
EN DEUX MOTS : Remake US d’un grand classique français – Le Bureau des Légendes – cette nouvelle production d’espionnage chapeauté par Showtime, distribué par Paramount+ et enfin Canal+ chez nous (comme son prédécesseur) est visionnable en France (enfin) quelques mois après sa sortie. THE AGENCY, c’est un cadeau de Noël pendant l’été qui reprend la plupart des intrigues d’une première saison sortie il y a maintenant 10 ans.
Achevé depuis 5, son créateur et scénariste Éric Rochant a finalement laissé la place à deux scénaristes expérimentés : John-Henry & Jez Butterworth. (le second venant de co-écrire la première saison de MobLand). Deux Britanniques qui placent l’action de ce remake américain à Londres. En grande partie.
Martian, un agent de la CIA, de retour à la base de Londres, peine à laisser sa dernière couverture derrière lui. Quand la femme qu’il a aimé refait surface, la romance renaît. Une relation contre les règles, qui met sa carrière et sa véritable identité en danger. Partagé entre le cœur et la raison, il se retrouve propulsé dans un jeu dangereux, sur fond d’intrigues internationales et d’espionnage.
Le Malotru de Matthieu Kassovitz laisse ainsi la place à l’insondable Martian sous les traits d’un Michael Fassbender très à l’aise dans son rôle d’espion. En effet, après avoir été le « Killer » de Fincher ou un autre espion dans The Insider de Soderbergh, l’acteur de 48 ans déploie toute l’ambiguïté de son jeu millimétré pour dévoiler avec réalisme le retour difficile de cet espion dans la vie « réelle ».
Une dynamique passionnante et intense ou l’acteur donnera notamment la réplique à la très sexy Jodie Turner-Smith, le mesuré Jeffrey Wright ou encore Richard Gere. (de retour à l’écran après quelques années d’absence). À n’en pas douter, The Agency re-décortique le monde des espions avec pragmatisme et élégance. Mais, de but en blanc, ce remake sophistiqué et plus musclé s’éloigne du réalisme de la série française pour un résultat plus clinique et moins marquant. Demeure un exercice de style maîtrisé déjà renouvelé pour une seconde aventure.

De la DGSE à la CIA, en terre anglaise. Cherchez l'(es) erreur(s).
Dans un environnement géopolitique en perpétuelle évolution, même si certaines rancœurs ont la vie dure, The Agency se réapproprie les conflits actuels pour en faire sa nouvelle toile de fond. En l’occurrence la guerre en Ukraine. Et donc plus largement les États-Unis vs la Russie. Une nouvelle guerre froide qui colle parfaitement à l’esthétisme austère de cette série américaine so british. Comme le démontre la mise en scène de Joe Wright qui réalise les deux premiers épisodes.
Le Britannique donne le la et dépeint un large univers faussement glamour et assurément glacial ou les faux-semblants et les fausses identités sont monnaie courante. Rien de neuf sous le sapin, sauf que la distribution (assez large) s’en donne à cœur joie et interprète une volée de caméléon aux accents antipathique. Et donc pour le moins, réaliste. Avec moins d’humour que son prédécesseur (qui jouissait d’un naturel et d’un minimalisme so french) « Central Intelligence » s’avère aussi sombre et ambigu que les individus qui la composent.

Martian en est assurément le meilleur et le plus bel exemple dans son profil d’agent coincé entre deux identités et une liaison dangereuse. Notamment après 6 ans d’infiltration. Cela ne l’empêche pas de livrer quelques tirades cinglantes et caustiques toutefois. Et comme le sexe, qui fait partie intégrante de ce monde sans vergogne, le show dynamisme également sa partie Action. D’abord, afin de rendre le cadre plus attractif, mais aussi pour combler ces quelques lacunes de rythme.
Pourtant, son univers d’espionnage se suffit à lui-même. Il démontre sa richesse via ses profils troublés, aux psychés borderline, et aux actions ou aux comportements parfois contradictoires. Sauf que sur la longueur, The Agency souffre bel et bien de quelques errances, aussi légères soient-elles.
Ombres et Légendes.
Quoi qu’il en soit, The Agency jouit d’une distribution très alléchante, comme j’ai pu le citer en introduction. Jeffrey Wright en impose en leader intermédiaire prix entre deux feux, tandis que Richard Gere est aussi intransigeant que son rôle ne lui impose.
Un chef de cabinet américain, en Angleterre, constamment sur la sellette dans une Europe qui demeure un concept bancal aux yeux de Washington. Ou, en soit, une agence au positionnement qui a le cul entre deux chaises pour un point de vue pragmatique et sarcastique. C’est précisément ce qui fait le sel de la série d’espionnage.


Le casting féminin n’est toutefois pas en reste comme le démontrent quelques profils assez variés. On peut notamment citer Katherine Waterston en référente soucieuse ou Harriet Sansom Harris en psychanalyste qui l’est tout autant. Des profils plus statiques, bureaucratiques, mais qui brillent par quelques lignes de dialogues idéales. Mais aussi des desseins qui peuvent s’avérer insondables.


La jeune Saura Lightfoot-Leon se démarque quant à elle en jeune espionne plongée dans le grand bain. Même si son intrigue, qui la mènera en Iran, n’a pas la justesse de celle d’origine, avec la Française Sara Giraudeau.
Enfin, la magnifique Jodie Turner-Smith se dévoile dans un rôle charnel plus complexe qu’il n’y paraît face à notre tête d’affiche. Un atout de choix pour une intrigue qui fonctionne sur plusieurs lignes, plusieurs problématiques, sur un fil tendu.


Il s’agit d’ailleurs et très certainement du fil rouge de cette première saison qui en profite pour décortiquer la ligne morale et psychologique qu’exige ce métier de l’ombre. Et ainsi des sacrifices qui en découlent. (chose que la série explore également avec la situation familiale de son héros). Et à ce jeu, The Agency est d’une efficacité redoutable, bien aidé par sa mise en scène et son exécution élégante.
Conclusion
Dans sa finalité, ce remake anglo-saxon parvient tout de même à tirer son épingle du jeu. Et ce, malgré une comparaison accablante avec son aînée. Chose qu’elle doit à l’écriture fine de son duo, un dynamisme d’espionnage qui fait toujours sens, et surtout une distribution inspirée. À l’instar de sa star française d’origine, Michael Fassbender possède le magnétisme indispensable à la réussite de la caractérisation de son héros tourmenté. Une belle surprise dans tous les cas, dont il me tarde de découvrir les prochaines aventures d’espionnages géopolitiques.

Les + :
- Malgré son exercice de remake périlleux, la série décortique un monde d’espionnage bien à elle, loin de notre DGSE national. Même si…*
- Une enveloppe pleine de charme, élégante, sophistiqué et qui déborde du charme (austère) britannique.
- Michael Fassbender, méchamment à l’aise dans son rôle d’espion prisonnier dans sa légende.
- Face à lui, une distribution très solide. Notamment marqué par les prestations de Jeffrey Wright, Katherine Waterston ou Harriet Sansom Harris.
- L’ambiguïté qui entoure nos personnages et la visibilité sur les conséquences qu’impliquent leurs vies d’espions.
- Une écriture aussi large et fluide que ses problématiques géopolitiques incessantes.
Les – :
- Pour ceux qui connaissent Le Bureau des Légendes, la comparaison s’impose. Notamment quand ce remake ne possède pas l’aura atypique de la précédente production française.
- Malgré un dynamisme remanié, plus musclé, et des épisodes rarement long, le show subit de légères longueurs.
- Une enveloppe au polissage peut être un peu trop prononcée et qui manque d’une identité propre*.
MA NOTE : 15/20

Les crédits
CRÉATEURS : Jez Butterworth & John-Henry Butterworth
AVEC : Michael Fassbender, Jeffrey Wright, Jodie Turner-Smith, Katherine Waterston, Harriet Sansom Harris, John Magaro,
Saura Lightfoot Leon, Andrew Brooke, India Fowler, Reza Brojerdi, Alex Reznik, et Richard Gere,
mais aussi : Kurt Egyiawan, Bilal Hasna, Adam Nagaitis, Tom Vaughan-Lawlor, Sabrina Wu, David Harewood, avec Hugh Bonneville, et Dominic West (…)
ÉPISODES : 10 / Durée moyenne : 50mn / DIFFUSION : 2024-25 / CHAÎNES : Showtime / Paramout+ / Canal+