
Pour clôturer le cycle sur le réalisateur Kim Jee-woon, retour sur son 3e film, l'horrifique 2 sœurs. (Les deux précédents demeurant introuvables).
Une œuvre qui m'avait moins marquée (à l'époque) que les suivantes, mais qui a tout de même séduit son public, comme le prouve son Grand prix à Gérardmer, en 2004. D'avance, je m'excuse pour les nombreuses répétitions du mot "genre" dans cette critique additionnel.
EN DEUX MOTS : Après deux petits films alliant comédie, drame et horreur, le remarqué Kim Jee-woon délivre sa troisième œuvre. Une nouvelle œuvre de genre, comme le prouve son parti-pris d’épouvante-horreur, mais au fort accent dramatique et familial. Sous un concept de quasi huis-clos et une dynamique fantastique, le réalisateur et scénariste délivre une fable horrifique plutôt cocasse.
La jeune Su-Mi, récemment libérée d’un établissement psychiatrique retourne chez elle avec sa petite sœur, mais elle doit faire face à des événements troublants entre son insupportable belle-mère et les fantômes qui hantent leur maison, tous liés à un sombre passé dans l’histoire de la famille…
Sans réelle tête d’affiche pour appuyer son film, l’auteur mise son aura de séduction sur son quatuor en tête, dont ses deux jeunes actrices, mais surtout sur son récit intemporel. Pour preuve, son histoire se base sur un célèbre conte populaire coréen transmis au fil du temps et adapté de nombreuses fois. Son climax anxiogène et fantomatique contribuant à une certaine réussite, 2 sœurs se révèle grossièrement comme un film de genre plein de charme.
Pourtant, ce (re)visionnage après tant d’années a eu raison de mon scepticisme de l’époque, tant sa lecture regorge de nuances. Son prix au festival de Gérardmer demeure ainsi amplement mérité et cela prouve la virtuosité précoce de son réalisateur. Loin d’être un chef d’œuvre du « genre », le film se distingue toutefois par la force de son récit qui mélange les styles subtilement.

Avec une durée avoisinant les deux heures, le film de Kim Jee-woon prend le temps de dresser son portrait familial. Aussi dysfonctionnel soit-il. De manière intimiste, avec 4 membres en son sein, son récit se plaît à laisser de nombreuses zones d’ombres (compréhensibles) planer tout au long de son déroulement. (et même après). Composés de nombreux mystères, 2 sœurs mélange les genres pour une proposition solide dans sa finalité.
La famille du bonheur
Classé comme une œuvre de genre « hybride », (c’est-à-dire appartenant à cette nouvelle vague de films asiatiques, qui ne peuvent s’associés au genre fantastique ou au film d’horreur) le film navigue bel et bien sur plusieurs tempos de genre. Dont les frontières se brouillent petit à petit. Pour commencer, et une fois ses profils un tant soit peu éclairés, 2 sœurs nous plonge dans une épouvante familière.

La sœur protectrice (Im Soo-jeong) et la cadette plus effacée (Moon Geun-young) font à la fois face à une belle-mère étrange et sadique (Yum Jung-ah), ainsi qu’à un père distant et désabusé (Kim Kap-su). Mais elles font surtout face à d’étranges événements de nature horrifique. À coup de jump-scare et de longue mise sous tension, le film ne révolutionne pas le genre, mais demeure efficace. Et si la mise en scène du réalisateur se révèle aux premiers abords assez sages, celle-ci dispose de quelques belles envolées quand le fantastique vient tutoyer l’ensemble.

Autre point important, la maison familiale, qui devrait normalement être rassurante, est ici un lieu effrayant et menaçant. Ce lieu clos symbolise la condition mentale de son héroïne Su-mi. Et pour preuve, cette vieille bâtisse bourgeoise rayonne souvent sur ses extérieurs.
Quoi qu’il en soit, le réalisateur dresse réellement deux vrais portraits au sein de son récit. Su-mi et sa belle-mère. De leurs dualités à leurs traumas. Dans leurs jeux respectifs, les deux actrices excellent, et porte largement le film dans ses incartades horrifiques, fantastiques comme dramatiques. Jusqu’à sa conclusion qui l’éloigne des standards du « genre ».

Conclusion
Avec 2 sœurs (et également dans ses œuvres suivantes), Kim Jee-woon affectionne tout particulièrement la direction d’acteurs. Comme ici, avec sa distribution en grande partie féminine, trop rarement représenté dans son cinéma. Sa propre expérience de pièces de théâtre explique ainsi la direction émotionnelle de ses films, et celui-ci n’en est pas exempt.
C’est ce qui distingue le film d’autres productions du genre, avec sa direction dramatique très appuyée et qui se révèle plus concrètement au cœur de son twist final. Ainsi, le film laisse volontairement des zones d’ombre et s’achève plutôt de manière inattendue. Une fin qui peut déconcerter, mais une belle redécouverte dans tous les cas.
Les + :
- Un conte intemporel adapté idéalement comme un film de genre entre horreur et drame familial. Mais pas que.
- Une durée conséquente, dans un environnement restreint, mais qui ne révèle que très peu de longueur grâce à une efficacité de style.
- La fine frontière entre ses genres, tous savamment exécutés. De sa mise sous tension pour l’épouvante, son climax fantastique dans son lieu cloisonné, ou ses traumas familiaux parfaitement représentés à l’écran.
- Une mise en scène évolutive et une belle direction d’actrices. Im Soo-jeong (Sun-Mi) et Yum Jung-ah (la belle-mère) largement en tête.
- Une fin qui l’éloigne des standards du genre et convoque encore quelques mystères.
Les – :
- La limite de son cinéma de genre. Aussi hybride soit-il.
- Une distribution secondaire (maigre) écrasée par ses deux principaux profils féminins.
- Malgré leurs efficacités, quelques jumps-scares qui manquent d’originalité et quelques zones d’ombre qui peuvent déconcerter.
MA NOTE : 15/20

Les crédits
RÉALISATION & SCÉNARIO : Kim Jee-woon
AVEC : Im Soo-jeong, Moon Geun-young, Yum Jung-ah, et Kim Kap-su (…)
SORTIE (France) : 16 Juin 2004 / DURÉE : 1h55