THE SYMPATHIZER

EN DEUX MOTS : une semaine après la fin de diffusion de la déception THE REGIME, avec Kate Winslet en tête d’affiche, HBO dégaine une nouvelle récréation enthousiasmante : THE SYMPATHIZER. Après deux courtes séries de 6 épisodes et avant le mastodonte House of the Dragon raccourcie à 8, ce savant mélange des genres s’étale, lui, sur 7 épisodes. 7 semaines durant lesquelles un autre genre de « comédie » corrosif se révèle, notamment grâce à quelques beaux atouts en poche.

Les déboires d’un espion communiste franco-vietnamien exilé à Los Angeles à la fin de la guerre du Vietnam, forcé de reprendre du service.

Adaptation du roman éponyme de Viet Thanh Nguyen (2015), lauréat du prix Pulitzer.

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THE SYMPATHIZER est à la fois une fable politique en temps de guerre teinté d’espionnage qui se base sur une histoire vraie (ce qui explique son prix Pulitzer), qu’un drame non sans humour. Noir. L’un de ses principaux arguments de vente le prouve avec la participation du récemment oscarisé Robert Downey Jr. Celui-ci incarne pas moins de 4 protagonistes ambigus durant la saison. Son nom s’accompagne à celui de l’illustre réalisateur coréen Park Chan-Wook à la production. Ce dernier met avant tout en scène 3 des 7 épisodes et s’avère également co-scénariste sur le show.

Co-showrunner au côté de Don McKellar, le réalisateur dévoile une œuvre éminemment dense dramatiquement. Mais au-delà d’un concept salvateur et de la vision souvent avisés de la chaîne HBO, cette nouvelle minisérie tient-elle sur la longueur ? Où sa transposition à l’écran n’étouffe-t-elle pas la richesse de son roman ? À vrai dire la série tutoie ces deux défauts, sans trop l’alourdir.

THE SYMPATHIZER est, dans tous les cas, une histoire farouchement complexe. À la fois vitaminée, vintage, percutante et lente, parfois.

DOUBLE IDENTITÉ. RISQUES MULTIPLES.

Sa réelle complexité s’effectue par le regard de sa jeune tête d’affiche australienne (Hoa Xuande) d’origine vietnamienne lui aussi. Il incarne à l’écran un métis au charme salvateur pris dans un jeu de chaise musicale casse-gueule. Ce Vietnamien par sa mère, français d’un père inconnu, espion pour le Nord infiltré au Sud, finira ainsi expatrié aux États-Unis lors de la chute de Saïgon. Pour un jeu encore plus difficile.

La série se dévoile comme un long flash-back qui revient sur l’histoire de cet espion malmené, constamment pris entre deux feux. Deux motivations. Deux camps. Deux identités. Elle débute par un épisode entier qui se déroule au Vietnam, et se finit pareillement. Ce qui permet de saisir la difficulté du parcours du « Capitaine » lorsqu’il se délocalise contre son gré. L’ironie fait que, peu importe le camp qui l’aborde, notre héros (sans nom) est naturellement rabaissé et/ou jugé dans la position qu’il embrasse.

Malgré tout, notre espion navigue entre moralité et traumatisme passé dans un monde ambigu qui caricature avec excellence les plus influents antagonistes qui le pilote. Robert Downey Jr. se dévoile ici via quatre facettes atypiques qui vont influencé le Capitaine. D’abord peu à peu sur ses premiers épisodes, puis un peu plus selon l’épisode abordé. Il incarne le visage du capitalisme sous différentes formes. A la fois excentrique et burlesque, l’acteur de 59 ans excelle tout bonnement.

Avec zèle, la charmante Sandra Oh convainc également même si son rôle aurait mérité d’être approfondi. Notamment en seconde partie de saison avec un dénouement un chouia décevant à son égard. Le casting se complète de nombreux interprètes d’origines vietnamiennes. Cela permet à la série d’être plus authentique (grâce à ses dialogues), mais surtout d’afficher une certaine nuance dans les échanges de ses compatriotes (entre Nord et Sud).

RÉGIME ÉQUILIBRÉ

Mais qu’importe le protagoniste qui va donner la réplique à notre tête d’affiche, compatriote ou non, capitaliste comme communiste, THE SYMPATHIZER jouit d’une ironie souvent tranchante. C’est peut-être mieux que la série aborde son sujet avec une certaine légèreté. Le racisme et la violence qui en découle demeure moins accablante à l’écran. Tout comme son contexte historique semble déjà lointain même s’il fait forcément écho à notre monde d’aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, le show est loin d’être une comédie à l’état pure, bien au contraire. Hélas, elle pâtit de quelques longueurs, notamment avec des épisodes d’une bonne heure chacun. Néanmoins, dans chacun d’entre eux, le show parviens à tirer parti de ses points forts pour maintenir le rythme. Que ce soient ses interprètes, son montage, son mélange des genres jusqu’à son ambiance assez délicieuse.

Park Chan-Wook y lisse d’ailleurs sa mise en scène dans un exercice vintage assez croustillant. Qui rend principalement hommage au production d’époque, esthétiquement, en tempo comme en musique. Il donne le glas pour le reste de la série, qui, si elle n’éblouit pas, réussie son exercice haut la main, faisant de THE SYMPATHIZER une production solide.

Sur la durée, celle-ci fonctionne notamment par son rythme hebdomadaire. Même quand elle pâtit d’une baisse de rythme en seconde partie de saison. La série s’achève sur un épisode plus intimiste et qui achève assez logiquement sa boucle narrative. À défaut d’être drôle et spectaculaire. Néanmoins ses accents tragiques ont toujours été trop timide sur la longueur, ce qui ne fait pas de ce final une pure réussite.

CONCLUSION

Dans tous les cas, il manque certainement un petit quelque chose à cette nouvelle production originale HBO. Le résultat demeure positif, notamment vu l’ambition casse-gueule de son sujet.


Les + :

  • Son sujet aussi riche, ambigu qu’universel. Un prix Pulitzer mérité est vaillamment adapté.
  • Une production solide et qui mélange les genres. Park Chan-Wook y dévoile son charme d’Extrême-Orient, dirige un casting très juste (et local) et HBO prouve qu’elle maîtrise ses investissements divers et variés.
  • La douce ironie amère qui découle de sa tête d’affiche, victime directe comme indirect d’un racisme perpétuel. Avec à la clé la découverte de l’acteur australo-vietnamien Hoa Xuande.
  • Les improbables et délicieuses partitions multiples de Robert Downey Jr. épris d’un génie comique toujours très réussi.
  • Une enveloppe vintage idéale et crédible.

Les – :

  • De légères longueurs, et qui persistent notamment en seconde partie de saison.
  • Malgré son savant mélange des genres, cette tragi-comédie corrosive exclut l’émotion de sa partition.
  • Un casting secondaire plein de charme, mais souvent exploité de façon linéaire ou insuffisante. Les personnages de Sofia (Sandra Oh) ou du meilleur ami/contact communiste (Duy Nguyen) le prouvent assez justement.
  • Il manque au show, un grain de folie bienvenu ou inextricablement burlesque.

MA NOTE : 14.5/20

Les crédits

CRÉATEUR(S) : Park Chan-Wook & Don McKellar

AVEC : Hoa Xuande, Robert Downey Jr., Toan Le, Fred Nguyen Khan, Duy Nguyen, Vy le, Ky Duyen, Phanxinê, Alan Trong, Kieu Chinh, et Sandra Oh,

ÉPISODES : 7 / Durée (moyenne) : 58mn / DIFFUSION : 2024 / CHAÎNE : HBO

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