
EN DEUX MOTS : Génial réalisateur coréen parvenu à mettre involontairement (ou presque) sur le devant de la scène son cinéma national à l’échelle internationale, Bong Joon-Ho revient au cinéma 5 ans après l’immense PARASITE. Après avoir été auréolé d’une Palme d’Or puis de l’Oscar du meilleur film (à l’instar du formidable ANORA, il y a quelques jours), son nouveau projet était, de façon compréhensible, largement scruté.
Fort de son succès planétaire, sa troisième réalisation en langue anglaise (après la pépite Snowpiercer (2013) et Okja (2017)) se voit doter d’un budget conséquent estimé à 118 millions de dollars. Assurément, l’une des réalisations les plus ambitieuses du Sud-Coréen (celui-ci a obtenu la coupe du montage final), tandis qu’il s’agit de sa première production 100 % américaine. Il s’en donne donc à cœur joie dans son genre S.F un peu fou. Et pour lui donner corps, le metteur en scène dévoile son aventure décomplexée autour d’un Robert Pattinson épatant.

Héros malgré lui, Mickey Barnes se tue à la tâche… littéralement ! Car c’est ce qu’exige de lui son entreprise : mourir régulièrement pour gagner sa vie.
Engaillardit d’un postulat de Science-fiction au lourd potentiel comique, le film MICKEY 17 n’en est pas moins une nouvelle satire sociétale qui transforme son héros en pur produit remplaçable. Littéralement ! Accompagné d’une Naomi Ackie encore méconnue et pourtant génialissime ou d’un Mark Ruffalo croustillant lorsqu’il singe le dernier Président américain (ou plus largement, son compère Elon Musk), cette odyssée spatiale dispose d’un potentiel exaltant. Potentiel en partie très bien exploité.

Le pari est-il tenu pour autant ? Notamment dans un exercice qui conjugue un potentiel aussi généreux et loufoque. Après le chef d’œuvre Parasite et quelques beaux succès (Memories of Murder ou encore The Host) difficile de s’imposer dans cette filmographie glorieuse. Et en effet sa nouvelle réalisation se dévoile assurément comme une petite (?) déception. Hélas. Car il s’agit d’un virement hollywoodien ambitieux, mais inégal.

Quand la mort devient un visiteur (et visage) familier.
Son introduction dispose d’un ton ironique et satirique familier dans l’écriture de Bong Joon-Ho. Un ton qui s’étend peut-être trop puisqu’il va gouverner l’ensemble du long-métrage à défaut de proposer concrètement autre chose. Avec ses 2h17, Mickey 17 est assurément généreux et exploite son sujet en long, en large et en travers. (Il s’agit du film le plus long du réalisateur). En revanche, lorsqu’il s’en éloigne, le film multiplie les sous-intrigues aux traitements inégales. Et manque d’action pour dynamiser le tout.
Dans cet univers tragi-comique, mister Robert Pattinson est en état de grâce dans tous les cas. Loin derrière son expression taiseux du Chevalier Noir (contre toute attente, très convaincante), l’acteur n’a cessé de surprendre dans ses projets.


Mickey 17 n’y fait pas exception et le Britannique de bientôt 40 ans dévoile une facette plus débridée qui fait mouche. Et principalement sous une facette niaise et un accent couper au couteau. L’attrait de son principal twist lui permet même de se donner la réplique pour un résultat qui manque peut-être d’approfondissement dramatique, mais pas d’exécution.
Quoi qu’il en soit, à l’aide d’une longueeeee première partie en voix-off, le réalisateur apporte un large contexte à son intrigue. Et il le fait plutôt merveilleusement. Dans un esprit quasi-burlesque qu’il affectionne (et maîtrise) le metteur en scène appuie avec beaucoup d’ironie l’atout que représente son sujet. Et pour cela, le traitement réservé à sa tête d’affiche n’y va pas avec le dos de la cuillère. Pas tant graphiquement, mais surtout en s’appuyant sur le détachement émotionnel des personnages qui l’entoure.

Les colons cons. Ou presque.
Tous sauf un ange nommé Nasha. Naomi Ackie s’impose ici comme une belle révélation et un contrepoids nécessaire au caractère désabusé joué par Pattinson. Un caractère de looser un peu pathétique que le metteur en scène aime mettre en vedette et qui permet à sa tête d’affiche une panoplie de différents faciès impressionnants.

Face au duo, Mark Ruffalo, affublé de ses facettes dentaires, s’impose comme une caricature ultime du milliardaire égocentrique assoiffé de reconnaissance. Un portrait à la fois moderne et vieux comme le monde politique dans cette démonstration de colonialisme exubérant. Mais au-delà de ce statut sans vergognes qui s’apparente (jusqu’aux signes tendancieux) aux très récents hommes de la Maison Blanche, c’est son alter-ego féminin interprété par la superbe Toni Collette (qui peut absolument tout jouer) qui m’a le plus épaté.
Tête pensante qui lui murmure à l’oreille ou obsédée des sauces (métaphore gloubi-boulga que chérit le réalisateur, adepte de l’étrange) son profil de femme excentrique est toujours parfaitement caractérisé sous la plume de Bong Joon-Ho. Le film dispose ainsi de quelques profils, féminins, épatants. Même si trop peu approfondie. (à l’instar de la majorité du casting).


J’ai particulièrement était impressionné par la performance de la « recruteuse » jouée par Holliday Grainger, au charme et a la dangerosité incandescente. Un personnage qui aurait presque pu à elle seule représenter le doute, la peur, puis le trauma ressenti par le victimiser Mickey. Mais dont le salut débute finalement réellement en rencontrant son double un brin sociopathe.
Toujours est-il que ce manque d’approfondissement se distingue à la fois sur certaines parties annexes du récit (la faune et la flore de la planète, pourtant centrale via ses créatures rondouillardes et baveuses très typique de l’esprit du réalisateur) comme sur certains protagonistes. À l’instar du meilleur ami détestable, Timo (Steven Yeun).


Conclusion
Mickey 17 se révèle être finalement beaucoup de choses à la fois. Mais dispose en réalité d’une seule et unique ligne (linéaire) qui lui fait défaut. Ni trop politique, trop dramatique ou trop comique. Notamment, puisque celle-ci manque de fougue et ne parvient pas à nous surprendre. On est loin des twists de Parasite ou de la frénésie de Snowpiercer. (malgré une dernière partie plus soutenue et qui brille par la mise en scène du réalisateur coréen).
Ainsi, entre son manque de décors variés, de folies, d’intensité, d’action ou même de portraits concret, le film accumule les petites lacunes qui ralentissent inéluctablement l’aventure. Il y a tout de même d’excellents atouts dans le dernier film de Bong Joon-Ho. Comme quelques beaux moments de poésie, un humour satirique salvateur, un univers peaufiné dans ses détails ou encore (et surtout) la performance hallucinée de Robert Pattinson.
Et c’est déjà mieux que la plupart des blockbusters de cet acabit, mais moins que la virtuosité habituel du réalisateur. Voilà tout.

Les + :
- Un postulat de Science-fiction délirant bourré de potentiel exploité.
- Un traitement satirique et burlesque qui fait mouche.
- En son centre, Robert Pattinson, surprenant et qui compose un looser pathétique attendrissant. Motion à sa voix-off niaise.
- À ses côtés, la révélation pleine de charme Naomi Ackie est une acolyte et une fidèle compagne de choix.
- Face à eux, le colonialisme, religieux et politique est représenté avec exubérance par un Mark Ruffalo en mix de Trump/Musk et une Toni Collette inquiétante à souhait.
- Pour mon petit plaisir, la trop courte apparition de la magnifique Holliday Grainger en recruteuse charmante et ambiguë. Ou le trauma idéal de l’attachant Mickey.
- Une satire et un sujet globalement très bien exploité. À l’instar du détachement émotionnel des employés envers cet employé remplaçable.
- Son ton tragi-comique qui se distingue par des situations comique cocasses, mais également de mélancolie et de romance efficace.
- Une mise en scène très efficace.
Les – :
- Malgré son potentiel, le film navigue sur un seul tempo qui lui fait perdre en rythme et en efficacité.
- De nombreuses sous-intrigues qui ralentissent l’ensemble et n’approfondissent pas toujours concrètement ses personnages.
- Et justement, de trop nombreux personnages (prometteur) et mal ou peu exploités.
- Un manque global de folies pures ou d’action pour nous surprendre.
- Des décors qui tournent vite en rond.
- Des créatures qui manquent d’originalité pour ceux qui sont familiers des films de Bong Joon-Ho.
MA NOTE : 15/20

Les crédits
RÉALISATION & SCÉNARIO : Bong Joon-Ho
AVEC : Robert Pattinson…, Naomi Ackie, Steven Yeun, Anamaria Vartolomei, avec Toni Collette, et Mark Ruffalo,
mais aussi : Holliday Grainger, Steve Park, Cameron Britton, Tim Key, Patsy Ferran, Daniel Henshall, Edward Davis (…)
SORTIE (France) : 05 Mars 2025 / Durée : 2h17