EN DEUX MOTS : Petite nouveauté disponible sur nos grands écrans français en cette fin Avril, MISANTHRØPE demeure un petit événement pour les aficionados du genre. Notamment car il signe le retour du réalisateur Damián Szifron, presque 10 ans après son prometteur et fantasque film à sketch Les Nouveaux Sauvages. Le cinéaste argentin investit le cinéma hollywoodien pour un projet qu’il co-scénarise et surtout met en images de façon inventive.
En s’inspirant ouvertement des monuments du polar noire des années 90’s, tels que Le Silence des Agneaux et Seven, le réalisateur revient à un genre policier un peu oublié: la traque de serial killer. Au centre de cette fable policière intense se dresse la discrète Shailene Woodley dans ce qui est probablement l’un de ses plus beaux rôles jusqu’à présent.
Eleanor, une jeune enquêtrice au lourd passé, est appelée sur les lieux d’un crime de masse terrible. La police et le FBI lancent une chasse à l’homme sans précédent, mais face au mode opératoire constamment imprévisible de l’assassin, l’enquête piétine. Eleanor, quant à elle se trouve de plus en plus impliquée dans l’affaire et se rend compte que ses propres démons intérieurs peuvent l’aider à cerner l’esprit de ce tueur si singulier…
AlloCiné
ATTRAPE MOI SI TU PEUX
De son titre original assez peu original « To Catch A Killer » le film, pour une fois, se nourrit bien plus de son titre français, a double sens. Définition de MISANTHRØPE :
1. nom: Personne qui manifeste de l’aversion pour le genre humain.
2. adjectif : Qui évite de fréquenter ses semblables.
L’adjectif ne désigne pas seulement son tueur mais aussi nôtre tête d’affiche en lutte permanente avec ses démons. Et qui finalement semble ressentir une aversion avant tout avec elle-même. La jeune actrice, ancienne star montante d’Hollywood à la carrière plus calme ses dernières années, incarne physiquement et mentalement à la perfection se profil introvertie et autodestructeur. D’autant qu’à aucun moment le réalisateur ne semble uniquement se reposer sur le passé de son héroïne, mais bel et bien sur sa condition mentale durant l’enquête.
La bonne nouvelle à cela est que MISANTHRØPE ne s’attarde pas sur une introspection complète de sa tête d’affiche. Au contraire, elle laisse de la place à cette enquête sensationnelle mais aussi au barda médiatique qui en découle.
De ce fait l’intrigue place un second personnage crucial au centre des événements. Et comme ses homologues cités ci-dessus, MISANTHRØPE dévoile un profil de mentor sous les traits de l’illustre Ben Mendelsohn. Il y incarne la figure solide et inflexible du F.B.I sous sa voix hypnotique et sa gestuelle unique. L’acteur australien demeure brillant. Et parfois plus encore dans le registre policier (The Outsider) que criminel (Animal Kingdom).
Néanmoins, sous des profils qui semblent conventionnels, ce thriller policier parvient à déceler une belle nuance et une certaine sensibilité à ses personnages. Et notamment par des éléments simples (un mariage gay, des moments de solitude dans une piscine désertique) qui l’éloigne des sentiers battus. Tout comme le choix d’un tueur de masse s’avère presque plus effrayant et contemporain que l’éternel et sadique serial killer aux mobiles évangéliques.
L’HUMANITÉ DANS L’OEIL DU CYCLONE
L’élément qui caractérise le plus MISANTHRØPE demeure sa mise en scène et son ambiance glaciale. (Naturellement renforcé par un climax hivernal). Sous la caméra d’un réalisateur étranger les grandes villes américaines n’ont souvent pas la même saveur. C’est le cas ici et Damián Szifron parvient aisément à capter les grands espaces urbains entre les buildings de Baltimore. (Même si le tournage à eu lieu à Montréal). Mais pas que, comme va le prouver une sordide scène dans un abattoir dans le sud.
Avec quelques brillantes idées de mise en scène pourtant simples, le réalisateur argentin parvient exactement à nous amener là où il le désire. Ce qui fonctionne d’autant plus avec sa relativement courte durée d’à peine deux heures. Agrémenté d’une formidable bande originale grave, le film dispose d’une première partie parfaitement exécutés. Là où la suite va suivre un schéma relativement prédéfinis (une seconde tuerie, la fausse piste, l’enquête en freelance…).
MISANTHRØPE n’en demeure pas moins absolument admirable et inscrit dans une tonalité réaliste. « Misanthrope, c’est ça pour moi : une tempête qui s’abat sur la ville (le serial killer) et certains personnages qui vont choisir de sauter, de plonger dans l’œil du cyclone. » Selon les dires du réalisateur au magazine Première, le film est une plongée noire dans une spirale meurtrière, non négociable, à échelle humaine. Comme le définit si bien le personnage interprété par Ben Mendelsohn dans sa présentation »nous recherchons avant tout un homme, pas un monstre ».
Ma note finale s’avère surestimée puisque MISANTHRØPE n’est pas un mastodonte, ni une claque du genre. Particulièrement car son final (s’il ne manque pas de mordant…) manque de puissance à l’état brut. Contrairement à ses scènes de tueries plus tôt dans le film.
Il lui manque également un réel élément fort qui marque la rétine, comme l’avait fait Seven avec sa terrible scène finale ou Le Silence des Agneaux avec l’échange mythique entre Sterling et Hannibal Lecter.
CONCLUSION
Quoi qu’il en soit grâce à son formidable duo de tête, une mise en scène idéale et une vision de l’humanité sans détour MISANTHRØPE convainc avec rigueur. Et pour un fan du genre, de David Fincher, et de Ben Mendelsohn, ce polar est un plaisir sans crier gare.
Les + :
- Une mise en scène et une ambiance de genre délectable
- Un duo flic borderline / mentor autoritaire parfaitement exécutés
- Sa courte durée et un rythme qui va à l’essentiel
- Son mélange de thriller policier avec un aspect réaliste de drame politique
Les – :
- Un schéma d’intrigue typique
- Un final moins intense que le reste
- Le manque D’UNE scène choc malgré une parfaite exécution technique
MA NOTE : 16/20
RÉALISATION & SCÉNARIO : Damián Szifron
AVEC : Shailene Woodley, Ben Mendelsohn, Jovan Adepo, Ralph Ineson (…)
DURÉE : 1H58 / SORTIE : 26 Avril 2023 (France)