
Cela fait déjà deux semaines que la saga post-apocalyptique a pris un nouvel envol. Et que la figure solitaire de Joel, sous les traits de Pedro Pascal, a rendu son dernier souffle. Malgré son succès fracassant (et mérité, soyons honnête) The Last of Us saison 2 divise. Comme l’avait fait le deuxième jeu, il y a 5 ans. Pour ma part, cette plongée vengeresse bouscule et questionne sur les nuances morales qui entourent les individus. Dont les points de vue demeurent en perpétuelles oppositions.
Ainsi, après un parallèle saisissant sur le cercle vicieux de la violence, cette deuxième saison met en scène le deuxième jour de la traque d’Ellie (Bella Ramsey) à Seattle. Entretemps l’antihéroïne a tout de même eu le droit à la genèse d’une magnifique histoire d’amour, même si elle demeure obnubilée par sa quête de vengeance. Quitte à l’aveugler sur le bon sens de la chose ? Ce cinquième épisode va également changer la dynamique de son duo et accueillir des nouveaux participants à cette traque. Avant un final qui s’annonce tragique.

ÉPISODE 5 : Feel Her Love
EN DEUX MOTS : Pour mettre en scène cet épisode, la production choisit (encore) un nouveau réalisateur. Et c’est cette fois l’émérite Stephen Williams (qui a notamment réalisé, pour HBO, des épisodes de Watchmen ou Westworld) qui met en boîte ce chapitre. Un chapitre riche, mais concis, qui prévaut surtout pour l’apparition des « spores ». (Enfin !) Un élément, qui croyait moi, va ravir les fans tant il s’avère fondamental dans sa mythologie.
Malgré son nouvel élément infectieux central qui densifie toujours un peu plus la dangerosité du Cordyceps, ce 5e épisode prend pour titre « Feel Her Love« . Slogan même qu’on entendait de la bouche de Séraphites dans le 3e épisode et qu’on voyait inscrit avec du sang ennemi sur un mur dans le précédent.

Ce dogme vise ainsi à asseoir l’aura de cette Prophétesse disparue, tandis que ce chapitre met en scène la dangerosité de ses apôtres. Qui se sont sérieusement radicalisé entretemps, comme je le soulignais dans ma précédente critique, et comme le démontre une scène de pendaison/éviscération particulièrement sanglante dans celui-ci. Un contexte de guerre sans merci, bien qu’un peu trop vite balayé de la main durant ce chapitre pourtant ample.

Son titre peut même, métaphoriquement, faire référence à plusieurs choses. Les Scars donc, mais aussi l’amour de Dina (Isabela Merced) pour Ellie, « le ressentiment d’un amour » pour la vengeance aveugle, ou bien le faite de « ressentir » ce que diffusent les spores dans l’air. Éléments infectieux qui gangrènent absolument tout autour d’eux. Et c’est justement sur ce dernier point qui cet épisode ouvre et clôture (presque) son récit.
Trop de spores, tu meurs.
Bien que la série dévoile avec parcimonie ses scènes autour de ses différents antagonistes, elle le fait toujours utilement. La preuve aujourd’hui avec cette Cdt Wolf (Alanna Ubach, qu’on retrouve après le flashback du précédent épisode) qui vient au rapport dans l’hôpital central de la ville. Face à elle, la réaction de la responsable des lieux (Hettienne Park) met en perspective le désarroi de ce soldat face à une menace inconnue jusqu’alors. Mais aussi la notion de sacrifice, comme le démontre cette référence à son fils disparu.


Ce faisant, Craig Mazin explique les raisons de l’absence des spores dans la saison précédente. Ce choix rend cette menace d’autant plus dangereuse aujourd’hui, tandis que la série magnifie son effet volatile. Cette scène, marquante dans le jeu comme dans son adaptation, a d’autant plus d’intérêt aujourd’hui puisqu’elle permet de faire circuler sa figure centrale dans un environnement toxique, tandis qu’elle embrasse son désir de vengeance, inarrêtable.


Cette traque s’achève ainsi sur un face-à-face effroyable. Un moment crucial et un point de non-retour fondamental dans le parcours d’Ellie, tandis que le comportement de la jeune femme prouve toute la nuance qui se dégage de ses actes. C’est le point névralgique de cette seconde saison. Le seul point réellement dommageable, aujourd’hui, réside dans son montage condensé, ce qui faisait déjà défaut à sa précédente aventure.
« Feel Her Love » est ainsi le premier épisode de sa saison à duré moins de 50 minutes. 45 précisément, durant lesquels son intrigue va lever le voile sur de nombreuses menaces, mettre en scène un sauvetage, et montrer le visage d’une vengeance dont les motivations demeurent imperturbables. C’est beaucoup, condensé, globalement toujours très fidèle, mais amputé d’un grand climax de suspense, hélas.

Dis non, Dina.
Avant tout ça, ce « Day Two » à Seattle lève ainsi le voile sur une dynamique inédite pour le couple Ellie/Dina. La seconde étant enceinte, mais ne perdant rien de son esprit combatif, son discernement sur la situation, et sa loyauté envers la première. Un couple d’ailleurs plutôt complémentaire dans leurs caractères respectifs et qui corrèle bien l’un avec l’autre, entre humour et tendresse.

Les deux jeunes femmes vont pourtant être confrontées à un choix difficile : poursuivre seule ou ensemble. Ici, Craig Mazin s’absout de la succession de péripéties de l’aventure vidéoludique pour à nouveau placé Dina au centre de cet épisode. Jusqu’à sa dernière partie.


Pour cela, il lui offre un nouveau monologue puissant qui s’inspire du jeu (et qui inclut sa sœur disparue), mais qui fait également l’apologie d’une logique nuancée sur la notion de perte, de choix et des conséquences qui en découlent. C’est toute la richesse d’écriture de son showrunner qui met en perspective le combat moral et permanent de ses héros. Et qui fait mouche ici.
Et malgré toutes ses libertés narratives, la saison 2 de The Last of Us met encore en images quelques lieux iconiques de Part II. Comme ici avec son théâtre magistral, une fois le courant rétabli. La beauté de la scène se trouve toutefois interrompue par une pensée mélancolique qui nous reconnecte avec la quête de vengeance d’Ellie.


Ainsi, la deuxième moitié de son épisode adopte à nouveau une mécanique d’action très efficace. 20 minutes méchamment expéditives à défaut d’être bien présentés. Sa première menace est infectieuse. Après son excellente scène d’épouvante lors de sa reprise, cette deuxième saison réitère la menace des « stalkers » et la multiplie. Une nouvelle démonstration très réussie des différentes caractéristiques d’infectées.
Quand la haine et la défiance boulotte une part de notre humanité…
Avec cela, cette saison corrige toujours un peu plus l’un des défaut de sa première saison. Tout en adaptant sommairement sa scène claustro du jeu où le joueur se retrouve confrontés à ces menaces multiples. A plusieurs différences près naturellement, comme par la présence de Dina dans la scène, puis à celle de Jesse (Young Mazino), comme sauveur de ces dames, et son changement de lieux.


Ce sauvetage in extremis (et un brin facile) nous amène tout aussi rapidement vers le parc, un autre lieu reproduit avec beaucoup d’exactitude, où notre trio fera la connaissance des terribles Scars. Une autre scène culte, adaptée avec fidélité bien que remaniée (la blessure de Dina tombe à pic), qui va permettre à notre héroïne de poursuivre sa route seule.

Ici encore, sa représentation violente souffre d’un montage trop rapide qui diminue son suspense. Et pourtant, avec la découverte en action de cette secte religieuse, il y avait fort à faire. Ce constat peut tout autant s’appliquer à l’infiltration d’Ellie dans l’hôpital, qui présente tout aussi rapidement la caractéristique des Wolfs accompagné de chiens, mais qui s’absout de nous montrer quoi que soit d’autre.

La piste vers les anciens membres des Lucioles mène donc à Nora (Tati Gabrielle). Son interprète talentueuse, c’est également la star du prochain jeu (SF !) de Naugthy Dog et celle-ci incarne une soignante qui semble résignée, mais qui se montre pourtant sans remords face à Ellie.
A propos du meurtre de Joel : « Parfois, la nuit, je l’entends encore crier. C’est horrible de mourir comme ça. Mais ce salaud méritait pas mieux. »
La course-poursuite qui va s’ensuivre mène sans surprises au sous-sol condamné ainsi qu’à son fameux face-à-face. Révélateur sur les nombreuses caractéristiques qui définissent le portrait d’Ellie, cette haine étant parfaitement représenté à l’écran par Bella Ramsey. L’artiste non-binaire excelle dans la représentation de cette fascination pour l’horreur et la mort. Et cela demeure le portrait le plus réussi d’Ellie sur petit écran. Et notamment car elle connait déjà la vérité sur le mensonge de Joel.

Conclusion
La déception est d’autant plus grande lorsque son montage coupe de façon nette sa scène de torture. C’était le cas du jeu, qui nous placer face au visage d’une Ellie pétrit par la haine (tandis que la série le fait en partie de biais), mais dont la gravité transiter par la longueur de la scène. Et sa bande-son grave. Ce faisant, cet épisode ne semble qu’effleurer ce point de non-retour terrible pour une héroïne plus que jamais devenue antihéroïne.

Je tiens néanmoins à préciser, qu'après un revisionnage, j'ai légèrement augmenté ma notation en me basant davantage sur l'exécution et les atouts très efficace de cet épisode. À contrario de son manque de contenu et de climax dans certaines scènes.
Sa plus belle surprise réside dans l’apparition d’une très courte scène enchantée et lumineuse. Scène flashback, qui présente une Ellie qui se réveille chaleureusement sous les paroles (et l’apparition) d’un Joel tout aussi enthousiaste. Un teasing astucieux qui nous mène vers un avant-dernier épisode qui s’annonce très spécial et rempli d’émotions.

« Tu es prête gamine ? »

Il s’agit aussi, et surtout, d’une image en miroir d’une vie enchantée et chaleureuse perdue qui a laissé la place à celle d’une Ellie qui laisse cours à ses plus sombres desseins. Et plus généralement encore d’une transition bien pensée entre l’horreur et l’amour, avant la fin (partielle) du voyage d’Ellie à Seattle.
Les + :
- Un épisode riche et rempli de menaces. (comme le retour très réussi des « stalkers » ou la démonstration sanglante des Séraphites).
- Les spores. Menace infectieuse indispensable dans sa mythologie, introduit idéalement aujourd’hui. (Et dont le rendu s’avère exemplaire).
- La dynamique du duo Ellie/Dina, toujours très naturelle, notamment dans leurs complémentarités.
- Le profil de Dina, encore parfaitement remanié, interprété et approfondie.
- La représentation idéale d’une Ellie fascinée par la sombre de l’être humain. Et qui rend davantage grâce au jeu de Bella Ramsey.
- Son épilogue lumineux, qui tranche avec l’horreur de la scène en cours et nous amène intelligemment sur une transition spéciale.
Les – :
- Son montage bien trop concis et qui amène sur plusieurs (plus ou moins grandes) déceptions :
- Le sauvetage de Jesse, qui arrive comme un cheveu sur la soupe.
- La scène dans le parc avec les Scars, qui manque cruellement de suspense malgré son contexte.
- L’infiltration dans l’hôpital et la confrontation de Nora, trop brève comme le démontre la fureur d’Ellie.
MA NOTE :

RÉALISATION : Stephen Williams / SCÉNARIO : Craig Mazin
SORTIE (France) : 12 Mai 2025 / DURÉE : 45mn