
De plus en plus rares sont les productions Netflix capables de m’accrocher. Mes critiques passées en témoignent : malgré l’élargissement constant du catalogue, mon intérêt pour la plateforme ne cesse de se réduire. Pourtant, pour cette rentrée 2025, et fort d’un budget qu’on devine toujours confortable, la plateforme dévoile une nouvelle série limitée qui avance de solides arguments. À commencer par ses têtes d’affiche, principal attrait de ce projet.
Annoncée fin 2022, soit quelques mois après la conclusion de la série acclamée Ozark (également diffusée sur Netflix), Black Rabbit intrigue déjà. Et pour cause : l’une de ses vedettes n’est autre que Jason Bateman, qui incarne l’un des deux rôles principaux, aux côtés du Britannique Jude Law. (Les deux hommes sont, de plus, producteurs éxécutifs sur le projet.
Des airs d’Ozark, sans le souffle.
Bateman assure d’ailleurs une partie de la réalisation — tout comme Laura Linney, sa partenaire d’Ozark. De quoi rappeler, par certains aspects, l’univers de la série qui a fait son succès. Un gage de qualité, peut-être, mais au détriment d’une véritable originalité.
Lorsque le propriétaire d’un établissement tendance new-yorkais permet à son turbulent frère de revenir dans sa vie, il ouvre la porte à toute une série de déboires qui menacent de détruire tout ce qu’il a construit.
Derrière l’écriture et la production, on retrouve le duo Zach Baylin & Kate Susman (qui signe la moitié des épisodes). Ils avaient déjà collaboré sur The Order, un film de moindre envergure porté par… Jude Law. Ensemble, ils livrent ici un drame criminel urbain qui mêle une intrigue familiale complexe à une tension de thriller. Un programme ambitieux, mais loin d’être aussi percutant qu’on pourrait l’espérer.

La série s’attache à brosser le portrait de deux frères aux lourds passés émotionnels, dans un décor new-yorkais indissociable de l’histoire. Manhattan occupe une place centrale, tout comme le Black Rabbit, club branché qui donne son nom au show. Lieu-clé de l’intrigue, il devient un véritable personnage à part entière, reflétant des thèmes récurrents : l’art, l’influence, le succès, mais aussi leurs failles et leurs dérives.
À travers ses huit épisodes, Black Rabbit ambitionne de proposer un univers visuel crédible, à la hauteur de son décor atypique et de sa distribution élargie. Une ambition qu’elle ne parvient pas totalement à concrétiser, malgré des personnages ambigus et un suspense qui tente de tenir en haleine sur la durée.
On peut toutefois compter sur le duo principal pour porter la série. Leur alchimie et la relation trouble (faite d’amour, de rancune et de culpabilité) crèvent l’écran. Jason Bateman, toujours juste à mi-chemin entre comédie et drame, surprend dans un rôle sombre, au look presque méconnaissable. Face à lui, Jude Law convainc un peu moins, notamment lorsqu’il force un accent new-yorkais pas toujours crédible.

Entre tension morale et polar conventionnel
Black Rabbit entraîne alors ses deux antihéros dans une fausse course-poursuite constante, qui manque de rythme mais pas de rebondissements. Si la série étire trop son suspense, elle soulève en revanche des dilemmes moraux intéressants. Dommage que ses nombreuses zones grises ne soient pas suffisamment creusées.
Le constat est encore plus flagrant du côté des seconds rôles : malgré un casting prometteur, leurs arcs narratifs déçoivent par manque de profondeur. L’épisode 6, Attaf**kinboy, illustre bien ce problème : ambitieux dans son montage et sa multiplicité de points de vue, il peine pourtant à provoquer un véritable impact. Il s’agit pourtant ici du point central de son récit avant sa conclusion.
En définitive, Black Rabbit s’avère une demi-réussite (ou déception). Si sa tension morale captive par moments, elle reste enfermée dans une formule de genre trop conventionnelle pour s’affranchir de ses modèles. Même son très court générique, basé sur un système d’images répétées à chaque épisode, rappelle trop celui d’Ozark.

EN DEUX MOTS : Black Rabbit illustre bien les paradoxes de Netflix : une production ambitieuse, portée par un duo d’acteurs de prestige, mais qui peine à se démarquer dans un catalogue déjà saturé. Si la série séduit par son atmosphère new-yorkaise et ses dilemmes moraux, elle reste trop prisonnière des codes du polar pour pleinement convaincre. Un divertissement solide, mais qui laisse un arrière-goût d’occasion manquée.
✅ Les points forts
- Un duo d’acteurs principaux solide (Jason Bateman & Jude Law), avec une vraie alchimie.
- Une atmosphère new-yorkaise immersive, Manhattan et le club Black Rabbit devenant presque des personnages à part entière.
- Une succession d’emmerdes entraînante.
- Des dilemmes moraux intéressants et une tension psychologique parfois bien maîtrisée.
- Une réalisation élégante par moments, qui rappelle la patte d’Ozark.
❌ Les points faibles
- Une intrigue trop proche des codes classiques du polar, manquant d’originalité.
- Un rythme inégal, avec un suspense étiré sur la longueur.
- Des personnages secondaires mal exploités, malgré un casting prometteur.
- Certaines performances inégales (notamment Jude Law et son accent new-yorkais peu convaincant).
- Des similitudes trop marquées avec Ozark, jusque dans le générique.
MA NOTE : 14/20

Les crédits
CRÉATEURS : Zach Baylin & Kate Susman
AVEC : Jude Law & Jason Bateman, Sope Dirisu, Cleopatra Coleman, Amaka Okafor, et Troy Kotsur,
mais aussi : Robin de Jesus, Chris Coy, Odessa Young, Gus Birney, Don Harvey, Forrest Weber, Abbey Lee, Dagmara Dominczyk, John Ales, Morgan Spector (…)
ÉPISODES : 8 / Durée moyenne : 55mn / DIFFUSION : 2025 / CHAÎNE : Netflix