FARGO – saison 5 (finale) (anthologie)

EN DEUX MOTS : Débuté il y a presque 10 ans, le remake (qui n’en est pas vraiment un) télévisuel de FARGO n’a pas censé de surprendre et de nous régaler d’histoires abracadabrantes. C’est avant tout dû au travail de l’artisan Noah Hawley, artiste complet à la fois à l’écriture et au scénario de ses œuvres parfois iconoclastes. Un showrunner qui a su trouver le ton juste entre l’ironie, l’excentricité et la violence humaine. Et surtout américaine, celle d’une Amérique profonde.

Ainsi, après 4 saisons, dont une dernière pour la première fois moins époustouflante, le bonhomme remet le couvercle, une dernière fois, dans une cinquième saison enthousiasmante.

Une série d’événements inattendus replongent Dorothy « Dot » Lyon dans une vie qu’elle pensait avoir laissée derrière elle. Le shérif du Dakota du Nord, Roy Tillman, qui est à sa recherche depuis longtemps, fait appel à l’énigmatique Ole Munch pour retrouver sa trace. Alors que ses secrets les plus obscurs menacent de remonter à la surface, cette femme au foyer en apparence ordinaire tente de protéger les siens de son passé. Son comportement inhabituel attirant l’attention des autorités, Dot, acculée, pourrait bien montrer pourquoi il ne faut jamais provoquer une mère Lyon…

Allociné

Pour clôturer sa saga anthologique, le showrunner replace son récit dans l’atypique État du Minnesota, principalement. Celui de 2019. Fargo étant toujours la petite bourgade de délimitation avec le Dakota du Nord. Après 2006, 1979, et 2010 (si on exclut 1950, à Kansas City en saison dernière) cette cinquième aventure se déroule quasiment de nos jours, mais demeure très vintage. Encore une fois, le scénariste interroge les grands fondements américains, marqués d’une certaine hypocrisie, et développe cette grande nation bien à part avec charme. Pour sa dernière anthologie, il conjugue différents éléments de scénario qui ont fait le succès de FARGO.

En plus d’un talent de cinéma indéniable, ce sont ces personnages haut en couleur qui caractérisent la saga. Et cette ultime saison n’en est pas dénué. Ce retour aux sources suffit-il à conclure en beauté une saga aussi unique ? Allègrement, oui. Car une fois n’est pas coutume, et avant de se pencher sur une saga Alien prochainement, Noah Hawley a mis du cœur à l’ouvrage.

« MINNESOTA NICE« 

Définition : Attitude inhabituellement agréable, souvent forcée, lorsqu’une personne est joyeuse et effacée, même si les choses vont mal.

ouverture de FARGO – saison 5

En son centre, le scénariste présente une variante du profil de la femme au foyer ordinaire. Et ceux sous le physique et la vocale particulière de Juno Temple. La discrète, mais déjà endurcie, actrice, compose avec souplesse ce portrait hors du commun de survivante face au charisme de Jon Hamm. L’éternel Don de Mad Men incarne avec excellence l’antagoniste de l’intrigue dans la peau d’un shérif du Dakota qui fait de la Loi son texte de Bible et son instrument de tout désir. Un pur misogyne adepte de la violence brut.

Le showrunner, qui officie comme metteur en scène et scénariste, ouvre son récit par deux épisodes introductif idéals. Le premier, d’une heure, fait la part belle au profil de « Dot » dans une succession d’événements révélateur. La caractéristique du « Minnesota Nice » prend tout son sens dans le déni qu’applique cette femme au foyer à son entourage. Notamment, quand tout dérape. Et comme souvent, dans la saga, quand l’action enveloppe le récit, l’humour et la mort sont un régal à l’écran.

De son home invasion surréaliste à une scène de survie dans une station-service au beau milieu de la nuit et de nulle part, la série jouit d’une ambiance délicieuse. Ses caractères humains faibles et typiques demeurent les meilleurs artisans de cette absurdité ambiante. C’est le parallèle que dresse le showrunner avec sa scène d’ouverture assez hilarante quand une réunion parent/prof tourne a l’émeute.

Quoi qu’il en soit, la chimère du passé qui va réveiller les instincts primaires de Dot nous est illustrée dès le second épisode. Un épisode moins explosif, mais encore une fois écrit et réalisé avec tact. De là, les différentes problématiques vont s’entrecroiser et FARGO saison 5 va y faire graviter une dizaine de récurrents, assez délicieux.

D’ORDINAIRE ATYPIQUE À EXCENTRIQUE TYPIQUE. QUOIQU’IL EN SOIT, DITHYRAMBIQUE.

En plus de la figure de proue inflexible interprétée par Jon Hamm, son créateur compose quelques « antagonistes » exquis. C’est d’abord le cas avec l’atypique (encore) Jennifer Jason Leigh dans un profil d’ultra riche que chérie le scénariste. Sauf qu’aujourd’hui, il dresse le portrait féministe d’un requin des affaires. Un portrait tout à fait jouissif dans son intransigeance et qui dispose de belles nuances.

Puis, dans la bizarrerie qui flotte régulièrement dans son cinéma, il présente un inquiétant tueur sous les traits ingrat de l’intense Sam Spruell. Le résultat s’avère savoureux et ne manque pas d’ambiguïté. La preuve, dans les deux cas, le parcours de ses deux figures d’apparat brutales réserve de belles surprises.

Les habituels profils de l’univers de FARGO viennent également compléter la distribution. Qu’ils soient antipathiques et misérables à légèrement imbécile. C’est par exemple le cas avec la jeune tête à claques irrévérencieuse (Joe Keery) en manque de reconnaissance ou avec le mari fidèle (David Rysdahl) un peu niais. Sauf qu’ici aussi, les deux personnages ne manquent pas d’épaisseur au fil du récit.

Un récit qui n’en oublie pas ses éternels profils de flic de campagne ordinaire prit dans une spirale de violence qui les dépasse. Cette fois, il fait honneur à la mixité en mettant en scène l’Afro-Américain Lamorne Morris en flic sympathique débrouillard et la charmante Amérindienne Richa Moorjani en endettée au grand cœur.

Dans tous les cas, absolument chaque personnage s’avère composé avec soin. On peut seulement regretter le manque d’implication dans l’intrigue du premier, durant plusieurs épisodes de mi-saison.

« PLUS DE PEUR QUE DE MAL ». PAS VRAIMENT.

Hormis quelques scripts coécrit avec ses scénaristes, cette cinquième aventure de FARGO est intégralement écrite par Noah Hawley. Elle se compose, comme les trois premières, de 10 épisodes, aux durées jamais étouffante (entre 42 et 48 minutes après son pilote d’une heure). Entre cela et un récit qui multiplie les péripéties avec légèreté, son déroulement demeure très fluide. Et même sans faire couler le sang. En revanche, quand celui-ci coule le résultat est souvent percutant et bien illustré.

La série conserve indéniablement son sarcasme et son ironie funeste. Ainsi, dans sa démonstration de mélange des genres elle allie aussi bien la comédie noire que le thriller inquiétant. Comme si le showrunner s’était entraîné avant son incursion dans l’univers sombre d’Alien, cette saison de FARGO tutoie parfois agréablement l’épouvante.

Sa scène d’Halloween est, par exemple, délicieuse et ambiancé avec soin. Notamment quand ses notes graves de synthé résonne à nos oreilles. Pour le reste, cette saison 5 ne manque pas de références, d’hommages et de subtilités. Notamment dans son contexte d’Amérique Intemporelle.

Ironiquement, FARGO demeure parfaitement drôle. Si cela paraît difficile de lui attribuer le terme de comédie, certaine scène et situations sont hilarantes. Et allègrement renforcé par les tics de langage de plusieurs personnages. Sauf que… Au-delà d’un humour ravageur, cette saison, dévoile également le combat d’une femme battue et violée. Sous le joug d’un oppresseur charismatique, Trumpiste et polygame sur les bords. Un vil personnage, une chimère et une maladie a éradiqué, pour un sous-propos féministe très juste.

Donc, parallèlement à l’humour le show n’en demeure pas moins percutant et réellement effrayant. Elle dispose d’un pouvoir de suggestions trop rare au cinéma, qui a le temps de faire vivre son climax. De tension comme d’ironie. Un vrai moment de cinéma dans tous les cas.

CONCLUSION

Ainsi, cette cinquième saison de l’anthologie FARGO conclut très justement la saga. Son final, comme d’autres auparavant, divisera. Aujourd’hui par une certaine douceur et un épilogue qui n’hésite pas à inclure l’étrange et la métaphore pour le dessert.

Quoi qu’il en soit, son scénariste choisi l’excentricité fasse à un cahier des charges primaire. Au-delà de ce qui s’apparente à un simple hommage ou un retour aux sources des premières saisons, celle-ci dispose en d’une vision féministe idéale. Ni trop appuyé, ni larmoyante, seulement très juste.


Les + :

  • Noah Hawley, le créateur du show, qui après 10 ans dans la saga s’implique toujours autant et fait part de son savoir-faire dans cette grande aventure américaine.
  • L’éternelle ironie noire, absurdité humaine, et tempo vintage à l’américaine qui sont autant de composants qui gouvernent son univers.
  • Une palette de 10 récurrents, absolument génial, diablement écrit et parfaitement exploités.
  • Parmi eux, on se souviendra du profil atypique de Juno Temple, du charisme de Jon Hamm, de l’irrévérence de Jennifer Jason Leigh, ou de l’inquiétant Sam Spruell.
  • Un format de 10 épisodes bien exploités et ponctué par différentes péripéties malignes. Allant du home invasion exaltant, à la course-poursuite légère, jusqu’à des échanges de tirs digne d’un Western.
  • Son mélange des genres composé dans une ambiance délectable. Qui prend le temps d’installer son climax, qu’elle qu’il soit. Et rythmé par une bande originale grave et une bande son pop et vintage jouissive.
  • Au-delà d’un humour tranchant, la série continue de narrer le combat humain. Aujourd’hui celui d’une femme abusée, battue, violée qui s’est émancipée elle-même.

Les – :

  • Sa formule d’intrigue qui pourrait presque passer pour une redite. Heureusement, elle est parfaitement exécutée, ce qui en fait un défaut excusable.
  • Malgré un sens du suspense assez juste, quelques péripéties et des effets de climax trop burlesque manquent de graviter. Encore une fois, son grand atout réside dans ses personnages exquis, ce qui gomme ce manque d’émotions fortes.
  • C’est la dernière saison… Si sa fin demeure juste elle ne sera pas la plus marquante. En revanche, ça sera la plus optimiste.

MA NOTE : 17/20

Les crédits

CRÉATEUR : Noah Hawley

AVEC : Juno Temple, Jennifer Jason Leigh, David Rysdahl, Joe Keery, Lamorne Morris, Richa Moorjani, Sam Spruell, Sienna King, Dave Foley, et Jon Hamm,

ÉPISODES : 10 / Durée (moyenne) : 45mn / DIFFUSION : 2023-24 / CHAÎNE : FX

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