EN DEUX MOTS : à l’occasion de la sortie prochaine de – The Penguin – à la rentrée 2024, retour sur la dernière aventure en date du célèbre chevalier noir : Batman. Sobrement intitulé THE BATMAN, le film de 2022, qui s’offre également une ressortie en salle au moment où j’écris ses lignes, s’impose comme une relecture profonde du super-héros de l’écurie DC Comics. De plus, celui-ci s’extirpe du dernier univers connus – le DCEU, définitivement mort – pour une proposition plus réaliste et sombre. Ce qui écarte, par la même occasion, Ben Affleck de devant et de derrière la caméra.
Après donc quelques années de production et une refonte totale, Warner dévoile son nouveau projet avec à sa tête l’éminent Matt Reeves. Le réalisateur, à un tournant majeur de sa carrière (après ses succès sur La Planète des Singes), embrasse le projet et s’y investit pleinement puisqu’il réalise également le script (au côté de Peter Craig (The Town ou Hunger Games, La révolte partie 1 et 2)) pour une vision très net (et sombre) de l’univers Batman et de Gotham City.
Deux années à arpenter les rues en tant que Batman et à insuffler la peur chez les criminels ont mené Bruce Wayne au coeur des ténèbres de Gotham City. Avec seulement quelques alliés de confiance – Alfred Pennyworth, le lieutenant James Gordon – parmi le réseau corrompu de fonctionnaires et de personnalités de la ville, le justicier solitaire s’est imposé comme la seule incarnation de la vengeance parmi ses concitoyens. Lorsqu’un tueur s’en prend à l’élite de Gotham par une série de machinations sadiques, une piste d’indices cryptiques envoie le plus grand détective du monde sur une enquête dans la pègre, où il rencontre des personnages tels que Selina Kyle, alias Catwoman, Oswald Cobblepot, alias le Pingouin, Carmine Falcone et Edward Nashton, alias l’Homme-Mystère. Alors que les preuves s’accumulent et que l’ampleur des plans du coupable devient clair, Batman doit forger de nouvelles relations, démasquer le coupable et rétablir un semblant de justice au milieu de l’abus de pouvoir et de corruption sévissant à Gotham City depuis longtemps.
Allociné
THE BATMAN est à la fois un film d’enquête policier, un thriller psychologique et un pur film d’action. De l’aveu même du réalisateur. Ce doux mélange, c’est son angle d’attaque. Le metteur en scène s’inspire des toutes premières histoires de Bob Kane et Bill Finger dans lesquelles Batman élucidait des affaires criminelles. Ce qui permettait au passage de dépeindre Gotham City comme une ville profondément corrompue. (selon les sources d’Allociné, *voir la citation dans un prochain paragraphe).
Malgré toutes ses bonnes volontés, cela suffit il à en faire un opus qui parvient à se démarquer des précédents ? Surtout après la qualité écrasante de la trilogie (pas si vieille) de Christopher Nolan ? (déjà soustraite d’éléments purement fantastiques). Eh bien, contre toute attente, oui. Allégrement.
Bruce Pattinson aka Robert Wayne : Héros hanté par son passé.
Matt Reeves renoue avec une certaine essence qui caractérise le chevalier noir. Il s’agit de la plus simple désignation et illustration du personnage phare : sa noirceur. Mélancolique, reclus, inhospitalier, cette vision d’un jeune Bruce Wayne à aujourd’hui des inspirations grunge de Kurt Cobain. Le magnifique titre « Something In The Way » du groupe Nirvana rythme même le début du film, tout comme la voix graveleuse de Robert Pattinson, qui interprète le septième Batman au cinéma.
Aux premiers abords, tout me déplaisait dans le choix du Britannique pour incarner mon super-héros favori. Pourtant, après son iconisation dans la saga Twilight, le trentenaire avait su prouver l’étendu de son talent par ses divers choix de projet au cinéma. Et c’est justement après 10 ans et autant de rôles (ou seconds rôles) sous des caméras expertes que celui-ci s’illustre parfaitement dans la peau du justicier tourmenté. Et outre sa coupe (grunge) paillasson, l’acteur est brillant dans son rôle.
Sous son costume so dark, sur ses bolides réaliste et graveleux, ou dans sa tour du centre-ville, Robert Pattinson / Bruce Wayne arpente Gotham telle la chauve-souris inquiétante qu’elle peut représenter. Celle de la peur, tapie dans l’ombre. La vengeance contre la corruption. La violence contre la violence…
Gotham City, mégalopole inhospitalière.
Avec 2h56 au compteur, pour un budget estimé à 100 millions de dollars (ce qui se révèle assez faible, comparé aux précédents films qui sont allés jusqu’à 250 millions), THE BATMAN demeure bluffant. Esthétiquement d’abord. Dans sa démonstration de style marquante (la plus représentative jusqu’à présent) et son atmosphère d’un noir abyssal.
À l’instar de son sombre héros, Gotham City représente un personnage à part entière (et central) du récit. Un mélange de prise de vues entre Londres et Manhattan, pour un résultat inédit et grandiose à l’écran. La mégalopole fictive a toutefois toujours été cruciale dans les aventures du justicier masqué, sauf que cette fois, le metteur en scène insiste sur sa corruption (politique), via quelques riches profils criminels. Avec quelques variantes, comme le prouve celui de l’homme mystère.
*« Du coup, j’ai souhaité que le personnage qu’il affronte soit une réinterprétation de The Riddler sous les traits d’un tueur en série qui s’en prend aux soi-disant piliers de la société. Après avoir commis ses meurtres, grâce aux messages codés qu’il laisse délibérément sur les scènes de crime et qui s’adressent à Batman, The Riddler révèle la vérité sur ses victimes. »
« À travers ses agissements, je me disais que la mission de Batman, consistant à élucider les crimes, pouvait aussi lui permettre de mieux comprendre l’histoire de la corruption qui sévit à Gotham City. Et comme les messages s’adressent à lui, le comportement du meurtrier prend une dimension personnelle et le touche au plus profond de lui. Notre Batman ne contrôle pas totalement la situation. »
Matt Reeves
Dans une réinvention complète du « Riddler », Matt Reeves met en scène un sociopathe inquiétant et un adversaire de taille pour Batman. Une représentation directe du mal qui gangrène la ville. Les premières minutes, audacieuses et anxiogènes pour ce genre de production, reflètent tout de suite le personnage. Paul Dano est aussi magistral qu’impliqué dans son rôle. (ce qui s’avère peu étonnant après sa prestation habitée dans le génialissime Prisoners).
Si l’enquête qui découle des meurtres manque d’épaisseur ou de profondeur sensoriel, elle est fatalement bienvenu dans un genre balisé tel que celui des super-héros. De plus, son efficacité est tout aussi relative puisqu’il s’agit de la meilleure représentation graphique du film. Gadgets, décors, costumes et bien évidemment protagonistes de l’histoire.
Une histoire rythmée par une composition musicale grave et grandiose signée Michael Giacchino. Pour sa B.O. de presque deux heures (composé parallèlement à l’aveugle), l’Américain allie : thème épique, morceaux à suspense ou charmant comme le prouve le thème « Catwoman ».
Intrigue technique & caractères hypnotiques.
L’occasion de se pencher sur les autres personnages iconiques qui composent THE BATMAN, à l’instar de la féline Selina Kyle. Sous les traits de Zoë Kravitz, sa beauté naturelle enivrante se conjugue aujourd’hui idéalement à cette vision réaliste, un brin vulgaire et indépendante du personnage. Notamment dans le milieu criminel qu’elle tutoie. Ce qui s’accorde à merveille au charme qui caractérise l’actrice touche-à-tout, mais aussi dans son flirt tendancieux face au justicier.
Pour leur donner la réplique, tout en représentant très simplement (et de façon imagée) le milieu criminel de Gotham, le célèbre personnage du Pingouin se dévoile via la prestation surprenante de Colin Farrell. Le tout aussi célèbre interprète est tout bonnement méconnaissable dans son rôle de caïd secondaire. Empreint à la vulgarité et à l’ambition, affublé de tics de langage, de cicatrices ou de différents postiches, son portrait est autant un archétype que véritablement croustillant. Une vision géniale de l’antagoniste qui a donc droit à son spin-off dans une série dédié.
Moins marquant, mais non moins crucial, l’inspecteur Gordon se dévoile sous les traits du sympathique Jeffrey Wright. Ou le fidèle Alfred sous ceux, plus marqués, du Britannique Andy Serkis. Une belle surprise pour ma part, malgré le peu de scène qui lui est alloués, comme le prouve l’une d’elles, très poignante, face à Pattinson.
Pour sa partie action, l’intrigue brille notamment dans son utilisation de la fameuse Batmobile. Une énième réinvention de l’univers Batman à la conception dingue (deux ans de travail) pour un rendu réaliste et intense. Celle-ci s’illustre à merveille à l’écran, comme le prouve une course-poursuite effrénée à la pyrotechnie impressionnante. Ses chorégraphies d’action sont, quant à elles, moins frappantes, mais très bien exécutées. Et rappellent aisément les formidables jeux de Rocksteady.
CONCLUSION
THE BATMAN est ainsi éminemment meilleur qu’il n’aurait pu l’être. Un miracle pour un projet qui n’avait pas forcément lieu d’être, après des années de surexploitation du super-héros. Malgré tout, le film brille par son atmosphère dantesque, sa narration surprenante, une action idéale, qui rythme parfaitement sa durée record, et sa vision de Gotham et de ses protagonistes réalistes réussie. Encore une fois, au vu de son budget peu extravagant, c’est un miracle.
Après presque 3 heures de pure cinéma de genre, à la fois sombre et épique, une belle lueur conclut le film et annonce un avenir radieux pour la suite de Matt Reeves. Une suite pour l’instant prévue pour 2026 et qu’il me tarde de découvrir.
Les + :
- Une nouvelle proposition réaliste du célèbre univers du Chevalier Noir. Matt Reeves, réalisateur et scénariste, s’oriente en plus vers un récit en partie policier qui rappelle les premiers comic’s.
- Graphiquement superbe, aussi sombre que la corruption qui gangrène Gotham City, le film dévoile le rendu le plus fascinant de la mégalopole. Jusqu’à présent. À son image, le portrait de tueur en série de l’homme mystère est passionnant et inquiétant à souhait.
- Dans la même lignée, les réinterprétations des plus célèbres personnages de son univers, Catwoman, Le Pingouin, l’inspecteur Gordon ou le majordome Alfred sont excellents. Esthétiquement comme dans leurs interprétations distinctes.
- Tous gravitent autour d’une énième représentation du justicier sous la performance très assuré et surprenante de Robert Pattinson. À l’instar de son univers tourmenté, son inspiration grunge fait des merveilles à l’écran.
- Pour compléter idéalement son atmosphère sombre et épique, la composition musicale longue et lancinante de Michael Giacchino s’avère superbe.
- Sans réelles longueurs, le film allie trois genres pour rythmer son aventure. Son enquête policière pour sa structure, le thriller psychologique pour son atmosphère et l’action pour dynamiser l’ensemble.
- Cette dernière partie jouit d’un certain savoir-faire dans ses chorégraphies de combats (qui rappelle les derniers jeux-vidéos Batman), mais surtout de la démonstration de bolides rauques et puissants, notamment lors d’une superbe course-poursuite à la pyrotechnie impressionnante.
Les – :
- Le projet survient peut-être trop tôt dans l’inconscient collectif. D’un sens, ce n’est pas vraiment sa faute, et puis ça ne diminue pas ses qualités.
- Si son enquête policière est une aubaine pour son genre, et qu’elle renoue avec ses premières aventures sur papier, celle-ci manque parfois d’une vraie profondeur.
- Cela concorde fatalement avec un projet qui demeure (légèrement) muselé sur sa représentation de la violence. Même si THE BATMAN rend très bien hommage au célèbre personnage.
MA NOTE : 17/20
Les crédits
RÉALISATION : Matt Reeves / SCÉNARIO : Matt Reeves & Peter Craig
AVEC : Robert Pattinson…, Zoë Kravitz, Paul Dano, Jeffrey Wright, Colin Farrell, John Turturro, et Andy Serkis,
mais aussi : Peter Sarsgaard, Jayme Lawson, Rupert Penry-Jones, Con O’Neill, Alex Ferns, et Barry Keoghan (…)
SORTIE (France) : 02 mars 2022 / DURÉE : 2h56