EN DEUX MOTS : Après avoir fait sensation au festival de Cannes, THE SUBSTANCE se dévoile enfin, à l’instar de la Palme d’Or, ANORA. Dans un genre bien plus radical, la réalisatrice française Coralie Fargeat peut néanmoins se targuer d’avoir obtenu la Palme du Meilleur Scénario. Pour son second film, cette féministe explore de façon extrême les angoisses que peuvent ressentir les femmes passé un certain stade de leurs vies, avec, en cause une société gangrenée par l’image.
Pour ce faire, la réalisatrice et scénariste à imaginer une histoire sur ses tramas personnels entre expérimentation et divertissement. Une vision grandiloquente et exubérante d’Hollywood additionné à du body-horror extrême. Voici le cocktail de THE SUBSTANCE, thriller dramatique iconoclaste lorsqu’il bascule dans l’horreur la plus viscérale. Une manière radicale de présenter le star-system (après SMILE 2), avec cette fois une icône sur le déclin.
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Toutefois, malgré un scénario à proprement ingénieux et qui navigue sur les genres, THE SUBSTANCE ne dépasse pas telle pas ses propres limites dans son exécution ? En 2h20 bien nourries et deux figures féminines au cœur de ce calvaire, oui complètement. Notamment dans sa dernière partie cauchemardesque, qui compose toute l’horreur enfouie jusqu’alors.
Reine de beauté vs. Reine de fragilité.
En un temps aussi long, la réalisatrice construit sa fable d’horreur avec une certaine méthode. Progressive et définie en trois parties distinctes. Celles-ci multiplient les références et les conjuguent pour un résultat significatif à l’écran. De sa folie psychologique à son environnement vintage qui rappelle Shining, jusqu’à ses corps qui se transforment à La Mouche ou enfin son virage final décuplé à la The Thing. Le film de Coralie Fargeat semble sans limite, si ce n’est dans sa cohérence globale.
Car ici réside le plus gros défaut de THE SUBSTANCE : une démonstration extrême qui finit par affaiblir son sujet passionnant. Dès son commencement, et malgré ses atouts, la mise en scène et le montage de la réalisatrice appuient le malaise, mais ne bouleversent jamais. Et c’est ce qu’il y a de plus décevant finalement, comme si ça détresse dramatique ne pouvait pas coïncider avec son genre du body-horror. La preuve avec une dernière partie qui divisera fatalement dans sa démonstration.
Avant ça, la scénariste mettra bien le doigt (et la main) sur quelques pressions qu’exerce la société sur la femme comme objet idéalisé. Toujours plus belle, plus fraîche, pulpeuse, désirable et sexy. À ce jeu-là, Margaret Qualley (Sue) est absolument craquante et la réalisatrice filme le corps des femmes avec talent. Par opposition, elle offre à Demi Moore la possibilité de déverser toute sa fragilité et sa frustration face à un corps qui change. Une petite réussite, jusqu’à sa limite de bascule psychologique qui survient en cours de route et qui s’avère moins convaincante.
Le corps gore.
L’altération progressive du corps d’Elisabeth (Demi Moore) est un parallèle évident de la réussite personnelle et de l’ambition de Sue. Une énième métaphore très imagée des angoisses que relate son scénario, mais qui flirte régulièrement avec ses limites. Ce sont les mêmes mots qui résonnent dans ma tête après le visionnage du film, qui a tendance à se répéter dans un environnement qui tourne inlassablement en boucle. (La forme et les couleurs de son appartement illustrent ce sentiment à merveille).
L’autre limite physique de THE SUBSTANCE réside dans son absence de son second rôle. À l’exception de Dennis Quaid dans la peau d’une caricature de producteur écœurant. Enfin, le film se conclut par un dernier acte, qui, à mes yeux, additionne toutes les faiblesses du film. D’une mise en scène embarquée trop accentué, un montage qui se focalise uniquement sur certains aspects de sa descente en enfer jusqu’à sa proposition de body-horror qui vire du cauchemar à la bouffonnerie.
Après l’énumération très imagée d’une perte d’équilibre entre les deux enveloppes physiques, THE SUBSTANCE vire définitivement dans la farce grotesque via un festival gore qui vire au rouge. Quitte à perdre le spectateur en route. Dans son domaine artistique, le film navigue pourtant entre le très bon (la preuve avec ses premiers maquillages) et le beaucoup moins bon (ça démonstration finale altérée et boursouflée). Reste ce portrait sans concession d’une star vieillissante. Son plus bel atout, assurément.
Conclusion
Penser et vendu comme un divertissement dingue et outrancier, THE SUBSTANCE rate dans tous les cas le coche via une démonstration trop poussée. Et c’est un fan d’horreur qui le dit. Concrètement, le film échoue avant tout dans sa mise en abîme et se révèle trop long par rapport à son point de vue étriqué. Mais bon, sa palme n’est pas absurde pour autant.
Les + :
- Son sujet fort et féministe aborder avec le genre extrême du body-horror.
- Son duo en tête d’affiche qui ose se mettre à nu. Demi Moore impressionne par sa fragilité et Margaret Qualley épate par sa sensualité sans limite.
- Une première partie bourrée de trouvailles visuel et de référence.
- Une vision extrême est une finalité sans concession.
Les – :
- Une mise en scène trop appuyée et focalisé sur le malaise au détriment de son ambiance clinique.
- Un montage qui occulte à la fois les seconds rôles et se soustrait d’une belle dramaturgie en s’étendant sur l’horreur.
- Une longueur latente et des environnements finalement trop étriqués.
- Sa démonstration de body-horror qui vire à la farce grotesque.
MA NOTE : 12.5/20
Les crédits
RÉALISATION & SCÉNARIO : Coralie Fargeat
AVEC : Demi Moore & Margaret Qualley, et Dennis Quaid (…)
SORTIE (France) : 6 Novembre 2024 / DURÉE : 2h20