
Ça frappe fort cet automne sur HBO Max. Pour sa dernière nouveauté de l’année, la plateforme tente de marquer le coup avec son ambitieux préquel issu de l’univers horrifique de Stephen King : ÇA. Diffusée peu avant Halloween et se poursuivant jusqu’à décembre, cette fable horrifique place son action 27 ans avant le film de 2017 et affiche l’ambition de revenir peu à peu sur le passé de Derry avec des saisons anthologiques.
Des événements étranges se déroulent dans la ville de Derry dans les années 1960 liés à Pennywise le clown, un personnage mystérieux qui hante Derry.
Estampillée du titre Bienvenue à Derry, cette première aventure, se déroulant en 1962, s’inspire des interludes du roman — déjà mentionnés dans le film — étoffant par la même occasion le mythe de la ville et de Pennywise. Son format sériel lui permet donc d’explorer largement sa mythologie, de l’enrichir, d’interconnecter ses intrigues et de faire revenir le terrifiant clown à l’écran.

Préambule
Si la création de la série peut sembler bien opportune, les retours d’Andy Muschietti (réalisation), Barbara Muschietti (production) et Jason Fuchs (scénario) rassurent. Mais bien plus exaltant encore : Bill Skarsgård reprend son rôle iconique de Pennywise, même s’il n’apparaît que tardivement afin de préserver le suspense.
Et justement, avec ce format inédit, il était intéressant de voir comment son équipe créative allait parvenir à maintenir la force horrifique, les mystères et la tension sur la longueur. D’autant que cette première saison s’avère plutôt dense puisqu’elle comprend huit épisodes d’environ une heure chacun.

Résultat : cette grosse mise en bouche détonne. Imparfaite d’emblée mais d’une générosité monstrueuse, la production a mis les bouchées doubles pour assurer le spectacle. Et pour preuve : d’abord libellée production Max Original (à l’instar de Dune : Prophecy et The Penguin), Bienvenue à Derry s’est vue attribuer en cours de route la prestigieuse mention HBO Original.
Les chiffres parlent également d’eux-mêmes : avec presque six millions de vues dans ses premiers jours, la série signe l’un des meilleurs démarrages de la plateforme.

Bienvenue en enfer
Aux premiers abords, cette première saison de ÇA : Bienvenue à Derry flirte avec les limites de son concept. Son épisode pilote est aussi foutraque qu’il confère un effet de déjà-vu. Pourtant, les mêmes artisans que Ça Chapitre 1 & 2 sont aux commandes. L’histoire commence par la disparition d’un garçon, tandis que des événements étranges touchent une bande d’adolescents de son entourage.
Il faut attendre la fin du premier épisode — et plus concrètement le déroulé du deuxième — pour pleinement apprécier les atouts de la série. Dotée d’une intensité graphique et horrifique de poids, Bienvenue à Derry ose beaucoup, fait foi d’une surenchère à double tranchant, mais se distingue par la proposition de véritables scènes sanglantes et marquantes pour le petit écran. Et c’est un fait que le show répétera maintes et maintes fois au cours de son aventure.

Naturellement présente dans les films d’Andy Muschietti, l’horreur surnaturelle et ses manifestations démoniaques sont ici exploitées à outrance. C’est l’une des principales limites de la série, puisque leurs rendus demeurent inégaux — tout comme la notion de suspense qui les entoure.
Ainsi, malgré sa surenchère de CGI pas toujours réussis, la série dispose d’une aura horrifique conséquente, à la fois gore et parfaitement épouvantable. Une mise en image généreuse et large, qui exploite sa notion de traumas de façon très imagée… au détriment d’une certaine finesse dramatique.

Un puit sans fond où flotte ses ambitions.
Parallèlement, avec l’arrivée dans la ville du Major Leroy Hanlon (Jovan Adepo, qui joue le père de Mike Hanlon dans l’univers Ça) et de sa famille, Bienvenue à Derry introduit des intrigues de pouvoir et de mystère bienvenues. Sa base militaire sert ainsi de toile de fond supplémentaire à ses thèmes historiques et sociaux, naviguant entre racisme, trauma et secrets. Un beau programme, forcément alimenté par une distribution large.
Parmi celle-ci ressort son jeune casting, bien fourni en interprètes aux caractères et aux physiques distincts. Et sur la longueur, après le twist du pilote, le show parvient à surprendre grâce à ses dynamiques d’équipe enfantine.

En revanche, Bienvenue à Derry n’emploie pas le même traitement pour ses figures adultes. Si le Major Hanlon trouve une place centrale, on peut regretter les présences finalement assez balisées de sa femme (magnifiquement jouée pourtant par Taylour Paige) ou du faux accusé Hank Grogan (Stephen Rider). À l’inverse, et preuve d’une distribution très solide — notamment dans ses interprètes afro-américains — la plus belle surprise réside dans la présence de Chris Chalk, incarnant une version jeune de Dick Hallorann, personnage culte de Shining. Une nouvelle démonstration de fantastique très réussie à l’écran.
La question étant : sur la longueur, Bienvenue à Derry parvient-elle à maintenir le cap entre démonstration et ambitions ? En chargeant son scénario, la série conjugue l’envie d’enrichir sa mythologie (qui dispose d’un puits narratif assez large) tout en proposant une horreur concrète. Et pour le coup, si le résultat n’est pas parfait et brasse parfois un peu trop largement ses sous-intrigues, cette saison convainc.

Conclusion
ÇA : Bienvenue à Derry, première saison, est donc un morceau de choix pour tout fan d’horreur et amateur de King. La série parvient à utiliser intelligemment son format — la présence restreinte du clown le prouve —, se montre généreuse dans ses démonstrations gore, tout en apportant beaucoup à la mythologie de son univers.
Sa deuxième partie lève succinctement le voile sur un Grippe-Sou comme on ne l’avait jamais vu, tout en étant traversée par la prestation d’un Bill Skarsgård absolument parfait dans le rôle.
Avec tout ça, difficile de bouder son plaisir devant la série. On peut ainsi lui pardonner ses errances de scénario, sa surenchère, quelques CGI grossiers ou des traitements de personnages inégaux. D’autant que si Bienvenue à Derry manque souvent de finesse, elle dispose d’une atmosphère horrifique cuisinée aux petits oignons.
EN DEUX MOTS : Bienvenue à Derry s’impose comme un préquel imparfait mais profondément généreux, dont l’ambition dépasse souvent ses maladresses. L’univers de King y retrouve une ampleur rare sur le petit écran, porté par une atmosphère suffocante et des morceaux d’horreur mémorables. Malgré une narration parfois trop chargée, la série réussit à enrichir la mythologie de ÇA tout en offrant un vrai spectacle de terreur. Pour les amateurs d’épouvante, c’est une plongée aussi bancale que grisante dans les ténèbres de Derry.
MA NOTE : 15/20

✔️ Points forts
- Une ambiance horrifique dense et immersive
- Le retour impeccable de Bill Skarsgård en Pennywise
- Une mise en scène généreuse, audacieuse et parfois spectaculaire
- De vraies scènes sanglantes marquantes pour la télévision
- Une mythologie enrichie, connectée intelligemment au roman
- Un jeune casting solide, dynamique et surprenant
- L’ajout réussi de Chris Chalk en jeune Dick Hallorann
- Des thèmes sociaux bien intégrés (racisme, secrets, trauma)
⚠️ Points faibles
- Un pilote foutraque et une entrée en matière laborieuse
- Une surenchère de CGI souvent inégale
- Une finesse dramatique sacrifiée au profit du spectaculaire
- Des personnages adultes traités de façon inégale
- Un scénario parfois trop chargé en sous-intrigues
- Une gestion du suspense fluctuante
Les crédits
CRÉATEURS : Andy Muschietti & Barbara Muschietti, et Jason Fuchs
AVEC : Jovan Adepo & Taylour Paige, James Remar, Stephen Rider, Matilda Lawler, Amanda Christine, Clara Stack,
Blake Cameron James, Arian S. Cartaya, Madeleine Stowe, Peter Outerbridge…, et Chris Chalk, spécial guest star : Bill Skarsgård,
mais aussi : Kimberly Guerrero, Joshua Odjick, Miles Ekhardt, Mikkal Karim Fidler, Jack Molly Legault, Matilda Legault (…)
ÉPISODES : 8 / Durée moyenne : 1h / DIFFUSION : 2025 / CHAÎNE : HBO