DERNIER TRAIN POUR BUSAN

EN DEUX MOTS : Avec un cinéma coréen de plus en plus populaire, Dernier Train pour Busan s’inscrit comme un film de genre qui risque de convaincre son public. Avec la frénésie indéniable venant du cinéma coréen, couplé au sous-genre salvateur des productions zombiesque, ce divertissement s’avère assurément efficace. Pour le mettre en scène, le réalisateur Yeong Sang-ho délivre son premier long-métrage en prise réel, après plusieurs animés remarqué. Dont le dernier, Seoul Station, est un préquel de Busan.

Un virus inconnu se répand en Corée du Sud, l’état d’urgence est décrété. Les passagers du train KTX se livrent à une lutte sans merci afin de survivre jusqu’à Busan, l’unique ville où ils seront en sécurité…

Présenté à la « Séance de minuit » lors du festival de Cannes en 2016, largement ovationné et récompensés d’un retour critique globalement élogieux (surtout pour le genre), Dernier Train pour Busan dispose bel et bien d’une frénésie indéniable, idéale. Et surtout, d’une fougue dans sa mise en scène et son exécution. Un plaisir coupable, avec beaucoup de plaisir.

3 ans après le formidable Snowpiercer, et en parallèle aux zombies moues de The Walking Dead, le film est une bouffée d’air frais. On pourrait même l’apparenter au 28 jours plus tard ou L’Armée des Morts de la décennie dernière. En le glorifiant quelque peu.

Néanmoins, en s’inscrivant dans une mouvance de la nouvelle vague coréenne, Train to Busan (pour faire court) dispose d’un fond politique indéniable et revendiquer par son réalisateur. Un sous-propos anti-capitaliste servant de base à son histoire, mais dont le traitement sera finalement de pure façade. Et pour preuve, ce film d’action et d’épouvante-horreur est avant tout de nature commercial. Et avant tout percutant dans son exercice. Car il n’en reste pas moins très efficace, encore une fois, même s’il révèle, aussi, quelques lacunes d’écriture.

Ainsi, dans le cadre d'une rétrospective sur la nouvelle vague du cinéma coréen, Dernier Train pour Busan demeure le petit plaisir coupable de la bande. Dont la position miraculée dans la filmographie de son réalisateur s'avère être une exception. Les espoirs à son égard s'étant envolé après les sorties de la suite ratée, Peninsula, ou des séries Netflix, Hellbound ou encore Parasyte. 

Quelques perturbations sur la ligne.

Après une introduction très formelle, l’action s’installe rapidement au sein du train. Son premier quart d’heure nous permet ainsi d’appréhender une menace invisible qui gronde, mais aussi le profil de père (Gong Yoo) au cœur du récit. Un père tiré à quatre épingle, absent, plutôt égoïste et dont le travail sera indirectement responsable de la catastrophe en cours. Le réalisateur ne s’encombre pas d’une quelconque autre forme de mythologie (et c’est bien dommage) et resserre ainsi son action en huis-clos durant presque deux heures. (Hormis son envolée dans la gare à mi-parcours.)

Train to Busan se révèle néanmoins rythmé efficacement grâce à différentes dynamiques d’action. Pour preuve, le film use intelligemment de son décorum exigu pour multiplier les astuces de survie, tout en alimentant constamment ses scènes de tension. Et indéniablement, l’artifice fonctionne par sa générosité. À l’instar d’autres productions réussies du genre, Busan met en scène des infectés survitaminés. Parfois désarticulés et vorace à souhait. Évidemment, cet attribut de choix contribue à la réussite de l’ensemble.

On pourrait avant tout regretter son manque d’ultra violence malgré sa frénésie ambiante. Un côté carnassier qui aurait d’autant plus marqué la rétine, là où ses quelques effets de masses impressionnent par leurs dynamismes. Visuellement, le film ne jouit pas d’un budget faramineux (8.5 millions de dollars), mais use de ses CGI à bon escient.

De plus, ses nombreux figurants apportent le dynamisme nécessaire à la bonne réalisation des différentes scènes de courses-poursuites. Néanmoins, moins de dix ans après sa sortie et redécouvert, par chance, sur grand écran ces derniers jours, Train to Busan accuse de quelques faiblesses d’exécution. (à l’instar de son accélération flagrante pour donner cette impression de vitesse des infectés.)

Wagons sociales et associables.

Quoi qu’il en soit, et comme dans toute œuvre coréenne qui se respecte, le film présente une défiance humaine de taille. Composée de profils orgueilleux, vaniteux, égoïstes ou au contraire chaleureux, courageux et empathique. Le combat de la bienveillance face à la peur la plus humaine qui soit. Et pour appuyer ce propos, absolument chaque choix d’égoïsme d’un dit personnage découle sur la mort d’un protagoniste un tant soit peu caractérisé.

Avec une dizaine de visages familiers qui assistent impuissant au cauchemar en cours, Train to Busan alimente à la fois son suspense et ses différents profils reconnaissables. Et il s’agit probablement d’un des plus gros défauts de la réalisation : son écriture. Et ses différentes caractérisations. Aussi fine que des lignes en gras. Des profils juvéniles (dont Choi Woo-shik, qui aura un rôle central dans Parasite) gentiment naïf et paralysés par la vision d’amis transformés, jusqu’au SDF un peu fou ou les gentilles mamies bienveillantes.

Les stéréotypes ont la vie dure dans Train to Busan (à l’image de cette tirade sur l’absence et le sacrifice des pères…), mais force est de constater que ses différents sacrifices (physique) fonctionnent à l’écran. Un point d’orgue atteint par l’héroïsme de la montagne de muscle interprété par le charismatique Ma Dong-seok. Néanmoins, le pire et le meilleur se conjuguent dans le film de genre comme le prouve l’exécrable profil individualiste joué par Kim Eui-sung. L’exemple même de la ligne narrative que ne cesse de dépasser le long-métrage.

Son dénouement est, dans ce sens, plutôt peu surprenant et manque de cynisme. Avec la survie (littérale) de la veuve (Jung Yu-mi) (enceinte) et de l’orphelin(e) (Kim Su-an). Et ce, après le sacrifice bien plus imagé et symbolique du père, s’étant redécouvert une humanité au cours de l’aventure.

Conclusion

Assurément, le film manque de vraies nuances d’écriture et révèle un aspect indéniablement kitch dans son exécution. Pourtant, difficile de bouder son plaisir devant sa générosité. Ainsi, malgré ses défauts, il demeure une production (coréenne) de genre d’une rare efficacité. Et c’est peut-être le plus important dans ce cas de figure.


Les + :

  • Un film de genre très bien rythmé.
  • De très bonnes scènes d’action et de suspense, variés, et qui utilisent intelligemment leurs décorums.
  • En son centre, un huis-clos exiguë, tout en longueur, lancé à vive allure et parfaitement exploité.
  • Quelques moments d’héroïsmes et de tension qui font mouche.
  • Des infectés frénétiques et qui contribuent à la dynamique réussie du film. (notamment dans des effets de masses spectaculaires.)
  • Une efficacité globale redoutable.

Les – :

  • Son sous-texte anti-capitaliste, typique des productions zombiesques, mais qui se révèle finalement assez pauvre. Ainsi qu’une introduction et une mythologie très formelle.
  • Le profil en tête d’affiche, très bien interprété par son acteur, mais pauvre en termes d’enjeux dramatiques. Comme le prouve son dénouement assez attendu.
  • Des seconds rôles stéréotypés et qui atteignent constamment leurs limites. À l’image du détestable second rôle « PDG ».
  • Quelques effets assez kitchs et ringards.
  • Un certain manque d’hémoglobine.

MA NOTE : 15/20

Les crédits

RÉALISATION : Yeon Sang-ho / SCÉNARIO : Yeon Sang-ho et Park Joo-suk

AVEC : Gong Yoo, Jung Yu-mi, Ma Dong-seok, Kim Eui-sung, Kim Su-an, Choi Woo-shik, Ahn So-hee, Ye Soo-jung, Park Myung-sin, Choi Gwi-hwa (…)

SORTIE (France) : 17 Août 2016 / DURÉE : 1h59

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