
Ce printemps aura un goût amer de vengeance sur HBO. Une sensation qu’on doit au retour de la tant attendue saison 2 de The Last of Us. Après 9 épisodes durant sa première aventure, cette suite se dévoile via 7 épisodes inédits, dont le premier déboule le 13 avril au soir aux États-Unis. (Et donc dans la nuit du 13 au 14, chez nous).
Avant sa conclusion prévue fin Mai, cette saison débute avec un épisode introductif faussement calme. Et si plus de 2 ans sépare la première saison à celle-ci, l’intrigue, elle, se place 5 ans après ses événements passés. Avec comme intitulé « Every Path Has a Price« , inutile de dire que la série ne va pas manquer de cohérence sanglante, ni d’attraits tragiques dans son déroulement. Cet épisode de reprise en place les premières pierres embrasées. Et ce, dès son introduction, assez parlante.
ÉPISODE 1 : Future Days
EN DEUX MOTS : En adaptant le second volet fleuve du jeu vidéo The Last of Us, Craig Mazin et Neil Druckmann s’attaquent à un segment ambitieux et large. Et après une première saison qui adaptait ses grands événements de manière dramatique et inspiré, le double point de vue de Part II paraissait d’autant plus difficile à mettre en œuvre.
Depuis, deux saisons sont au programme (la saison 3 est officiellement commandée). Et ce premier segment de 7 épisodes navigue sur la même dynamique que la première saison : un postulat dramatique plus poussé plutôt qu’un déroulé d’action et d’aventure intense. Le tout dans un contexte post-apocalyptique cruel. Dès lors, cette saison débute posément pour accentuer les affres du temps qui passe. À savoir 5 ans.
Toutefois, son introduction débute sous le regard inédit d’une petite bande de Lucioles, survivant du massacre de Salt Lake City. Un personnage, un nom, et surtout un visage s’y détache : le profil tout en intensité d’Abby. Sous les traits de Kaitlyn Dever. Et pour ceux qui l’ignorent, ce visage, très proche de l’apparence de la Ellie des jeux, n’est pas anodin puisque c’était celui choisi il y a 10 ans dans l’adaptation avorté initialement piloté par Sam Raimi : The Last of Us, le film.

Abby : « on doit d’abord trouver Joel. On va le trouver. Je vous le dis. Je vous le dis. » (…)
Luciole : « on t’aidera le trouver. Et à le tuer. » (…)
Abby : « on prendra notre temps. (Quoi ?) Quand le tuera… On prendra notre temps. »
L’actrice incarne aujourd’hui cette future chimère qui donne le ton dans son introduction. Celles des premières braises attisées d’une vengeance qui s’annonce brûlante. Mais pour l’instant encore en sommeil.
Une vie faite de banalités…
Sous la plume et la caméra de Craig Mazin, « Future Days » nous renvoie, durant une heure, d’abord paisiblement dans le quotidien de Jackson. Wyoming. Au centre des plaines enneigées, on retrouve nos héros, et quelques nouvelles têtes, dans un rythme très naturel et caractéristique du show. Dans un montage opposé, la série accentue alors le caractère de nos deux survivants, à des âges d’autant plus mûrs.
Ellie (Bella Ramsey), 20 ans, combative, insolente, déterminée au possible, et Joel (Pedro Pascal), vieillissant, débrouillard et bourru comme on le connaît. Cette ellipse permet aussi d’alimenter deux choses : l’évolution des personnages et le fossé qui s’est créé entre eux. Évidemment, et à l’instar du jeu, la suite de la série va ainsi jouer sur un tempo de flashback déterminant dans le parcours de ses têtes d’affiche. Mais aussi pour l’intensité émotionnelle qui se dégage de leur relation.

Et pour le jeu des 7 différences, la série HBO remanie ou appuie quelques histoires secondaires pour étoffer son univers.
De façon surprenante, l’aussi belle que dynamique meilleure amie d’Ellie, Dina (Isabela Merced), va remplir le rôle de fille de substitution, pour Joel. Le choix de l’actrice s’avère dans tous les cas parfait. (notamment après sa prestation remarquée dans Alien Romulus). Parallèlement, Ellie approfondit sa relation avec le sympathique « oncle » Tommy (Gabriel Luna), le frère de Joel. Et cette fois pour un apprentissage plus excitant de chasse à l’infecté (comme le démontre sa séance de tir iconique du jeu, ici revisité dans l’espace-temps).

On peut aussi noter la présence inédite d’une position de Tonton pour Joel, avec la naissance de Benjamin. (Dont la première apparition se fait avec un avion miniature : un ester egg au premier épisode de la série).
…d’ordres et de rancœurs.
C’est surtout le suivi d’une thérapie pour notre survivant endurci qui détonne dans l’intrigue. Ce qui va donner lieu à une scène particulièrement efficiente et amère face à sa thérapeute, Gail (Catherine O’Hara). Ici, les showrunners offrent à l’actrice reconnue une position de franc-parler idéal et qui va permettre de mettre le doigt sur la lourde culpabilité de Joel. Et des conséquences de son mensonge. (Tout en remaniant l’histoire d’Eugene, figure centrale de Jackson).

Hormis cet élément narratif d’autant plus développé dans la série, cette saison semble empreint d’amertume. Ce sentiment de normalité à Jackson (qui atteindra son apogée avec la scène de la soirée dansante) à, aussi, son importance afin d’évaluer la future perte d’une vie « idyllique » pour nos héros, au sein de cette communauté solide. (contrairement à celle dans une « ZQ », avec son régime totalitaire par exemple).
D’ailleurs, la série explore bel et bien les rouages de son système démocratique, comme le démontre sa rapide scène du conseil, présidé par le couple Tommy / Maria (Rutina Wesley). Un élément qui renforce d’autant plus cette normalité efficiente, mais aussi son système d’ordre disciplinaire globalement souple.

Et avant sa longue scène d’action dans la deuxième moitié de l’épisode, celui-ci va faire un détour indispensable par l’antre d’Ellie. Ce qui va nous permettre d’apercevoir rapidement tous les items liés à sa personnalité. Ici, et même ensuite, la série recèle de référence au jeu qu’il adapte, pour un rendu très fidèle.
Toujours est-il que ce garage, ou la piaule d’Ellie, demeure un lieu clé du jeu, comme le démontre cette barrière invisible qui sépare en partie Joel d’Ellie. Deux héros qui ont fini dans l’impossibilité de communiquer. Pour qui ? Pourquoi ? Le show laisse volontairement le mystère plané.
Partie de cache-cache au supermarket & amourette.
Quoi qu’il en soit, et peut-être conscient des critiques à son encontre, la première saison manquait de moments d’action ou plus largement de menaces infectieuses. C’est pourquoi, malgré une reprise globalement calme, « Future Days » se compose de longues minutes de tension, typique à celle du jeu vidéo. Une simple reconnaissance va ainsi se transformer en chasse à l’infecté.

Cette sortie hors de l’enceinte de Jackson et aussi l’occasion d’appréhender la complicité entre Ellie et Dina. Notamment dans la dynamique du triangle qu’il forme avec le plus sérieux Jesse (Young Mazino, à la présence encore tempérée). Affublé de compagnons de route (dont Kat, tatoueuse et ex d’Ellie), le récit insiste alors sur ces deux caractères – tête brûlées, qui s’émancipent des règles qu’on leurs imposent.
C’est pourquoi cette scène dans le supermarché s’avère importante pour la dynamique de l’aventure à venir, via son esprit de cohésion. Et on peut dire que le résultat fonctionne à l’écran. La complicité des deux personnages crève l’écran et prête largement un sourire, notamment concernant la pétillante Dina.

Côté action, cet épisode favorise la tension à la démonstration bourrine. Ici, les références au jeu pullulent encore. (carcasses d’animaux dévorés, camion pour grimper, photos des employés, etc.) Allant jusqu’à se montrer très représentatif avec son jet de bouteille pour attirer l’ennemi, comme l’élimination du claqueur au cran d’arrêt. Une dynamique de jeu retranscrit maladroitement à l’écran.
C’est cependant en posant encore plus longtemps son suspense que la mise en scène de Craig Mazin fait mouche. La preuve avec sa scène de cache-cache avec la « rôdeuse » savamment exécuté et qui nous offre enfin un vrai moment horrifique. Typiquement ce qui nous manquait par le passé.
Le poids de la solitude
Ajout très réussi pour la série, la scène s’achève sur une nouvelle morsure pour Ellie. Qui se solde ensuite par une automutilation douloureuse afin de cacher sa nature unique d’immunité. À l’instar de cette brûlure à l’avant-bras recouvert par son magnifique tatouage. Un élément scénaristique primordial et qui contribue à la nature isolée d’Ellie.

Vient alors la scène – clé – du réveillon, très tardive dans le jeu et qui conduit ici au premier baisé entre Ellie et Dina via une alchimie très poétique. (Scène dans laquelle ont a le droit à un caméo très sympa du compositeur Gustavo Santaolalla d’ailleurs).
C’est aussi la démonstration d’une déchirure nette entre Ellie et Joel. Ce qui nous amène naturellement à la déchirante scène du porche, ou Joel joue de la guitare, et qui est pourtant subtilement esquivé ici. Celle-ci étant censée clôturée le deuxième jeu… Dans tous les cas, Pedro Pascal fait preuve d’une gravité hallucinante à l’écran. Et plus globalement, du bel ouvrage pour la série.

Son épisode 1 s’achève sur l’apparition d’une double menace qui gronde : infectieuse et vengeresse. De quoi espérer d’autant plus de gravité et d’action dès son second épisode.
Conclusion
De la sorte, « Future Days » s’inscrit comme une reprise faussement calme, qui s’appuie pour l’instant sur un déroulement linéaire, et qui révèle bons nombres zones d’ombres. Mais aussi de différences notables avec son matériau d’origine. Avec son intitulé « Every Path Has a Price« , The Last of Us 2 ne laisse pas vraiment la place à la rédemption ou à l’espoir pour la suite. Bien au contraire.

En termes d’intensité de jeu, l’apparition de Kaitlyn Dever me laisse présager le meilleur. Et malgré ma position de fan émérite de la saga vidéoludique, son physique beaucoup moins guerrier ne m’a pas dérangé. À contrario du comportement antipathique et insolent d’Ellie, déjà prédominant dans sa première saison. En revanche, l’acting de Pedro Pascal demeure toute en force et en émotions contrite et promet une séparation déchirante pour la suite. Ma plus belle surprise réside toutefois dans la démonstration de jeu très naturel d’Isabela Merced, petit coup de cœur de cet épisode.
Plus globalement, ce retour de la série apocalyptique impressionne dans sa mise en œuvre conséquente, solide et réaliste. Qu’ils s’agissent de ses décors jusqu’aux différents maquillages des infectés. J’ai d’ailleurs été agréablement surpris de la présence de l’actrice Rebecca Ferguson au générique, créditée comme « stalker ». Ni plus, ni moins, que la rôdeuse absolument terrifiante du supermarché.

Les + :
- Une reprise consistante d’une heure et qui permet d’appréhender très efficacement cette notion du temps passé. 5 ans en l’occurrence.
- L’apparition prometteuse et tout en intensité de Kaitlyn Dever, qui s’annonce parfaite dans le rôle nuancé d’Abby.
- Un nouveau casting choral dense et déjà brillamment interprété. (Comme le démontre le profil de Dina sous les traits d’Isabela Merced).
- La déchirure nette et amère entre Joel et Ellie. Interpréter avec gravité par l’un et insolence par l’autre.
- Enfin une longue scène d’épouvante et de tension réalisée avec soin par le showrunner Craig Mazin.
- Une mise en œuvre conséquente et cohérente de son univers, comme le démontrent ces nombreux items et références. (mention particulière à ses maquillages peaufinés, à l’image de cette rôdeuse sans nez joué par Rebecca Ferguson).
- Quelques différences toujours bien sentis et qui émancipe la série des monumentaux jeux vidéo.
Les – :
- Un premier épisode naturellement un peu grisant, lent, et très introductif.
- Une menace d’infectés pour l’instant limitée en nombre.
- Le caractère d’Ellie, encore trop antipathique et insolent à mon goût.
MA NOTE :

RÉALISATION & SCÉNARIO : Craig Mazin
SORTIE (France) : 14 Avril 2025 / DURÉE : 1h