THE HOST

Dans le cadre d'une rétrospective sur la riche filmographie du réalisateur Bong Joon-ho, retour sur son 3e long-métrage : THE HOST (2006). 

EN DEUX MOTS : Après avoir révolutionné le polar avec son Memories of Murder, le dorénavant très prometteur Bong Joon-ho revisite et bouscule le genre fantastique. Et plus particulièrement le film de monstre. Avec THE HOST, le metteur en scène signe un 3e film aussi ambitieux que savamment réalisé. Un engouement qui lui vaut même une présentation dans la Quinzaine des réalisateurs lors du festival de Cannes.

A Séoul, Gang-du tient un petit snack au bord de la rivière où il vit avec sa famille, dont sa fille adorée Hyun-seo. Un jour, un monstre géant surgit des profondeurs de la rivière et attaque la foule. Gang-du tente de s’enfuir avec sa fille, mais elle est enlevée brusquement par le monstre, qui disparaît au fond de la rivière. La famille Park décide alors de partir à la recherche de la créature, pour retrouver Hyun-seo…

Avec son point de départ haletant, l’idée est de confronter le quotidien sans surprises au chaos soudain. Une fois encore, dans son cinéma, le noyau familial et dramatique sera au cœur de cette dynamique. Mais pas uniquement. Sur chacun de ses films, le réalisateur/scénariste étudie une forme de satire particulière. Si celle-ci ne semble pas aussi percutante (aux premiers abords) que dans ses autres réalisations, The Host met (encore) en scène l’inefficacité des autorités a gérer une crise qui les dépasse. Mais aussi les conséquences de la désinformation.

Une fois n’est pas coutume, tragédie et comédie résonnent sur un équilibre assez mince, comme le prouve le comportement de ses personnages. Principaux comme de façade. Dans tous les cas, son 3e film ne laisse pas indifférent et son succès le prouve. Même avec un budget de 12 millions. (d’euros, à l’époque).

Dès lors, The Host s’inscrit comme un petit classique issu de la nouvelle vague du cinéma coréen. De par sa gestion d’un genre éculé, mais souvent stéréotypé, et par sa maîtrise rare du suspense qui tranche avec son côté burlesque. À l’image de sa créature amphibie hybride qui vient chambouler la vie des habitants de Séoul, le cinéma coréen mute vers une forme d’excellence dont seuls ses membres ont le secret. La preuve, qu’avec si peu, on peut faire beaucoup. Un petit coup de cœur au souvenir assez vif, malgré les années.

Comme un long fleuve paisible.

Dès son introduction, The Host démontre une cause à effet dû à la cupidité humaine. Et qui plus est, sous la présence militaire américaine encore présente en Corée. S’ensuit l’évolution invisible du Parasite (un thème qui aura son importance dans la filmographie du réalisateur). En seulement une poignée de quelques scènes, le réalisateur parvient à créer une mythologie et un suspense rare avant sa première partie qui confrontera le quotidien à l’imaginaire inimaginable.

Pourtant, très vite, le réalisateur va dévoiler sa créature. En plein jour. Dans une scène de chaos ambiant d’une maîtrise rare, le réalisateur place d’abord son regard du côté d’un père de famille bousculé par la situation (Song Kang-ho). En mettant en scène un personnage pathétique et empoté, il apporte une dimension d’autant plus surréaliste à l’action.

Entre la gestuelle et le comportement imprévisible du monstre, mélangé à une attaque puis à une fuite désespéré, le résultat s’avère détonnant. Notamment dans son point d’orgue, lorsque Gang-du perd la main de sa fille (Ko A-sung). Parallèlement, en post-production, la réalisation de la créature et ses effets spéciaux hollywoodiens se révèlent très efficaces. Et ce, même après autant d’années et des techniques d’autant plus peaufinés depuis.

Bong Joon-ho a confié la réalisation des effets spéciaux à la société The Orphanage. Créée par des anciens membres d'Industrial Light and Magic (ILM), cette société a déjà eu l'occasion de se faire remarquer en travaillant sur des succès comme Sin CityHellboyHarry Potter et la coupe de feu ou encore Superman Returns. Par ailleurs, pour donner vie à la créature, les techniciens se sont basés sur une maquette réalisée par la société néo-zélandaise Weta Workshop à qui l'on doit notamment les effets spéciaux de la trilogie du Seigneur des anneaux et de King Kong.

Source : AlloCiné

Seule réelle ombre au tableau, à aucun moment ensuite le film n’atteindra de nouveau ce niveau de qualité. L’aventure qui s’ensuivra va pourtant regorger de productivité en tous genres. D’autant qu’elle fera évoluer son noyau familial dans un parcours semé d’embûches.

Tout aussi rapidement, The Host embrasse son contexte satirique dans une gestion de crise qui prête à sourire. Un deuil familial se transforme en gesticulation pathétique, tandis qu’une désinformation successive entraîne des mesures sanitaires désorganisées. Ce côté loufoque, Bong Joon-ho le met largement en avant, jusqu’eux dans la fuite de la famille Park, pour mieux nous happer dans sa tragédie à venir.

Comme un long fleuve hostile.

Pour preuve, la suite du film regorgera de moments sombres et poisseux, à l’image de ses égouts ou de sa pluie battante. Et ce, dans un décor déserté et d’origine joviale, aux abords du fleuve Han. Un lieu paisible transformé en environnement dangereux. La première moitié du film s’achève en ce sens par une scène d’héroïsme qui se soldera par la douloureuse mort du grand-père sympathique (Byun Hee-bong, pour sa deuxième collaboration avec le réalisateur).

La division du noyau familial est ici idéal pour nous mener sur une forme de cynisme d’autant plus élaboré. Comme vont le prouver les expériences effectuées sur ce père désabusé ou le déploiement, par les Américains, d’un agent chimique sur la créature. Cet aveuglément des autorités sur la situation concordera ainsi avec la survie difficile de la jeune Hyun-seo dans l’antre de la bête. Et surtout son dénouement funeste, sa famille étant dans l’incapacité de la rejoindre à temps.

Outre le talent de la jeune actrice (dans son premier rôle et qui retrouvera la tête d’affiche 7 plus tard, dans Snowpiercer), c’est l’exécution d’une nouvelle scène toute en intensité qui marquera la rétine. Dans une tentative de fuite à couper le souffle. The Host brille ainsi par sa maîtrise de la tension et de la mise en scène, mais aussi par sa perception humanitaire de la situation.

Cela nous mènera jusqu’à une dernière grande scène d’action toujours très bien exécutée. En unifiant les derniers membres Park (de Nam-il (Park Hae-il) et son lancée pyromane, l’archère Nam-joo (Bae Doo-na) dans un tir sans flancher, jusqu’à Gang-du dans un empalage en bonne et due forme), la dynamique d’action familiale fonctionne idéalement. Mais amèrement tout même, avec la mort de Hyun-seo. Et ce, malgré la vision amusante des partisans pour la libération de Gang-du avant l’affrontement.

Conclusion

En s’achevant par un épilogue hivernal ou calme paisible est bercé d’une inquiétude de menace tapie dans l’ombre, The Host conjugue parfaitement ce ton entre normalité comique et gravité soudaine. De plus, en fond, résonne ce portrait médiatique et gouvernementale d’après-fiasco empreint de réalisme. Ou chacun se décharge de ses responsabilités publiques. Le point d’ancrage de son récit où navigue le genre du film de monstre sous un nouveau jour.

The Host dispose ainsi, avec une certaine virtuosité, des meilleurs atouts tragi-comique de son metteur en scène. Des atouts qu’il délivre avec une technique qui n’a rien à envier au cinéma américain, mais qui se démarque par sa touche, farouchement burlesque, typique du cinéma coréen. Et avec deux succès consécutifs, Bong Joon-ho parvient à redéfinir les genres avec brio.


Les + :

  • Un postulat de film de monstre excitant et politique, qui survient en plein milieu du quotidien des habitants de Séoul et transforme son environnement paisible en hostile.
  • L’inefficacité des autorités a géré une crise. Et une satire d’autant plus percutante sur les conséquences de la désinformation.
  • Une maîtrise rare du suspense.
  • Une première scène d’action et de chaos aussi percutante que bien réaliser. Un tour de force pour le genre.
  • En son centre, une créature amphibie et hybride aussi bien réalisée numériquement que convaincante dans sa gestuelle.
  • Des scènes d’action et de suspense au tempo et à la réalisation bien troussé. Mention toute particulière à la tentative de fuite dans l’antre de la bête.
  • En son centre, une famille un peu pathétique mais aussi attachante que bien caractérisé. Avec un Song Kang-ho toujours à son meilleur.
  • Un ton tragi-comique typique du cinéma coréen, mais qui s’accorde parfaitement au genre surréaliste.

Les – :

  • Un enchevêtrement burlesque qui réduit l’émotion.
  • Après son tour de force au début de film, The Host ne parvient plus à égaler cette maîtrise bonne sous tout rapport.
  • Quelques baisses de rythme malgré l’exploitation idéal de son sujet.

MA NOTE : 16.5/20

Les crédits

RÉALISATEUR : Bong Joon-ho / SCÉNARIO : Bong Joon-ho & Won-jun Ha

AVEC : Song Kang-ho.., Byun Hee-bong.., Park Hae-il, Bae Doo-na, Ko A-sung (…)

SORTIE (France) : 22 Novembre 2006 / DURÉE : 2h

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