Ça – Chapitre 1

À l'occasion de la fin de diffusion de la série HBO : Ça - Bienvenue à Derry, retour sur les deux chapitres et long métrages qui ont adaptés le célèbre roman de Stephen King. 

Presque trente ans après un téléfilm qui avait terrorisé sa génération, le best-seller de Stephen King fait peau neuve sur grand écran. Ça prouve ainsi qu’il recèle un potentiel d’épouvante iconique et intemporel, d’autant que son premier chapitre retranspose la genèse de son aventure à la fin des années 80 (contre la fin des années 50 dans le roman).

À Derry, dans le Maine, sept gamins ayant du mal à s’intégrer se sont regroupés au sein du « Club des Ratés ». Rejetés par leurs camarades, ils sont les cibles favorites des gros durs de l’école. Ils ont aussi en commun d’avoir éprouvé leur plus grande terreur face à un terrible prédateur métamorphe qu’ils appellent « Ça »…

Car depuis toujours, Derry est en proie à une créature qui émerge des égouts tous les 27 ans pour se nourrir des terreurs de ses victimes de choix : les enfants. Bien décidés à rester soudés, les Ratés tentent de surmonter leurs peurs pour enrayer un nouveau cycle meurtrier. Un cycle qui a commencé un jour de pluie lorsqu’un petit garçon poursuivant son bateau en papier s’est retrouvé face-à-face avec le Clown Grippe-Sou …

L’histoire de Ça, elle, demeure inchangée et pose son regard sur une bande d’adolescents faisant face à leurs plus grandes craintes et visions d’horreur. Grippe-Sou, ou Pennywise (en VO), l’effroyable clown dévoreur, en demeure le principal visage. C’est un jeune Bill Skarsgård qui succède à Tim Curry pour une prestation remarquée. Un choix judicieux, d’autant que l’acteur suédois donne de sa personne pour rendre le clown convaincant : un doux mélange entre sadisme, inquiétante vision enfantine et accès sanguinaires baveux.

Les moyens techniques actuels rendent dans tous les cas hommage au lourd potentiel fantastique et horrifique de la bête. Et ce, malgré un budget peu excessif — 35 millions de dollars (l’absence de stars ayant probablement aidé à condenser les dépenses). Pour autant, à ce jour, Ça – Chapitre 1 reste le film d’horreur le plus lucratif de l’histoire, avec des recettes estimées à plus de 700 millions de dollars.

Quoi qu’il en soit, c’est ici le remarqué Andy Muschietti (avec Mama en 2013) qui remplace un certain Cary Fukunaga à la réalisation — même si ce dernier reste co-scénariste — pour un montage copieux pour le genre, soit 2h15. D’autant qu’il n’adapte qu’une partie du double roman. Mais c’est justement cet aspect coming of age qui fait le sel de cette adaptation, notamment dans son traitement de la peur, de l’amitié, de l’exclusion ou encore des maltraitances.

Sept à la maison.

Après une introduction mordante, comme on en verra peu dans le genre depuis (avant la série Bienvenue à Derry, justement), Ça parvient à réellement faire vivre son récit autour d’une bande d’enfants marginalisés — et uniquement eux — durant plus de deux heures. Si cette durée s’avère assez peu commune pour le genre, elle permet une réelle immersion dans l’univers de sa fable horrifique, de la modélisation des peurs infantiles à son environnement, et donc Derry, sa ville du Maine.

On reconnaît bel et bien ce qui compose les univers de King, et le film de Muschietti lui rend hommage à bien des égards. Entre ses monstres grotesques, son horreur frontale et l’alchimie de sa bande de ratés, Ça dispose d’une générosité et d’une énergie non feintes à l’écran — des éléments que le réalisateur multipliera d’ailleurs dans la série HBO.

Un Club loin d’être raté

Ainsi, sept membres composent cette fine équipe et son montage généreux permet de palper une dynamique cohérente entre eux, tout en illustrant tour à tour quelques monstres caricaturaux. Ces incursions horrifiques et psychologiques demeurent cocasses et souvent burlesques ; en revanche, ce sont bien les apparitions de Pennywise — qu’elles soient fugaces ou plus concrètes — qui font le plus mouche. L’interprétation de Bill Skarsgård et sa mise en image contribuent largement à cette réussite.

Ça ne révolutionne donc pas sa formule de genre, notamment dans l’usage des jump-scares, mais le film lui offre une générosité sincère. Et si le traitement de ses jeunes figures héroïques n’est pas totalement homogène — les personnages de Mike Hanlon (Chosen Jacobs) et Stan Uris (Wyatt Oleff) étant quelque peu supplantés — force est de constater que le reste de la troupe fait mouche, Sophia Lillis en tête.

Notamment lorsque le récit mêle avec justesse horreur et humour, preuve à l’appui avec les personnages de Richie (Finn Wolfhard) et Eddie (Jack Dylan Grazer), deux atouts comiques évidents dans la narration.

Conclusion

Malgré ses défauts apparents — ceux d’une grosse production pas toujours fine — Ça fait foi de sa largesse dans son exposition. Qu’il s’agisse de ses thèmes de fond déjà évoqués, efficaces bien que parfois survolés (comme le racisme), ou de la richesse de son histoire. La preuve d’ailleurs avec une suite qui déplacera son regard des peurs et traumatismes vers la mémoire et l’oubli.

Le tout gravite autour d’une figure passionnante : celle d’un mal cyclique dans la ville de Derry, entité malsaine à part entière. Hélas, comme souvent chez son réalisateur, l’adaptation manque parfois de finesse et de certaines ambiguïtés. Heureusement, la technique rattrape largement le tout. Le film se révélant d’une belle fluidité, aussi bien esthétique que sonore, avec un sound design régulièrement percutant.

À la fois nostalgique, efficace et dynamique, malgré un déroulement parfois peu surprenant, ce premier chapitre demeure une aubaine pour les amateurs du genre. Et de l’auteur.

EN DEUX MOTS : Ça – Chapitre 1 s’impose comme une adaptation généreuse et sincère du roman de Stephen King, portée par un solide parfum de nostalgie et un véritable esprit coming of age. Sans jamais révolutionner le genre, le film compense ses mécaniques parfois attendues par une galerie de personnages attachants, une incarnation marquante de Pennywise et une mise en scène techniquement maîtrisée. Malgré un manque occasionnel de finesse et certaines thématiques seulement effleurées, cette plongée dans les terreurs de l’enfance et le mal cyclique de Derry demeure une proposition efficace, immersive et fédératrice, aussi bien pour les amateurs d’horreur que pour les lecteurs de l’auteur.

MA NOTE : 15/20


 Points forts

  • Adaptation respectueuse de l’univers de Stephen King
  • Dimension coming of age efficace et touchante
  • Excellente alchimie du Club des Ratés
  • Pennywise marquant, porté par Bill Skarsgård
  • Mélange réussi d’horreur, d’humour et de nostalgie
  • Mise en scène fluide, effets et sound design percutants
  • Derry traitée comme une entité malsaine à part entière

Points faibles

  • Formule horrifique classique, peu renouvelée
  • Usage parfois attendu des jump-scares
  • Personnages secondaires inégalement développés
  • Manque occasionnel de finesse et d’ambiguïtés
  • Déroulement narratif parfois prévisible

Les crédits

RÉALISATION : Andy Muschietti / SCÉNARIO : Chase Palmer, Cary Fukunaga et Gary Dauberman

AVEC : Jaeden Martell, Finn Wolfhard, Sophia Lillis, Jack Dylan Grazer, Jeremy Ray Taylor, Chosen Jacobs, Wyatt Oleff, Nicholas Hamilton, et Bill Skarsgård (…)

SORTIE (France) : 20 Sept. 2017 / DURÉE : 2h12

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