1 mois après ses débuts fracassants et globalement positifs, HOUSE OF THE DRAGON entame sa deuxième partie. La fin de l’été laisse place à l’automne. Ce qui est à l’image du récit initiatique de la Danse des Dragons qui va éclore au cours de cette fin de saison.
Naturellement, les cinq épisodes restants ont encore beaucoup à narrer pour en arriver là. Et notamment dès sa reprise. Une reprise de nouveau sous la caméra avisée de Miguel Sapochnik, qui, comme on l’a appris il y a quelques semaines, ne reviendra pas en saison 2. Hélas.
Voir la critique des épisodes précédents : ICI
ÉPISODE 6 : THE PRINCESS AND THE QUEEN
EN DEUX MOTS : Cette seconde partie de saison a d’autant plus de poids qu’elle effectue un bond de dix ans au sein du récit. Une division marquée par le temps, et par un casting naturellement évolutif. Et comme l’intitulé de ce nouvel épisode ne peut être plus clair, les changements majeurs s’effectuent chez la Princesse et la Reine. Les jeunes révélations laissent place aux deux figures centrales interprétées par Emma D’Arcy et Olivia Cooke. Elles incarnent respectivement Rhaenyra Targaryen et Alicent Hightower.
Ce long épisode de plus d’une heure encore s’ouvre en plan séquence sur la Princesse Rhaenyra en plein travail. Une scène d’accouchement sobre, mais intelligemment rythmée par la demande de la Reine à voir immédiatement le nouveau-né. De suite, l’opposition des deux femmes, qui sera au cœur de tout, prend tout son sens. Banalités, mondanités, rumeurs, jalousies, les intrigues de la cour s’assombrissent inexorablement à termes.
NOUVELLE ÈRE
Cette nouvelle et conséquente ellipse de temps semble s’être déroulée sous une certaine prospérité. Une prospérité de pure façade comme va-nous le prouver un bon nombre de scènes significatives durant l’épisode. Une nouvelle génération est là, quoi qu’il en soit, avec trois enfants pour chacune des figures féminines, et deux autres de l’autre côté du Détroit.
La première bonne surprise vient de là, avec le fabuleux Daemon (Matt Smith) dans des décors inédits à Pentos. Outre les magnifiques lieux de nuits et différents costumes, c’est (encore) une nouvelle facette qu’on découvre du Prince. Exilé par sa volonté avec la belle Laena Velaryon (Nanna Blondell), il semble couler des jours calmes en tant qu’invité. De luxe. Père érudit ou père absent, la mélancolie lui va comme un gant après l’arrogance.
D’autre part, c’est l’occasion d’y découvrir la fabuleuse et imposante bête Vhagar, montée par son épouse enceinte. En revanche, tous les effets spéciaux ne m’ont pas convaincus durant l’épisode.
L’apparition des dragons n’est pas en reste dans cet épisode 6. Deux scènes à Fossedragon le démontrent avec l’apprentissage d’un jeune dragon et le souffle d’un autre dans les catacombes. Cela apporte de la nouveauté, succincte, mais toujours bienvenue dans l’univers de la série. En plus de méchamment caractériser les jeunes profils Targaryen.
Et c’est bel et bien autour d’eux, cette nouvelle génération, l’héritage, la légation, que tout repose. Principalement des garçons, qui se chamaillent et ne se ressemblent pas, ce qui s’avèrera être le fer de lance de l’épisode. Car les jeunes filles sont devenues des femmes, des mères à présent. Leurs batailles intestines et leurs conditions de femmes a changé, s’est endurcie.
BÂTARDS ET…
La graine est vigoureuse.
Game of Thrones, saison 1
Sous des rumeurs bien fondées et intangibles, les fils de Rhaenyra n’ont aucune ressemblances avec leur père Laenor (John Macmillan). À juste titre, car leur tête brune ressemble étrangement à celle du Lord Commandant du Guet, Harwin Strong (Ryan Corr).
Un homme fort et avenant avec ses garçons dont toute scène d’intimité avec la Princesse sera totalement occultée. Pourtant, par un jeu de regards sincères, et le semblant de relation avec ses fils bâtards suffisent pour que l’artifice fonctionne à l’écran.
Une scène d’entraînement dans la cour du château, et son escalade, sera l’élément déclencheur de tristes événements et la fin de cette prospérité en façade. Ser Criston Cole (Fabien Frankel), miraculeusement rescapé de ses pulsions meurtrières, en est l’outil pour le clan des Verts. Il déclenche la fureur de Strong, nourrit les ragots, et son assaillant est contraint de quitter la Capitale. Parallèle d’incompréhensions compte tenu de son acte en épisode précédent. Heureusement sauvé par son comportement antipathique et sa nouvelle fidélité envers la Reine.
…CHOSES INFIRMES
Les tragédies, petites et grandes, sont ce qu’elles sont dans HOUSE OF THE DRAGON : fondatrices. Et cette saison 1, qui se déroule à toutes berzingue, réussit comme souvent son numéro de funambule. Cette fin d’épisode le prouve magnifiquement. Dans un nouveau montage parallèle, après le terrible suicide de Laena Velaryon auprès de son dragon.
Les conspirations de couloirs atteignent alors leurs apogées avec la formidable mise en lumière du prometteur Larys Strong (Matthew Needham). Un manipulateur sans cœur qui n’hésite pas à provoquer indirectement l’incendie d’Harrenhal. Un incident responsable de la mort de son frère, Harwin, et son père Lyonnel (Gavin Spokes), actuel Main du Roi.
Lors de la dernière scène parfaitement exécutée, celui-ci contraint la Reine à lui être redevable. Un admirable maître chanteur qui ressemble étrangement à un certain Littlefinger… qui sera précisément et également le futur seigneur de la demeure hanté. Joli parallèle encore.
DEUX FEMMES DANS L’ŒIL DU CYCLONE
Magnifiquement représenté, bien plus que dans le roman avec son bras amputé, la décrépitude du Roi (Paddy Considine) s’illustre aussi dans son déni. La Reine a alors du poids lors du conseil restreint et rejette la proposition de mariage de Rhaenyra. Le temps d’amitié jadis est révolu.
Miguel Sapochnik parvient sans mal à isoler et magnifier les deux figures féminines à l’écran. Le défi était de taille. À présent, le meilleur est à venir pour leurs personnages, tant l’histoire recèle d’événements forts. La narration aide dans cette transition en s’avérant profondément féministe sous la plume de Sara Hess.
Le casting aussi, naturellement, avec l’implication de l’artiste non-binaire Emma D’Arcy dans le rôle d’une Rhaenyra acculée de compromis. Elle dévoile un charme imputable qui s’accorde habilement à la famille Targaryen.
Mais pour le moment, c’est dans le camp opposé, après l’implication de Larys Strong, que ma préférence se dévoile. Si son talent n’est plus à prouver après Bates Motel et plus récemment Slow Horses, Olivia Cooke m’impressionne. Qu’il s’agisse de son rôle de mère inquiète, à celle de Reine déterminée, celle-ci propose une force de jeux et de caractère idéale.
La Danse se prépare, s’attise, et « The Princess and the Queen » négocie habilement un virage très casse-gueule à ce stade de la saison. Un épisode dense qui fait presque office de second pilote. Quoi qu’il en soit, le récit promet de belles choses pour la suite. Une suite plus musclée, on l’espère.
CONCLUSION
Les + :
- Un renouveau du casting qui fonctionne bien plus qu’il ne frustre
- Des profils en perpétuelles évolutions avec le temps
- Une énième mise en abyme pleine de promesses
- La noirceur des manipulations, parfaitement représentée dans les derniers instants
Les – :
- Une inévitable baisse de tension compte tenu d’un nouvel équilibre de narration
- Quelques rares effets spéciaux moins convaincants
MA NOTE :
RÉALISATION : Miguel Sapochnik / SCÉNARIO : Sara Hess
DIFFUSION : 25 SEPT. 2022 / DURÉE : 1h07
ÉPISODE 7 : DRIFTMARK
EN DEUX MOTS : Dans la continuité du précédent épisode, ce septième chapitre se déroule sur un court, mais intense, évènement. Et comme son titre l’indique à « Driftmark » ou Lamarck en V.F. Le fief des Velaryon où se déroule l’intégralité de cet épisode salvateur.
L’impliqué vétéran de la saga : Miguel Sapochnik réalise à nouveau ici, tandis que c’est l’inédit Kevin Lau qui signe le script. Les deux hommes saisissent par ailleurs tout l’intérêt d’un lieu ancien et de ses traditions en l’exploitant jusqu’à sa moelle. L’épisode s’ouvre sur une magnifique cérémonie en haut valyrien qui rend hommage à la triste disparue, Laena Velaryon.
ORGUEILS et PRÉJUGÉS
Sous les formidables notes du compositeur Ramin Djawadi (qui va s’illustrer plus tard dans l’épisode) l’ambiance est lourde. Un deuil profond et poétique qui laisse place aux rancœurs et aux jeux de regards entre les nombreux protagonistes présents. Peu de dialogues, mais une belle maîtrise sur l’atmosphère complexe qui règne entre les différentes (grandes) familles du royaume. Et ses membres les plus influents.
Une fois n’est pas coutume, ce sont les principaux personnages de l’histoire qui disposent de tout l’espace à l’écran. Toutefois, leurs prolongements – ou enfants – se renforcent et se caractérisent toujours un peu plus en quelques interactions. La faveur des scénaristes semble s’orienter vers les enfants de Rhaenyra, qui elle-même s’avère (jusqu’à la conclusion) plus douce que son opposante.
C’est un parallèle toujours fascinant vis-à-vis de cette large fable qui couvre de nombreuses années. L’évolution, les générations, l’ambition. Autour de ce dernier critère précurseur à l’intrigue se trouve le sous-exploité Corlys Velaryon (Steve Toussaint). Qui clame inlassablement justice à sa femme Rhaenys (Eve Best), qui lui force à affronter la vérité devant ses ambitions et son orgueil. De belles composantes de contradictions entre les personnages, et leurs futures allégeances.
L’histoire ne garde pas le sang en mémoire. Elle retient les noms.
Corlys Velaryon
CHEVAUCHÉES NOCTURNE
La grande partie suivante de l’épisode risque de faire grincer des dents malgré de riches rebondissements. Sous une bande-son folle et un jeu d’éclairages naturels (et donc quasiment inexistants) les scènes s’enchaînent et les amants s’unissent au son des vagues. Dans un parti-pris qui fonctionne de façon formidable, tandis qu’il convainc partiellement visuellement.
Avec une représentation plus mature et moins incestueuse que l’épisode 4, les deux pontes Targaryen se retrouvent (et s’unissent charnellement) après tant d’années de désirs. C’est ici que leur relation atteint un seuil décisif. Qui avait su être parfaitement représenté durant les épisodes passés, en pleine retenue.
Leur idylle laisse place à une symbolique forte autour des dragons, et qui va probablement tout changer pour l’émergence de la Danse. Laissé pour compte, le maussade Aemond (Leo Ashton) s’émancipe dans un acte plein de fougue. Résultat une chevauchée endiablé.
Dans une démonstration bien plus saisissante que l’épisode précédent c’est la bête Vhagar qui s’illustre à l’écran avec un nouveau jeune dragonnier. Ici le travail en production joue beaucoup dans la réussite de la scène. Sapochnik maîtrise son cadrage et ses effets au clair de lune tandis que Djawadi s’impose avec un nouveau morceau épique.
Évidemment la revendication illégitime du plus vieux et gros dragon de Westeros se fait au gré de la fille de Laena Velaryon. Les chamailleries enfantines se transforment en quelque chose de beaucoup plus sombre. Ce qui reflète indirectement l’animosité parentale. Dans une scène qui fut très difficile à tourner pour le réalisateur (selon ses dires) s’effectue une explosion de violence.
OEIL POUR OEIL
Toute azimute, la dernière scène nocturne va marquer la division nette et visible entre les deux clans. Qui sera même révélé verbalement par Rhaenyra en fin d’épisode, faisant allusion au clan des »Verts ».
Aux yeux de tous, une escalade d’opposition. Une escalade maintenue par l’indéfectible neutralité du Roi Viserys. Celui qui clame qu’ils sont une famille, qui agit comme un catalyseur. Et qui se perd dans ses souvenirs à mesure que la vie quitte son corps. Celui qui se proclame Roi pour le prouver.
La balance s’équilibre avec la violence d’Alicent et l’opposition physique des deux femmes. L’inactivité du royaume face à la scène reflète parfaitement l’opposition qui tiraille les différents clans. Contre une certaine incohérence sur le caractère parfaitement plausible de la scène.
Ne pleurez pas pour moi, mère. L’échange est équitable. J’ai perdu un œil, mais j’ai gagné un dragon.
Aemond à Alicent
Enfin, les brèves réapparitions d’Otto Hightower (Rhys Ifans), en tant que Main du Roi, amène à une scène pleine de sens. Effacé tout d’abord dans sa fonction qu’il retrouve après dix ans, l’homme avisé éclaire à nouveau sa fille, devenue femme. Par l’apparition de sa colère, qui s’avère être un mal pour un bien dans l’affrontement à venir.
Nous jouons à un jeu affreux. Je constate enfin que tu es assez déterminée pour gagner.
Otto à sa fille Alicent
UNIS PAR LE SANG, UNIS PAR LE MENSONGE
Les connaisseurs du roman l’auront compris, la relation entre Rhaenyra & Daemon est un point d’orfèvre dans l’intrigue. Et puisque leurs différentes unions passées s’avèrent fondatrices dans leurs parcours respectifs, la faible représentation physique de leurs amants s’explique aujourd’hui. Le choix des scénaristes sur le lien infaillible qui les unis – jusqu’à leur mariage intime – prend tout son sens ici. Sous les yeux de leurs enfants, dans un rituel passé.
Car oui, aujourd’hui les showrunners ont de nouveau modifié un détail de l’histoire avec la disparition de Laenor Velaryon. Originellement malencontreusement abattu par son compagnon Qarl dans les Degrés, celui-ci trouve un destin inédit à l’écran. Dans une porte de sortie astucieuse qui conclut donc l’épisode. L’intérêt principal de ce détour narratif se concrétise par la détermination du duo star de la série.
Et si l’intérêt pour la nouvelle Rhaenyra paraissait moindre jusqu’à présent, ce renouveau risque de changer les choses. D’autant que celle-ci demeure le personnage le plus passionnant de ce nouveau riche épisode. Et dispose de beaux reflets sur sa personnalité.
« Driftmark » s’inscrit dans une continuité toujours fondatrice pour les enjeux d’HOUSE OF THE DRAGON. Une continuité qui semble toujours sage mais pourtant parfaitement exécutée. Notamment dans son écriture agréablement surprenante et astucieuse. Aujourd’hui bien plus qu’hier.
CONCLUSION
Les + :
- Un jeu d’ambiance et de regards idéal
- Une bande originale qui s’impose enfin
- Une chevauchée nocturne pleine de frissons
- L’unisson de deux personnages déjà culte
Les – :
- Quelques scènes de nuit trop peu lisible
MA NOTE :
REALISATION : Miguel Sapochnik / SCENARIO : Kevin Lau
DIFFUSION : 02 OCT. 2022 / DUREE : 58mn
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