MEGALOPOLIS

EN DEUX MOTS : pour clôturer une rentrée cinéma qui fait aussi bien écho aux festivals de Cannes que de Deauville, et avant de se pencher sur de très bonnes séries TV, quoi de mieux que le grand retour du mythique Francis Ford Coppola. On ne le dira jamais assez, MEGALOPOLIS est un film qui aura mis 40 ans à se concrétiser.

En effet, le réalisateur de 85 ans à l’origine de quelques chefs d’œuvres du cinéma (tel que la trilogie du Parrain, Apocalypse Now ou Dracula) accouche d’un projet monstre. Un projet mégalo et ambitieux dont il a investi 120 millions de dollars de sa fortune personnelle.

Megalopolis est une épopée romaine dans une Amérique moderne imaginaire en pleine décadence. La ville de New Rome doit absolument changer, ce qui crée un conflit majeur entre César Catilina, artiste de génie ayant le pouvoir d’arrêter le temps, et le maire archi-conservateur Franklyn Cicero. Le premier rêve d’un avenir utopique idéal alors que le second reste très attaché à un statu quo régressif protecteur de la cupidité, des privilèges et des milices privées. La fille du maire et jet-setteuse Julia Cicero, amoureuse de César Catilina, est tiraillée entre les deux hommes et devra découvrir ce qui lui semble le meilleur pour l’avenir de l’humanité.

Vivement critiqué lors de sa sortie Cannoise (et largement secoué par diverses polémiques), MEGALOPOLIS était aussi excitant que farouchement casse-gueule. Et pour preuve, avec un montage de 2h18 bien rempli ce drame au postulat S.F. entre fable futuriste et utopique et épopée triptyque fantasmé qui s’inspire de la mythologie romaine, conjugue toutes les envies et les fantasmes du réalisateur. Celui-ci semble dévoiler son baroud d’honneur avant sa fin de carrière.

Y parvient-il ? Ou MEGALOPOLIS croule-t-il sous le poids de ses ambitions démesurés ? Sans y aller par quatre chemins, à mes yeux cette fable de Coppola fut une souffrance comme rarement sur grand écran. Un film qui se veut grandiose, mais qui s’avère dépassé par son ironie nanardesque qui le transforme comme tel. Sa bande-annonce donne le la. MEGALOPOLIS tournoie autour d’un grand nombre de thématiques, mais finalement, n’en écume pas une.

« Une fable », pas si affable.

Principalement sous la vision d’un protagoniste masculin tourmenté et décrit comme virtuose, Coppola dresse un portrait finalement assez creux. Le choix d’Adam Driver s’avère logique comparé à sa filmographie qui alterne entre le grandiose (de ses petits films) et un charisme mal assuré (de ses blockbusters). Ici, hélas, l’artiste souffre d’une prestation théâtrale dirigée par un réalisateur/scénariste désaxé de bon sens.

Pour preuve, le reste de sa distribution sonne tout aussi faux. Entre exubérance (où heureusement Shia LaBeouf et Aubrey Plaza s’en donne à cœur joie) ou effacement total (de Jason Schwartzman à Dustin Hoffman, qui disparaît dans la plus grande démonstration de ridicule possible). Et ce n’est pas tant son mélange d’une mégalopole tel que New York revisité sous ses aspects de la Rome antique qui pose problème, mais bel et bien son exposition graphique anti-réaliste. Même sous un couvert de Science-fiction aux possibilités multiples.

MEGALOPOLIS a en effet l’ambition d’y dévoiler une fable grandiose sur la nature humaine dans ce qu’elle a plus de grandiose et destructrice. Ainsi, son incorporation de courses de chars s’avère plus divertissante que son énumération de patronyme romain et ses coupes de cheveux masculine faites au sécateur. Une vision qui rend encore plus ridicule des personnages méchamment misogyne et prouve la vision dépassée de son metteur en scène. En découle un esthétisme bien souvent kitsch et finalement trop peu grandiose dans son mélange S.F. et historique.

Sous une direction sans virtuosité (et parfois même assez vilaine) et un montage bordélique, le film dévoile peu à peu le cœur de sa fable : à savoir son histoire. C’est certain, je ne suis pas un fan d’une intrigue sans structures. Néanmoins, à l’instar d’un film sensoriel tel que Tree of Life où l’émotion l’emporte sur la forme, MEGALOPOLIS, lui, échoue totalement dans cette exercice de funambule.

CONCLUSION

Entrecoupés de grandes phrases philosophiques pompeuses et d’ellipses temporelles, parfois inconsistantes, le nouveau film de Francis Ford Coppola semble n’être qu’un montage partiel d’un résultat final avorté. En s’attardant toutefois et parfois sur des échanges spirituels sans tension dramatique ou, au contraire, en évinçant quelques détails sur son vaste univers politique, MEGALOPOLIS se transforme en bouillie narrative sans ampleur.

Finalement vu le résultat déjà lourd de ses plus de 2 heures, quelques dizaines de minutes supplémentaires auraient pu s’avérer fatales. Toujours est-il que dans l’état, ce retour du mythique réalisateur demeure une désillusion bien réelle. Ou du moins, la confirmation d’une fin de carrière d’un metteur en scène devenu haasbeen depuis bien longtemps.


Les + :

  • Un projet de Science-fiction ambitieux.

Les – : (la liste est longue, de façon concise)

  • Une ligne d’intrigue belliqueuse broyée par son montage au hachoir.
  • Aucune sensorialité, aucune magie.
  • Un esthétisme incroyablement kitsch et loin d’être grandiose.
  • Des personnages féminins lisse et masculin misogyne et/ou désaxé.
  • Une mise en scène aussi grossière que sa bande son jazzy inconsistante.
  • Une grande fable qui tourne à la farce dans son exubérance mal assuré.
  • L’ultime clou sur le cercueil d’un grand réalisateur d’un autre temps.

MA NOTE : 8/20

Les crédits

RÉALISATION & SCÉNARIO : Francis Ford Coppola

AVEC : Adam Driver, Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, et Jon Voight,

mais aussi : Jason Schwartzman, Talia Shire, Grace Vanderwaal, Kathryn Hunter, avec Laurence Fishburne, et Dustin Hoffman (…)

SORTIE (France) : 25 Septembre 2024 / DURÉE : 2h18

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