Guillermo del Toro’s : CABINET OF CURIOSITIES (anthologie)

Que de curieuses peurs

EN DEUX MOTS : Pour Halloween 2022 Netflix daigne nous faire (enfin) une bonne surprise avec cette série anthologique d’épouvante-horreur. Avec un concept aussi agréablement consommable qu’attirant à la vente les attentes étaient tout de même de mise. Comme son titre l’indique de façon explicite, on retrouve le très célèbre réalisateur Guillermo del Toro à la production. Son implication relativement mince dans les divers projets est d’ailleurs un brin décevante. A contrario d’un résultat plutôt exaltant dans l’ensemble.

Avec 8 épisodes aux durées variables, dont chacun dispose de sa petite présentation par le réalisateur, les histoires d’épouvante s’enchaînent. A un rythme de diffusion très astucieux de deux épisodes chaque jour à partir du 25 octobre. Aux manettes, les scénaristes et surtout les réalisateurs se succèdent. Tous proviennent du grand-écran et disposent d’une œuvre relativement marquante ou connue d’un genre associé à l’horreur. 

LES ENDETTÉS 

Lot 36 : Son premier épisode semble tout droit sorti de l’esprit de Guillermo del Toro. Surtout son bestiaire. Avec Tim Blake Nelson en ancien vétéran un brin raciste et aigris, en plus d’être endettée, la chute ne pouvait être que plus haute. Dans un épisode court de 40 minutes, le récit prend le temps d’installer son contexte avant un twist final qui semble effleurer son potentiel.

Sa mise en image s’avère toutefois aussi réussie qu’elle conjugue toutes les caractéristiques fantastiques que son auteur gothique affectionne. Et aussi parce que son réalisateur – Guillermo Navarro – fut directeur de la photographie sur le Labyrinthe de Pan… entres autres.

Sur un format si court le résultat demeure efficace dans sa démonstration de récréation d’épouvante. Avec des rites du passé et ses personnages définis, le réalisateur use comme il faut de son court casting et surtout de ses décors majoritairement décrépit. Une course-poursuite encore plus intense et tentaculaire aurait été de mise dans ce dédale de couloirs où l’obscurité est dictée par un timer. Mais qu’importe globalement ce premier conte de l’horreur est une mise en bouche exaltante. 


Graveyard Rats : A l’instar du pilote, ce second épisode encore plus court (à peine 40 minutes) présente un nouvel endetté un peu détestable puisqu’il s’agit d’un pilleur de tombe. Le récit nous plonge dans l’ère victorienne la plus grisâtre qu’on connaisse et mélange de nouvelles aspirations de son célèbre conteur pour un résultat à nouveau convaincant. Ainsi qu’un côté claustrophobie cher à son réalisateur (il s’agit du papa du célèbre Cube). 

David Hewlett, récemment insupportable dans le final de SEE, réitère une prestation tout aussi détestable d’un homme prêt à tout pour son dû. Avec quelques nuances toutefois qui l’éloigne du profil atypique d’un pilleur de l’époque. Quoi qu’il en soit plus burlesque et cradingue, ce deuxième épisode respire l’efficacité nanardesque et pathétique autour de sa figure centrale. Une production vintage, en mode récréation de l’horreur. Pas indispensable mais distrayant au possible.

L’HORREUR DU CORPS 

The Autopsy : Avec son 3ème épisode, la série anthologique intensifie son récit. Plus long (58mn), plus maîtrisé, c’est cette fois un duo plus endurci qui met en scène ce nouveau conte de l’horreur. En effet, David S. Goyer adapte une nouvelle de Michael Shea, tandis que récent réalisateur David Prior la met en scène. (Celui-ci s’étant imposé avec le sombre et habilement cadré The Empty Man). Dans une petite histoire à la Stephen King avec sa petite bourgade américaine et ses locaux typiques, le récit se divise en deux parties.

Dans la première, un vieux (et malade) médecin légiste (F. Murray Abraham) se voit confier une succession d’autopsies par un Shérif (Glynn Turman) endurci et efficace. En 25 minutes l’intrigue dévoile le déroulé des mystérieux événements qui ont conduit à une tragédie minière. Horreur et fantastique se chevauchent jusqu’à la dernière demi-heure en mode huis-clos clinique. Ici la photographie et l’ambiance s’avèrent aussi maîtrisées que bien montées. Et nous amène à l’inquiétant twist de l’épisode. 

De là en termes d’autopsie et bestiaire de l’horreur l’épisode n’y va pas de main morte. En plus d’un échange entre espèces en mode S.F angoissante. Un épisode aussi solide que sordide à souhait…


The Outside : Dans un nouvel épisode à rallonge (1h04) l’anthologie se pervertit. Du sarcasme des apparences féminines jusqu’à versé dans le body horror. Sous la réalisation de l’indépendante Ana Lily Amirpour, celle-ci joue de gros plans et de focales pour installer une forme de malaise à l’écran. Toujours dans un système à l’américaine aussi ringard qu’à l’époque du télé-achat.

Malgré des pistes intéressantes à creuser autour de son concept, cette anthologie manque de rythme et en pâtie sur la longueur. Son ton comique et absurde ne la sauve pas hélas, même quand elle fait couler le sang dans sa dernière partie. 

Dernière partie durant laquelle l’actrice principale fait preuve de tout son talent avec ses regards exubérants. Qui ne suffisent pas hélas à sauver l’ensemble.

WE LOVE CRAFT

Pickman’s Model : Pour sa 3ème salve d’épisodes, le cabinet des curiosités adapte deux nouvelles tentaculaires de H.P. Lovecraft. Ce maître de l’horreur vieux d’un siècle fascine toujours autant à l’écrit mais moins à l’écran aujourd’hui. Dans un nouvel épisode d’une bonne heure, on plonge cette fois au XXème siècle pour une fable paranoïaque mais peu enivrante. 

Toujours brillant techniquement la mise en scène de Keith Thomas (derrière le catastrophique Firestarter) ne dispose d’aucune fulgurances en revanche. Tout comme son duo en tête (Ben Barnes / Crispin Glover) plutôt habitué au petit-écran et qui délivre une partition banale au possible. L’horreur prend ici plusieurs formes esthétiquement saisissantes mais relativement mal exploitées dans sa dimension de la peur. Et aussi parce que le profil de peintre torturé qu’interprète Ben Barnes ne procure aucune empathie.

Et c’est qu’il manque cruellement à cette anthologie qui aurait pu s’avérer aussi macabre que tragique. Ici la direction prend une tournure longuette et sans terreur dans son dénouement malgré la cruauté délivrée. Dommage.


Dreams in the Witch House : Dans cette seconde adaptation de Lovecraft c’est cette fois la réalisatrice du premier Twilight qui met en scène une histoire de maison hantée. La friandise idéale d’Halloween avec l’excellent Rupert Grint en tête d’affiche tourmenté. D’autant qu’ici encore le charme de l’époque bat son plein avec un récit situé en 1933. 

Le formidable roux british interprète un frère endeuillé près a tout essayé pour rejoindre sa jumelle dans l’au-delà. Et ainsi pénétrer dans un sombre cauchemar. En 1h cette fable multiplie les pistes autour de son univers, ces problématiques, et intègre des seconds rôles de facilités. Tandis que son voyage d’épouvante ne convainc qu’en partie malgré l’esthétisme réussi de sa sorcière (voir affiche).

De plus, la mise en scène de la réalisatrice s’avère plutôt bas de gamme, tout comme certains effets spéciaux. Additionné cela fait un certain nombre d’handicap à cette seconde adaptation. Qui s’éparpille. Tout comme la hype autour de l’anthologie si on la suit chronologiquement.  

TRIP COSMIQUE 

The Viewing : Pour son avant-dernier épisode, le cabinet des curiosités propose probablement sa partition la plus singulière avec cette exposition. (Co)Écrit et réalisé par l’indépendant Panos Cosmatos, cet épisode diffère drastiquement des précédents pour sa proposition nostalgique, électrique et métaphorique de son sujet. 

Passez les 10 premières minutes aussi riche que envoûtante l’intrigue prend irrémédiablement le temps d’arriver à son twist. Avant cela, le réalisateur entend proposer un trip dans la pure tradition des œuvres de science-fiction vintage qui nous plonge de façon abyssal à l’époque de son intrigue : 1979. Design rétro futuriste, cubique, couleur chaude et tamisé, plan fixe, image granuleuse et bande son électronique sont autant de composantes qui définissent The Viewing

Son casting plus large et un curieux mélange des genres dont se distingue l’humoriste Éric André ou la sulfureuse Sofia Boutella. Et assurément Peter Weller en collectionneur borderline. Lorsque arrive le dernier quart d’heure, après une demi-heure de parlotte loin d’être désagréable, la S.F et la dégueulasserie prennent le pas pour un résultat qui divisera assurément. Pour ma part, son côté psychédélique et tranché m’a largement convaincu. A petite dose.

LES ENDEUILLÉS 

The Murmuring : Pour conclure cette première anthologie globalement croustillante, le cabinet des curiosités nous propose un récit plus classique. Dans son genre du moins, son ambiance angoissante et poétique mais aussi sa réalisation solide. Basé à partir d’une nouvelle de Guillermo del Toro him-self, c’est la trop discrète Jennifer Kent qui écrit et met en scène ce murmuration (en V.F). La réalisatrice talentueuse derrière Mister Babadook met de nouveau en scène la charmante Essie Davis dans un récit intimiste. 

Si c’est un couple d’ornithologues, en deuil, qui est au cœur de l’histoire, la préférence et la caractérisation du profil féminin ne fait aucun doute à l’écran. Pour une durée d’encore une bonne heure. En pleine nature, isolés dans une vieille bâtisse avec des équipements d’époque (les années 50 maintenant) notre couple vacille peu à peu au fur et à mesure que le personnage interprété par Essie Davis capte des sons et des visions inquiétantes. 

Il y a une belle maîtrise de son cinéma chez la réalisatrice australienne, avec un beau travail autour des sons. En faisant quasiment abstractions d’une bande originale appuyée. Son côté épouvante est aussi peu envahissant que bien mis en scène. Il s’immisce en plus avec succès au montage afin de rythmer un récit globalement lent.

Dans sa finalité cette ultime fable s’avère être la moins satirique, et la plus pétri d’espoir parmi les différentes anthologies. Tout en traitant du deuil et ceux de belle façon, avec une dernière scène pleine de poésie.

Avec ce dernier épisode, cela conclut positivement un cabinet rempli de curiosités au-dessus du lot de ce que Netflix nous a habitués. Une récréation horrifique idéale pour la saison, avec ses hauts et ses bas naturellement, mais avec des thématiques toutes bien différentes. 


CONCLUSION

Les + :

  • Un attrait pour l’horreur, la vraie
  • Une composition d’univers et de metteurs en scène atypique
  • Une mise en images globalement très réussi

Les – :

  • Des récits aux qualités très variables
  • Quelques longueurs

MA NOTE : 14.5/20

CREATEUR : Guillermo del Toro

AVEC : Tim Blake Nelson, David Hewlett, F. Murray Abraham, Glynn Turman, Kate Micucci, Martin Starr, Ben Barnes, Crispin Glover,

Rupert Grint, Eric André, Sofia Boutella, Steve Agee, Peter Weller, Charlyne Yi, Essie Davis, Andrew Lincoln,

mais aussi : Sebastian Roché, Demetrius Grosse, Luke Roberts, Oriana Leman, Ismael Cruz Cordova, Michael Therriault, et Dan Stevens (…)

EPISODES : 8 / Durée : 58mn ANNEE DE DIFFUSION : 2022

GENRE : Drame, Fantastique, Epouvante-horreur CHAINE : Netflix

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