
EN DEUX MOTS : À l’occasion de la sortie cinéma de Mickey 17, le 8e film du Sud-Coréen Bong Joon-ho, retour sur le précédent, véritable petit chef d’œuvre du 7e art. Le renommé PARASITE. Un 7e film auréolé d’un impressionnant nombre de récompenses, telles que 4 Oscars (meilleur film/film étranger, meilleur réalisateur et meilleur scénario original) ou la prestigieuse Palme d’Or. Un succès mérité et qui a permis au cinéma coréen d’entrée sur la scène internationale dans ce qu’elle a de plus beau à proposer. (contrairement au plus tapageur Squid Game, sur petit écran).
Avant ça, il est important de souligner que Parasite survient après deux réalisations en langue anglaise pour le réalisateur, qui revient aujourd’hui intégralement en langue (et en terre) natale pour un récit familial. Un film qui a pour cœur les liens familiaux, mais aussi, et surtout, s’avère être une nouvelle satire percutante. Celle sur la disparité des richesses entre deux classes sociales qui s’entrechoquent au sein du même foyer…
Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne…

« Une tragicomédie impitoyable et cruelle » selon les dires de son réalisateur. « Une comédie sans clowns, une tragédie sans méchants ». À mi-chemin entre la Comédie satirique sinistre, le Drame social et le Thriller brutal, Parasite épate par son mélange des genres – réalistes – tout en dévoilant un mécanisme à twists savamment exécutés. Et outre son succès mondial au box-office (261 millions pour 15.5 de budget), son succès critique est indéniable. (le site Allociné recense une note moyenne de 4.8/5, pour 36 critiques presse…).
Dans tous les cas, 10 ans après son Mother, le metteur en scène renoue avec la fable coréenne pour un récit qui résonne au-delà même de ses contrées. Comme le prouvent ses inégalités sociales qui se creusent à l’échelle mondiale. Un objet bel et bien excitant et passionnant dans ses différents rouages.

Le Plan : L’ascenseur sociale des parasites.
Dès ses premières minutes, Parasite nous plonge gentiment et efficacement au cœur d’une charmante famille d’arnaqueurs. Dès lors, dans ce souplex étriqué, métaphore imagée de l’échelle sociale plus bas que terre, une simple chasse au Wi-Fi gratuit capitalise l’attention du téléspectateur. De sympathiques loosers, mais pas tant une famille dysfonctionnelle, bien au contraire. 4 membres sans boulots et sans perspectives jusqu’à ce que L’opportunité se présente un beau jour.
Dans une parfaite opposition, la demeure somptueuse et architecturale des Park dispose de différents niveaux, de luminosité, d’espace et de secrets… Et de 4 membres bien plus dysfonctionnels. Assurément, cette bâtisse privilégiée sera autant un fantasme que l’outil central du récit durant les 2 heures qui composent le film. 2 heures savamment découpées et montées, qui laissent peu de place au temps morts.
« Au milieu d’un tel monde, qui pourrait pointer du doigt une famille qui lutte pour sa survie en les affublant du nom de parasites ? Ils n’étaient pas des parasites au départ. Ils sont nos voisins, nos amis et collègues, qui ont été poussés vers le précipice ».
Bong Joon-Ho

Très vite, la première heure du film décortique le Plan bien goupillé de ses parasites sympathique qui se colle aux besoins de cette famille détestable. Difficile ici de bouder son plaisir devant cette succession d’ingéniosité. Ses rires et sourires nous amènent jusqu’à la scène de satisfaction ultime ou les parasites prennent temporairement possession des lieux et savourent leur victoire. Aussi éphémère soit-elle au moment où tout bascule. La chute inévitable. (Twist number one).
M. Park (à propos de la Gouvernante) : « Son seul défaut, c’est qu’elle mange pour deux. »
D’autant plus imagée, cette pente (ou escalier) sociale souvent au cœur de l’écriture de Bong Joon-ho est alors parfaitement représentée dans une grande scène pluviale. Au cœur de la nuit, dans les rues qui ramènent les parasites à leur demeure désenchantée. Submergée. Et ce, après plus de 30 minutes de frénésie, alliant suspense et stupeur, qui ouvrait la seconde partie du film. De loin, la plus surprenante et épatante dans son exécution avec l’apparition de la pièce secrète.

Le jeu des Sept deux familles.
Tous les détails sont sous nos yeux. Méticuleusement construit, le film ne dispose pas de remplissage à proprement parler puisqu’il met en scène des causes à effets d’une partie à une autre. D’un personnage à un autre, par opposition. En plus de nous surprendre, son principal twist n’étant que l’instrument (ultime) de cette dégringolade sociale.
Chef de meute sans l’être, le réalisateur choisi (pour leur 4e collaboration) le fidèle Song Kang-ho pour incarner Le Père. Un éternel profil d’homme dépassé par les événements, mais que le destin va mener jusqu’au précipice. Sans surprises, le célèbre acteur excelle.

Cette odeur qui flotte dans la voiture. Comment la décrire ? C’est comme des vieux radis ? Non. Plutôt quand tu fais bouillir des torchons sales.

Face à lui, M. Park est interprété par un (regretté) Lee Sun-kyun disposant de la tête à l’emploi. Avec nonchalance et désinvolture, l’homme se condamne dans son plus simple geste de dégoût envers ses rebuts de la société. L’ultime twist meurtrier qui survient au cours de la sanglante « Garden Party« .
Parasite dispose également de riches personnages féminins. La Mère (Jang Hye-jin) en est l’un de mes coups de cœur par sa force de caractère et sa combativité. Malgré une utilisation plus restreinte dans la dynamique familiale.


Vient s’y ajouter le profil de La Fille (Park So-dam), débrouillarde, désinvolte et pleine de charme, qui se pose comme la victime collatérale regrettée lors du massacre estival.

Face à elles, le luxe fait voler en éclats toute vraisemblance de respect entre les classes. Comme le prouve, ironiquement, la famille Park et ses incessantes références a la culture américaine. De leurs langages, aux patronymes de leurs employés, jusqu’aux produits made in USA. Un gage de qualité à leurs yeux ou la facette l’emporte sur l’authenticité. Mme Park (Cho Yeo-jeong) incarne à merveille cette résidente de gage dorée, aussi raffinée que bêtement crédule.

La lettre Morse.
Enfin, si on peut plus communément mettre de côté les profils toutefois indispensables des enfants Park (entre la fille naïve et juvénile peu caractérisée (Jung Ji-so) et l’enfant faux génie turbulent), ce n’est évidemment pas le cas du Fils (Choi Woo-shik). Autour duquel tout le film s’articule dans sa finalité.
En partant d’une proposition de son ami (Park Seo-joon), dont-il ne parvient pas à quitter l’ombre en voulant s’extraire de sa situation, il deviendra le principal catalyseur de l’histoire. Tout d’abord, comme investigateur du « Plan », puis vecteur de la propre chute de sa famille (la pierre qui lui brise le crâne y jouant un rôle crucial), jusqu’à la rédaction, en voix-off, d’une dernière lettre (et promesse) qu’il fait à son père – prisonnier. Dans une conclusion poignante.

Car s’il y a bien une chose à retenir dans le cheminement tragicomique de Parasite, c’est bien la dégringolade sociale de cette famille d’arnaqueurs. Et notamment dans une tentative de survie compréhensible et sinueuse qui les confronte aux inquiétants profils de la Gouvernante (Lee Jung-eun) et de son mari dérangé (Park Myeong-hoon). (Aka : le fantôme de la maison, une idée merveilleuse avec ses yeux exacerbés).
« Respect !!!! » Scande le « fantôme » de la maison à M. Park.
Son déchaînement de violence finale s’avère d’une logique imparable. De même, que son ultime twist – la captivité du Père – demeure la métaphore ultime d’un homme coincé au fond du précipice. Coupé de toute interaction sociale et de fenêtre sur la liberté. L’épilogue merveilleusement narré nous laisse même entrevoir une parenthèse – lumineuse – sous forme de rédemption avant de nous confronter à la dure réalité : le fantasme de s’extraire des inégalités sociales demeure un fantasme.
Conclusion
Avec son dernier plan, Parasite se montre réellement percutant. Il se place comme l’ultime rouage d’un mécanisme narratif redoutable. Ainsi, outre des récompenses somme toute logique, c’est celle du meilleur scénario original qui fait tact.
Un quasi-huis clos millimétré, vaillamment mis en scène, superbement interprétée et brillamment écrit. Avec, en prime, un twist à mi-parcours qui rabat sa dynamique et fait virevolter les genres. Un quasi sans faute, qui m’a, peut-être trop peu bouleverser pour atteindre les zéniths. Ou l’aboutissement pour son réalisateur d’une énième, mais pas n’importe laquelle, satire sociale qui fera date.
Les + :
- Son scénario qui mélange les genres avec brio. Entre satire social acide et succession de twists qui mène à l’inévitable tragédie.
- Qu’il s’agisse de son rythme, son montage, jusqu’à sa durée, le film est aussi millimétrés que savamment exécuté. Un objet rare.
- La représentation très imagée des deux classes sociales via différents niveaux de hauteurs. Dont la somptueuse et architecturale demeure des Park est le fer de lance. Et principal décor fait sur mesure de ce quasi-huis clos de 2 heures.
- Sa distribution, savamment exploités et complémentaires. Un équilibre idéal qui régit les différents membres des deux familles par des figures d’opposition toute naturelle, incapable de coexister.
- La collision consécutive de cette famille d’arnaqueurs à la classe supérieure, puis aux véritables « parasites » de la maison. Pour une dégringolade sociale stupéfiante.
- Son twist majeur à mi-parcours, qui dynamite l’équilibre en place pour révéler un tempo de Thriller à la fois brutal et ultra soutenue.
- Sa fulgurance meurtrière lors d’une « garden party » aussi sanglante, surprenante, qu’ensoleiller.
- Un épilogue habilement monté, qui, comme le film dans son déroulement, fait passer Le Fils du rire à la triste réalité.
- Son ultime twist (sa lettre en morse qui révèle la captivité du Père et le nouveau Plan du Fils) qui nous amène au cadrage final. D’un espoir sous forme de parenthèse libératrice qui ne se révèle n’être qu’un fantasme à accomplir.
Les – :
- De manière tout à fait personnel, une implication émotionnel dans le récit qui ne m’a pas bouleversé. Malgré sa majestueuse démonstration des inégalités.
MA NOTE : 17.5/20

Les crédits
RÉALISATION & SCÉNARIO : Bong Joon-ho
AVEC : Song Kang-ho, Lee Sun-kyun, Cho Yeo-Jeong, Choi Woo-shik, Park So-dam, Jung Ji-so, Jang Hye-jin, Jung Hyeon-jun, Lee Jung-eun, Park Myeong-hoon (…)
SORTIE (France) : 05 Juin 2019 / DURÉE : 2H07