SYMPATHY FOR MR. VENGEANCE

Dans le cadre de la rétrospective Park Chan-wook, et pour donner de la cohérence à l'ensemble de "la trilogie de la vengeance", retour additionnel sur le premier volet de cette trilogie : Sympathy for Mr. Vengeance (2002). 
Que j'ai complétement (re)découvert pour l'occasion.

EN DEUX MOTS : Tout juste 2 ans après son superbe Joint Security Area, le réalisateur coréen Park Chan-wook accouche de son nouveau film. Une œuvre plus radicale, violente et pessimiste qui ouvre ainsi le bal de son triptyque sur le thème de la vengeance. Si le film semble précipité après la sortie de JSA (qui était un film de commande), le réalisateur et scénariste nourrissait depuis des années ce projet. 5 ans précisément. Un projet conséquent donc, et écrit à plusieurs mains.

Ryu est un ouvrier sourd et muet, dont la soeur est en attente d’une opération chirurgicale. Son patron, Dongjin, est divorcé et père d’une petite fille. Young-Mi, la fiancée de Ryu, est une activiste gauchiste.

Lorsque Ryu perd son emploi et voit diminuer les chances d’opération de sa soeur, elle lui propose de kidnapper la fille de Dongjin. La rançon obtenue servirait à pouvoir soigner la soeur de Ryu. Mais le plan parfait tourne à la catastrophe…

En partant d’un nouveau postulat accrocheur, Sympathy for Mr. Vengeance embrasse pleinement le genre du thriller pour une descente aux enfers radicale. En offrant le rôle de ses deux leads masculins à ses acteurs qui interprétait les deux officiers nord-coréens (Song Kang-ho / Shin Ha-kyun) dans JSA, Park Chan-wook redirigent les deux hommes vers des frontières de genre plus extrême et démonstratif. Notamment, lorsque le premier est un père vengeur et le second un attachant sourd et muet.

Pour autant, ce projet à la vision bien personnelle se révèle bien imparfait dans son exécution finale. Park Chan-wook tente pourtant du livrer un réalisme qu’il qualifie de total et où ces personnages réagiraient de manière naturelle. Avec peur, maladresse et parfois incohérence. Dans ce sens, Sympathy for Mr. Vengeance dispose bel et bien d’une vision dramatique à la limite de la comédie grotesque. Un aspect qui atteint rapidement ses limites cependant.

Ainsi, avec le premier film de cette trilogie, le metteur en scène touche du doigt une forme de chaos humain immuable et passionnant. Mais avec de nombreuses failles de style. À la fois brutale et pathétique, lumineux et sombre, tragique et burlesque, le thriller est un exercice de style irréversible. Mais fortement perfectible. Et bizarrement, de mon expérience passée, plutôt oubliable.

Le sombre, mais lumineux, écho d’un kidnapping sympathique.

En 2 heures de temps, le réalisateur, (probablement aider par son succès précédent) entend proposer sa vision acérée sur la réalité du kidnapping. Aussi bien fondé semble les raisons de celui-ci. Cette vision corrèle avec celle de la violence et du meurtre, livrée de manière intense. Cependant, via son montage lancinant et un rythme qu’il est tout autant, Sympathy for Mr. Vengeance échoue dans cette nuance de tempo.

Pour preuve, sa première demi-heure exclut totalement le personnage de Park, ce père transformé en vigilante, pour mieux nous attendrir sur les motivations de l’attachant Ryu. Tout aussi sympathique ouvrier désabusé, victime de son dévouement total pour sa sœur malade.

Avec notamment la vision nette et sanguinolente d’un employé bafoué qui se lacère l’abdomen (en pleine rue) devant son ancien employeur (Park, donc, qui se croit être un homme honnête), sa première heure s’appuie sur un mouvement dramatique percutant. Mais à la vision pathétique et régulièrement ironique. (Ce qui définit tout aussi bien sa seconde partie, mais avec moins d’humour et plus de jet de sang).

En s’articulant entièrement sur le parcours de Ryu durant cette heure, l’intrigue dévoile en effet des scènes bien illustrées. Oscillant entre tragédie et ton comique. De sa rencontre avec des trafiquants d’organes (qui se solde par une ablation non-légitimée d’un de ses reins) à l’après-kidnapping à l’esprit bon enfant, mais qui conduit au suicide de sa sœur malade.

Son point d’orgue, dans la campagne de Séoul, étant la noyade de la petite fille qui nous précipite naturellement vers le pur film noir, malgré son soleil chaleureux. En cela, Park Chan-wook livre assurément une vision sans concession. Dont certaines bribes me revenait petit à petit dans un esprit de déjà-vu indéniable.

Compassion pour une bande de cons.

Toutefois, malgré sa vision radicale des événements, Sympathy for Mr. Vengeance souffre de ces aspects techniques. Dont certaines caractéristiques s’avèrent pourtant superbe et poétique. (Cette scène de monter des marches, lors de la première rencontre avec les trafiquants d’organes, pour ne citer qu’elle).

En plaçant son action en plein été, sous un soleil plombant, le thriller casse les codes du genre via son style radicalement différent. Sa mise en scène contribuant également énormément à cette expérience, dont le résultat est à double tranchant. Le réalisateur privilégie ici de long plan fixe, au détriment de l’énergie primaire et pour un rythme souvent haché. Ses plans disposent de cette même vision à l’écran, en alliant de petites et grandes scènes. Via son déroulement faste qui vire au cauchemar pathétique et ultra-violent.

Sa seconde heure, bien plus resserrée sur l’engrenage d’auto-justice et donc du personnage Park, en est la démonstration directe. De sa scène de massacre avec les trafiquants, qui tire en longueur et en hémoglobine, jusqu’à la torture de la petite amie de Ryu. (Bae Doo-na, fougueuse à ses débuts en activiste de gauche et rare second rôle qui se détache de l’histoire).

Encore une fois, dans ce récit percutant, que le réalisateur qualifie « d’histoire qui vous happe et vous prend aux tripes », Sympathy for Mr. Vengeance échoue, de façon personnelle, à réellement bousculer. Sa cadence et son montage, franc, mélange long moment pathétique et coupe brut. Ils se révèlent être les principaux freins à cette immersion de réalisme. Qui paraît pourtant souvent surréaliste (cette scène d’autopsie de la fillette devant son père, complètement irrationnel).

Conclusion

Le film se conclut finalement la ou tout a réellement basculé. Dans une boucle de violence absurde qui ne laisse aucun survivant. Malgré quelques atouts sympathiques, la compassion n’est hélas pas au rendez-vous dans cette fable vengeresse. Ce qui diminue fortement son propos éloquent. Une œuvre toutefois fondatrice dans la filmographie de Park Chan-wook et plus largement dans sa trilogie de la vengeance.


Les + :

  • Une plongée burlesque auprès d’un désespéré attachant et qui plus est, sourd et muet.
  • Puis une descente aux enfers entre ironie pathétique et ultra-violence.
  • Quelques moments de poésie dans un Séoul et sa banlieue rarement mis en scène de façon si lumineuse.
  • L’apparition plus tardive d’un Song Kang-ho toujours parfait en père endeuillé agissant au nom d’une auto-justice qui lui semble juste.
  • Malgré ses lacunes d’exécution, un postulat et une vision acerbe de la vengeance sous sa forme la plus pittoresque.

Les – :

  • Une découpe qui contribue à son rythme haché, alliant des petits riens en plan fixe et coupe franche au montage.
  • Un tempo de genre mal cadencé dans sa succession de rebondissements et qui peine à convaincre pour sa durée de deux heures.
  • Un faux réalisme dans son genre hybride qui ne fonctionne pas totalement.
  • Une absence concrète de second rôle percutant ou même peaufiner.
  • Un ton burlesque et davantage surréaliste, qui coupe toute l’émotion et l’intensité du récit.

MA NOTE : 14.5/20

Les crédits

RÉALISATION : Park Chan-wook / SCÉNARIO : Lee Jong-yong, Lee Jae-sun, Lee Mu-geong, et Park Chan-wook

AVEC : Song Kang-ho…, Shin Ha-Kyun…, Bae Doo-na (…)

SORTIE (France) : 3 septembre 2003 / DURÉE : 2h

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