DE GRÂCE

EN DEUX MOTS : Sans être foncièrement friand de production française, force est de constater que nombreuses d’entre elles se démarque du lot. Notamment dans le cinéma européen. En matière de polar, la France n’est pas en reste et dans ce même registre Arte dévoile sa grosse nouveauté en début d’année. DE GRÂCE s’inscrit dans une mouvance de polar viscéral. Qui s’inspire aussi bien de son lieu atypique que de ses personnages forts.

Pierre Leprieur est né au Havre, avec du pétrole et du sel dans le sang. Homme de tous les combats, il est devenu par son engagement politique et syndical une figure respectée parmi les dockers. Mais le soir de ses 60 ans, alors que ses proches sont réunis pour son anniversaire, tout s’effondre. Son fils cadet, Simon est arrêté au volant d’une voiture que son frère Jean, concessionnaire, lui a prêtée pour la soirée. Un kilo de cocaïne est retrouvé dans le châssis.

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Aux commandes deux jeunes scénaristes et un réalisateur qui s’est uniquement fait connaître avec son film Les Magnétiques en 2021. Les trois hommes pilotent à eux seuls les 6 épisodes qui composent cette mini série, mais d’une main de fer. Si son sujet demeure riche, son traitement s’avère plus convenu. Mais pas non moins efficace.

De plus, DE GRÂCE se distingue réellement par quelques plans de mise en scène bien sentie. Des plans qui capturent le « charme » (c’est tout à chacun) de la ville portuaire du Havre. Car oui, ville comme sujet sont de nature très personnelle à mes yeux (vivant en centre-ville et travaillant depuis toujours sur le port). Mais au-delà d’un sujet de curiosité, la mini série se maintient elle sur la longueur et se démarque telle de ses aînées ? Oui, car elle se révèle comme une œuvre forte qui ne pâtit pas de longueur. Même si on aurait pu apprécier plus de contenu dans sa finalité.

Dès son introduction, DE GRÂCE nous plonge dans sa problématique et conclut même son pilote par un cliffhanger qui bouscule le déjà vacillant équilibre mis en place. De fait, le montage esquive la présentation de ces protagonistes, ou du moins sommairement, pour dévoiler très vite une spirale mélangeant habilement drame et thriller.

« LA PUISSANCE DU PORT DU HAVRE »

Sa mise en contexte est assez claire, sous la voix off du brillant Olivier Gourmet. Ville, port et Dockers sont au cœur du récit et révèle la triste réalité de l’appâts du gain, ou du combat vain d’un homme (d’apparat) intègre contre un système gangrené.

Malgré sa vision nette d’une image éclaboussée par les trafics en tout genre, DE GRÂCE ne s’enlise pas de profils tout blanc ou tout noir, mais bel et bien nuancée. Dans cet esprit, elle cultive un certain mystère concernant ses personnages. Qu’il s’agisse de leur motivation ou de leur grief personnel. La famille au cœur de l’intrigue s’avère riche et suffisamment complète pour contenir le suspense de l’ensemble du récit. Pierre Lottin épate par exemple dans ce contexte dramatique, malgré son profil de mari et de père borderline déjà-vu.

La série brille avant tout par sa direction d’acteur, très inspiré. En plus de profil de tête complémentaire (Margot Bancilhon ou Panayotis Pascot), le casting secondaire n’est pas laissé pour compte. Si détache le rappeur Gringe, formidable en flic désabusé, ou un Philippe Rebbot magnétique. On pourra apprécier les interprétations de Xavier Beauvois également, en chef du syndicat émérite, ou de la belle Alyzée Costes en épouse bafouée. Dans tous les cas, DE GRÂCE manque de temps d’écran pour la majorité d’entre eux. Et c’est parfois grisant vu la qualité de jeux.

Ainsi, avec 6 petits épisodes, on aurait pu apprécier une intrigue parfois plus approfondie. Notamment autour de son enquête criminelle, pourtant riche de potentiel. La mini-série se dévoile avant tout comme un drame familial intense. Un point qui caractérise ce polar, renforcé par des qualités technique évidentes. On peut saluer le travail du réalisateur, qui capture l’essence de la cité portuaire ou l’immensité des Docks. Tout comme sa bande-son ne manque pas… de grâce.

CONCLUSION

Dans sa finalité, DE GRÂCE manque de certains éléments d’intrigues, mais se renforce par sa vision intrinsèque de la famille. Ainsi, si son dernier épisode se révèle imparfait, son dernier plan conclut brillamment son histoire. Et c’est bien le principal.


Les + :

  • Un sujet frontal et sans temps morts.
  • Une mise en scène et une bande-son pleine de grâce, qui capturent parfaitement la ville du Havre.
  • Une direction d’acteurs très réussie. De ses principaux protagonistes au plus secondaires.
  • Un polar fort et drame familial nuancé.

Les – :

  • Une intrigue riche, mais qui manque trop souvent d’éclaircissements et d’interactions avec ses formidables intervenants.
  • Quelques caractérisations ou rebondissements typiques du genre.
  • Un format fatalement trop court.

MA NOTE : 15/20

Les crédits

CRÉATEUR(S) : Baptiste Fillon & Maxime Crupaux

AVEC : Olivier Gourmet, Panayotis Pascot, Margot Bancilhon, Pierre Lottin, Astrid Whettnall, Eliane Umuhire, Gringe, et Philippe Rebbot,

mais aussi : Alyzée Costes, Samuel Theis, Xavier Beauvois, Nailia Harzoune (…)

ÉPISODES : 6 / Durée (moyenne) : 48mn / DIFFUSION : 2024 / CHAÎNE : Arte

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