
Dans le cadre d'une rétrospective sur la nouvelle vague du cinéma coréen, retour sur 3 films de 3 réalisateurs qui ont marqué mes premières années de cinéphiles. Et aficionados du genre.
Je commencerai par celui qui fut longtemps mon metteur en scène favori : Kim Jee-woon.
Son 5e long-métrage, sortie en 2008, Le Bon, La Brute, et le Cinglé, est une revisite succulente du western spaghetti. Et surtout, un pur divertissement drôle et explosif.
EN DEUX MOTS : 3 ans après son remarqué film noir, A Bittersweet Life, le réalisateur Kim Jee-woon dévoile un ambitieux projet au titre révélateur. Le Bon, La Brute, et le Cinglé reprend bel et bien le titre du classique de Sergio Leone pour une revisite, également, du western. À la sauce coréenne ! Pour cela, celui qu’on qualifié dès lors comme le Tarantino coréen réunit un trio star et un budget record de 17 millions. (La plus grosse production pour un film coréen, à l’époque…).
Les années 30 en Mandchourie. Le Cinglé vole une carte aux trésors à un haut dignitaire japonais. La Brute, tueur à gages réputé, est payé pour récupérer cette carte. Le Bon veut retrouver le détenteur de la carte pour empocher la prime. Un seul parviendra à ses fins, s’il réussit à anéantir l’armée japonaise, les voyous chinois, les gangsters coréens… et ses deux adversaires.
En plaçant son action en Mandchourie dans un contexte historique révolu, le metteur en scène s’offre un bac à sable géant où il laisse libre cours à son imagination. Le résultat s’avère détonnant. Alors certes, vu la virtuosité de son travail précédent, rien d’étonnant, mais cette fois son budget lui permet de s’en donner à cœur joie. Notamment, lorsque le genre du western lui permet de mettre en scène une aventure bourrée d’action et non dénuée d’humour.
Pour cela, il convoque à l’écran un trio savamment dosé. Sa nouvelle star d’action Lee Byung-hun interprète la Brute charismatique, tandis que le Bon, taiseux expert de la gâchette se dévoile sous les traits du discret Jung Woo-sung. Enfin, après leur collaboration sur Foul King, il offre le plus beau rôle au formidable Song Kang-ho. Le Cinglé (weird, en anglais), véritable atout comique de son récit.
Avec son lead en tête et sa générosité ambiante, difficile de bouder son plaisir devant Le Bon, La Brute, et le Cinglé. Assurément, ce western à la sauce coréenne est un nouvel exercice de genre survolté qui s’inscrit comme un (petit) classique du genre. Et assurément celle d’une mouvance d’une vague coréenne, incubatrice de talent.

Le taiseux, L’excentrique, et le comique…
Tel le train lancé à vive allure au début de l’aventure, ce western oriental s’ouvre sur les chapeaux de roues. Après sa scène introductive présentant sommairement un objet de tout désir – sa carte – Kim Jee-woon nous propulse véhément dans un exercice de genre brillamment cocasse. Si sa mise en scène, et son exécution, s’avèrent tout deux plus généreuse que parfaitement exécuté, Le Bon, La Brute, et le Cinglé déborde d’une énergie communicative.
De plus, le film déborde d’astuces et d’idées visuelles à chaque coin de scène. D’un train, d’un hôtel ou encore d’un village créé de toute pièce, le réalisateur voyage à travers ses décors et se sert de ses différentes structures comme des éléments à part entière de son action. Des éléments évidemment destructibles, apportant d’autant plus de dynamisme au western. Son tempo, lui aussi est énergique au possible grâce à une nouvelle bande-son exaltante. Qui emprunte autant au western qu’aux thèmes asiatiques.

En plus de son dynamisme indéniable, le film prête réellement à sourire, et même plus largement à rire, grâce à un humour communicatif. Song Kang-ho demeure le principal moteur de cet humour salvateur par ses mimiques et sa gestuelle. (La scène du scaphandre… Extra). De plus, l’intrigue lui permet d’apporter quelques surprises à son personnage d’apparence un peu niais. Un aspect qui lui colle à la peau, mais dont l’acteur se délecte sans exagération.

Face à lui, Lee Byung-hun incarne le vilain excentrique et ultime par nature, jusque dans son allure. Avec laquelle il surjoue même un peu, mais malgré tout, demeure très convaincant. Enfin, de façon moins marquante, le « Bon » se révèle comme un contrepoids tout de même idéal face aux deux profils. Un profil qui emprunte davantage au genre codifié du western avec son héros mystérieux.

…et plus si ambiguïtés.
L’écriture de Kim Jee-woon permet tout de même quelques nuances sur le comportement de ses trois personnages phares. En inversant parfois le rôle de chacun. Quitte à complètement (ou quasiment) occultés ses personnages secondaires, à peine comptable. (On peut toutefois apercevoir le mastoc Ma Dong-seok dans le rôle de « Bear« , pour un résultat éloquent).
Le Bon, La Brute et le Cinglé n’est évidemment pas exempt de course-poursuite, comme celle, conséquente, dans le désert lors de sa deuxième heure. Assurément, le tournage est du même acabit, puisqu’il dura près de 9 mois entre le Chine et la Corée. Ce qui a permis ce résultat d’envergure.

Multipliant les scènes d’actions explosives, énergiques et astucieuses, sa partie action se révèle sans conteste comme l’un de ses meilleurs atouts. Même si le suspense typique du western s’en trouve forcément émoussé par son aspect comique indéniable.
Néanmoins, l’une des forces de son récit est de rendre ce western prenant avec seulement 3 personnages développés en son centre. Durant 2h10. Pour cela, Kim Jee-woon imagine une aventure aussi large que son territoire désertique dans lequel converge plusieurs forces. Bandits, resquilleurs ou soldats de l’Empire Japonais. Une chasse au trésor grandeur nature qui aboutit sur un inévitable duel (ou plutôt « truel ») symbolique.

Conclusion
Le spectacle est donc au rendez-vous dans le 5e film ambitieux de Kim Jee-woon. Non sans s’absoudre complètement d’une certaine violence présente dans son cinéma, le réalisateur mélange encore les genres avec brio. Genres qu’ils dévoilent avec parcimonie au cours de son aventure, qui révèle ainsi un tempo idéal. Plus qu’une récréation survitaminée, un divertissement intelligent comme on en voit trop peu.
Les + :
- Un western oriental qui revisite le genre et le classique de Sergio Leone.
- Avec son budget conséquent, le réalisateur met en scène une aventure d’envergure. Qui plus est, avec des effets de style et une vitalité surprenante.
- Une générosité et un humour communicatif. Le film est à la fois très drôle et divertissant.
- Un humour qui brille par la formidable performance de Song Kang-ho. Celui-ci demeure le cœur comique du film, avec son charme naturel.
- Face à lui, Le Bon et La Brute s’avère plus convenu, mais non moins efficace dans leur utilité respective. Le premier pour son efficacité à la gâchette et le second pour son charisme salvateur.
- Un trio qui porte le film et navigue au cœur de grandes et superbes scènes d’action. Le tout rythmé par une superbe bande originale.
Les – :
- Malgré son contexte historique et politique de l’époque (avec l’invasion japonaise), le film demeure un grand divertissement modérément percutant dans son propos.
- Un suspense engloutis par son humour.
- Une distribution secondaire quasiment invisible. C’est dommage, vu sa durée, le film aurait pu y apporter quelques profils atypiques.
MA NOTE : 16/20

Les crédits
RÉALISATION : Kim Jee-woon / SCÉNARIO : Kim Jee Woon et Min-suk Kim
AVEC : Song Kang-ho, Jung Woo-sung, et Lee Byung-hun, mais aussi : Ryu Seung-su, Yun Je-mun, Song Young-chang, Ma Dong-seok (…)
SORTIE (France) : 18 Décembre 2008 / DURÉE : 2h10