PRESUMED INNOCENT – saison 1

EN DEUX MOTS : toujours ardemment et un mois seulement après avoir dévoilé une nouvelle production de S.F. très convaincante – Dark MatterApple TV + aligne les séries agrémentées de stars du grand écran. Pour sa grosse production de juin, la firme à la pomme nous présente ainsi Jake Gyllenhaal dans PRESUMED INNOCENT. Une minisérie judiciaire en huit épisodes qui mêlent drame et thriller. Excitant.

Un brillant procureur se retrouve tout à coup accusé du meurtre d’une jeune et ambitieuse collègue avec laquelle il vient d’avoir une liaison passionnelle. 

D’après le roman du même nom de Scott Turow, déjà adapté au cinéma en 1990.

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Remake contemporain d’un film qui mettait en scène Harrison Ford dans le même rôle, « Présumé innocent » et aujourd’hui dirigé par l’émérite David E. Kelley. Célèbre scénariste TV qui a notamment écrit The Undoing et Big Little Lies pour ses meilleurs (et plus récents) succès. Néanmoins, son nom s’accompagne à celui, et pas des moindres, de J.J. Abrams à la production. De quoi autant intrigué que rassuré.

Avec tous ses beaux noms au générique, ainsi qu’un casting secondaire alléchant, cette version de 2024 avait tout pour devenir un petit hit estival. Loin des univers fantastique qui règnent en maître cet été. Chose faite ? Oui, en partie, parce que le show nous réconcilie avec un effet de suspense permanent qui multiple les cliffhangers, mais aussi pour sa modernisation qui l’éloigne des œuvres un brin réducteur de l’époque.

Présumé nuancé.

Dans la veine de shows énergique comme on en fait plus, ce « Présumé innocent » avance à vive allure. Sous la plume de David E. Kelley, souvent trois fois plus actif que n’importe quel autre scénariste, son travail prête à sourire. En effet, après le récent loupé « un homme, un vrai » sur Netflix, qui mettait déjà en scène la toxicité masculine, cette nouvelle mini série en dévoile des thèmes misogyne qui s’y apparente parfois.

l’Amérique et ses fondements de justice, de fortune et de réussite, demeure centrale dans le travail du showrunner. Son nouveau show n’y fait pas exception, mais revitalise une œuvre masculine comme il y en avait pléthore dans les années 90. Mais au-delà d’un sous-propos qui laisse enfin une place plus nuancée aux profils féminins, elle s’inscrit comme une œuvre à la fois old school et moderne.

Outre ses nuances constantes, en partie sur la culpabilité de l’accusé, PRESUMED INNOCENT 2024 conclut chacun de ses épisodes sur un cliffhanger. Un outil typique des séries TV à l’ancienne, mais qui fait mouche aujourd’hui. Et finalement, le contraire aurait été surprenant. En effet, la production Apple TV + se compose de seulement 8 épisodes. (un format de plus en plus habituel). Toutefois, la durée de ces épisodes n’excède jamais les 40, 45 minutes (si on exclut son final, à peine plus long), ce qui permet au show d’aller à l’essentiel.

Entrecoupé de nombreux flashes, parfois ambigus sur les souvenirs/cauchemars de Rusty, notre tête d’affiche, la production ne manque pas d’énergie dans sa succession de rebondissements. Pour preuve, les échanges sont souvent cinglants, les révélations régulièrement accablantes, et les personnages dynamiques dans leurs différentes interventions à l’écran.

Présumé brillamment interprété.

À ce niveau, le choix du casting est assez exemplaire, comme je le soulignais plus haut. Tout d’abord, et comme le prouve sa large carrière au cinéma, Jake Gyllenhaal est à l’aise dans de nombreux registres. Aujourd’hui, dans la peau d’un brillant procureur/amant que tout accuse, l’acteur insuffle autant de charisme que d’ambiguïté à son comportement borderline.

Face à lui, dans le rôle ingrat de la femme bafouée et cocue, Ruth Negga est tout bonnement génial. À la fois sensible, mais forte dans sa recherche de nouveaux désirs. Dans un registre d’avocat qu’il maîtrise parfaitement, l’étonnant Bill Camp demeure un coup de cœur depuis de nombreuses années. Dans le camp adverse, l’assez fade O.T. Fagbenle (acteur que je n’avais jamais trouvé bon jusqu’à présent) est (contre toute attente) idéal, puisqu’assez neutre et pragmatique. Tandis qu’à ses côtés, Peter Sarsgaard compose un personnage de nouveaux procureur adjoint jaloux et égocentrique, aveuglé par son désir de vengeance.

Ce dernier, qui est aussi le beau-frère de notre tête d’affiche à la ville, est primordial puisqu’il présente une dualité indispensable dans l’intrigue. Celle-ci représente une vraie force dans ses arcanes de la justice. David E. Kelley, ancien avocat reconverti en scénariste, réitère enfin un scénario judiciaire brillant et méticuleux. Tout en mettant le doigt sur les egos d’hommes de loi aux visions brouillées par différentes motivations personnelles.

Enfin, à l’écran, le portrait éphémère, mais intense de la victime n’est pas occulté. Loin de là. Il s’éloigne d’autant plus du profil de la femme fatale typique des années 90, souvent investigatrice de la destruction d’un mariage d’apparat idyllique. Au contraire, l’actrice norvégienne Renate Reinsve apporte naturelle, bestialité et empathie à un portrait aux nombreuses contradictions. Un portrait méchamment humain en soi, en plus de son charme incandescent.

Présumé réalisé avec nervosité. Et parfaitement rythmé.

PRESUMED INNOCENT réussit donc une bonne partie de ses caractéristiques scénaristiques, tout en évoluant dans un rythme idéal. À l’écran, ce drame judiciaire, qui flirte avec le thriller sulfureux, adopte une mise en scène nerveuse, vivante, au plus près des personnages. C’est le credo de sa réalisatrice – Anne Sewitsky – qui signe les deux premiers épisodes, plus le final.

Greg Yaitanes (qui s’est illustré il y a 2 ans dans House of the Dragon) met, quant à lui, en boîte les cinq épisodes restants. Dans un montage sans longueurs, la série est notamment traversée de magnifiques plans aériens de Chicago. Et d’une bande son grave.

Et justement, sur la longueur, la mini série s’en sort honorablement. Non, à vrai dire à merveille. Sa première moitié de saison s’attèle à dresser le portrait de cette sordide affaire et de ses intervenants, tandis que la seconde nous précipite vers un procès et une résolution intense. Et toujours brillamment narré. À l’image d’une angoisse du merveilleux avocat de la défense, Raymond, dont la tête vole en lambeaux, cette partie s’annonce explosive. L’intensité du show se mélange à des doutes accablants qui maintiennent sa ligne de suspense avec brio.

Notre tête d’affiche est prise dans un tourbillon d’éléments contradictoires, de rebondissements, d’ambiguïtés. Le tout en parvenant à laisser planer le doute jusqu’au bout. En 5h30, sans temps morts, PRESUMED INNOCENT nous amène donc à sa conclusion avec engouement. Cependant, ici le verdict est presque amer et nous amène jusqu’à une dernière surprise. Le show se termine par un portrait familial lumineux et très réussi comme l’arbre qui cache la forêt.

CONCLUSION

Fait assez surprenant, juste avant la diffusion de ses deux derniers épisodes, Apple TV + annonce le renouvellement de la série. Moi qui imaginais une histoire tirée sur une ligne, une seule, le show ouvre la voie à une suite. En apportant suffisamment de réponses pour nous contenter dans une fin ouverte, cette suite pourrait s’avérer être à double tranchant. Dans tous les cas, PRESUMED INNOCENT semble avoir trouvé son public avec ce renouvellement, et cela est mérité.

RÉFLEXIONS : toutefois, selon un récent article, Apple pourrait réduire ses coûts de production qui demeure exorbitante. Si cela amène de la qualité à l'écran et qu'une bonne partie de ses (nombreux) programmes sont plébiscités, la plateforme ne semble pas réunir un taux de visionnage suffisamment élevé. La maladie du streaming et d'une concurrence rude (et trop large), qui, je l'espère n'aura aucune incidence sur la mise en chantier de cette suite.

Les + :

  • Un remake contemporain qui se soustrait d’une certaine misogynie pour délivrer un drame plus nuancé et un thriller judiciaire plus sulfureux.
  • Un show rythmé sans temps mort et qui renoue avec ses productions d’antan aux nombreux cliffhangers infaillibles.
  • Une tête d’affiche ambiguë dans son portrait d’homme égocentrique et dont la culpabilité plane inlassablement.
  • Un casting secondaire époustouflant et en nombre idéal dans son utilisation. Coups de cœur pour une Ruth Negga géniale, un Bill Camp naturellement talentueux ou un Peter Sarsgaard aveuglé par la vengeance.
  • Une mise en scène nerveuse et découpée avec tempo. De ses gros plans frontaux et graves à ses plans aériens énergiques de Chicago.
  • Une seconde partie d’une efficacité redoutable dans sa démonstration juridique. Merci David E. Kelley, qui rime avec efficacité.
  • Une conclusion très satisfaisante.

Les – :

  • Outre son exécution redoutable, PRESUMED INNOCENT n’est pas un show qui va réellement nous questionner sur les fondements de la nature humaine ou bouleversée le téléspectateur. (malgré ses superbes nuances)
  • Le réel intérêt d’une seconde saison qui pourrait dénaturer son montage explosif ?

MA NOTE : 16/20

Les crédits

CRÉATEUR : David E. Kelley

AVEC : Jake Gyllenhaal.., Ruth Negga.., Peter Sarsgaard, O.T. Fagbenle, Bill Camp, Nanah Mensah, Elizabeth Marvel,

Kingston Rumi Southwick, Chase Infiniti, Noma Dumezweni, Gabby Beans, avec Lilly Rabe, et Renate Reinsve (…)

ÉPISODES : 8 / Durée (moyenne) : 42mn / DIFFUSION : 2024 / CHAÎNE : Apple TV+

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