LA COCINA (Festival de Deauville 2024)

Prix Barrière

EN DEUX MOTS : éminent film de la compétition, LA COCINA s’illustre par quelques particularités. Il s’agit avant tout d’une production américano-mexicaine conséquente de presque 2h20, d’Alonso Ruizpalacios. Rare metteur en scène déjà chevronné qui signe son œuvre la plus ambitieuse jusqu’alors. Pour preuve, celle-ci, sous un noir et blanc distingué (pour le troisième film de la compétition cette année et le quatrième de son réalisateur) met notamment en scène la délicate et fantastique Rooney Mara dans l’un des rôles-titres.

C’est le rush dans la cui­sine du Grill, res­tau­rant très ani­mé de Man­hat­tan. Quand de l’argent dis­pa­raît de la caisse, le ser­vice dégé­nère. Pedro, cui­si­nier rêveur et rebelle, tente de prou­ver son amour à Julia, tan­dis qu’Estella, nou­velle recrue tout juste arri­vée du Mexique, doit navi­guer dans ce chaos. 

Son synopsis et sa forme rappellent forcément la prestigieuse série indépendante THE BEAR. (de la chaîne FX et qui a débuté en 2022). Une épopée dramatique survitaminée entre rires et larmes, tandis qu’ici, le regard de son réalisateur se focalise avant toute chose sur le regard de ses immigrés venus de part et autres vivre une variante du « rêve américain ».

Dans le cadre du 50ème festival du cinéma américain de Deauville, retour sur quelques films que j'ai eu l'occasion de voir durant l'événement. Cette fois, le vendredi 13 septembre 2024. 
Ici, le treizième film de la compétition, en la présence du réalisateur. Lors de la cérémonie de clôture le film à reçu le Prix Barrière.

Le rush.

Ici, la cuisine n’a ni saveurs (sauf de la conception d’un sandwich et d’un repas pour pauvre), ni couleurs. De son noir et blanc tout de même élégant, ce démarque donc ses visages et une atmosphère tonitruante. LA COCINA a bel et bien des airs de THE BEAR puisque le film jouit d’une ironie du réalisme et du chaos. Assurément l’une des valeurs sûres de la compétition.

Avec sa durée conséquente et son format en quasi-huis clos, ce drame navigue sous différents points de vue. À commencer par celui de la jeune Estella (Anna Díaz) pour un regard neutre, nouveau, et désaxé de cette réalité. Pourtant, une fois les deux têtes d’affiche amarrés, le film se désintéresse de son personnage et nous embarque dans un balais d’aventures en tous genres. L’histoire centrale demeure la romance des deux caractères pris dans un tourbillon de difficultés et d’émotions contradictoires.

Rooney Mara y est brillante naturellement. Dans un profil magnétique, à la fois déterminé, mais en plein doute. Un beau caractère féminin, même si le plus gros de l’attention du réalisateur se focalise sur Pedro. Raúl Briones, qui l’incarne, demeure aussi attachant que pathétique dans son rôle borderline. Un beau cocktail d’insouciance et d’énergie qui se mêle à la pagaille en cuisine dans ce gros restaurant de Times Square.

La caméra du réalisateur tourne ici avec brio. Une mise en scène pas nécessairement étonnante, mais ultra maîtrisé et qui évolue dans son décor avec maestria. Quelques plans-séquences viennent même agrémenter une aventure qui navigue sur différents rythmes. Ce drame au tempo comique subit néanmoins (et fatalement) sa longueur de plus de 2 heures. Une longueur exigeante que toutes les péripéties ne parviennent pas à combler.

CONCLUSION

En revanche, ses nombreux profils secondaires, immigrés de tout horizon qui complètent idéalement la cocina, lui donnent sa structure la plus solide. C’est cette énergie naturelle qui définit peut-être le mieux ce film tout aussi conséquent que sa durée.

Et si je regrette un certain manque d’émotions fortes (malgré ses différents rebondissements et l’écriture soutenue d’Alonso Ruizpalacios) LA COCINA se distingue comme une aventure redoutable et une plongée réaliste en plein chaos.


Les + :

  • La plongée réaliste et conséquente (sous l’œil d’un immigré) dans un enfer empli de logique. Entre drame, comédie et aventure humaine.
  • La mise en scène et l’écriture soutenue du réalisateur/scénariste. Sous un noir et blanc élégant et qui navigue dans des décors bien exploités.
  • Les différents profils (et interprétations) qui structurent le film. Issus de tout horizons et avec lesquels se mêlent amour, humour, tension et jalousie en tous genres.

Les – :

  • Avec 2h20 au compteur, et malgré des rebondissements typiques, le film accuse de sa longueur globale.
  • Une certaine émotion contrite. Dommage.
  • Le profil d’Estella, un peu trop laissée de côté sur la longueur.

MA NOTE : 15/20

Les crédits

RÉALISATION & SCÉNARIO : Alonso Ruizpalacios

AVEC : Raúl Briones & Rooney Mara, mais aussi : Anna Díaz, Motell Foste, Oded Fehr, James Waterston, Lee Sellars (…)

DURÉE : 2h19 / DIFFUSION (Festival) : 13/09/24

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