchent avec les films de Denis Villeneuve.
- Quelques personnages mal caractérisés et qui subissent les errances d’une production malmenée.
- Un univers de dark S.F. impitoyable, mais qui n’effleure que trop rarement (ou trop succinctement) sa noirceur.
MA NOTE : 14/20
Les crédits
CRÉATEUR : Diane Ademu-John & Alison Schapker
AVEC : Emily Watson…, Olivia Williams, Travis Fimmel, Jodhi May, Sarah-Sofie Boussnina, Chris Mason, Chloe Lea, Shalom Brune-Franklin, et Mark Strong,
mais aussi : Jade Anouka, Edward Davis, Josh Heuston, Faoileann Cunningham, Aoife Hinds, Mark Addy, Emma Canning, Tabu, Jihae, et Jessica Barden (…)
ÉPISODES : 6 / Durée moyenne : 1h / DIFFUSION : 2024 / CHAÎNE : HBO / MAX