EN DEUX MOTS : Spin-off devenu presque plus acclamé que sa série dans laquelle elle exhorte un second rôle au premier plan – Better Call Saul tire sa révérence après 7 années, 6 saisons, et 63 épisodes, soit 1 de plus que… Breaking Bad.
Avec 2 premières saisons assez linéaires et ronronnant, ce spin-off a néanmoins scrupuleusement tissé sa toile autour de son univers, et notamment grâce à une écriture rigoureuse avec 2 autres saisons plus étoffées puis une 5ème exaltante.
A ce stade son co-créateur Peter Gould, en solo depuis quelques années (bien que Vince Gilligan reste très proche de la production, surtout comme metteur en scène), effectue un travail méticuleux et intensifie sa narration en berçant bien plus dans le thriller que le drame.
VOL. 1
Avec des enjeux limités compte tenu de la connaissance autour de la plupart des destins des personnages crédités, son showrunner a su distiller une grande forme du suspense autour de personnages secondaires iconiques tel que Nacho Varga (Michael Mando) et notamment la compagne de Jimmy / Saul (Bob Odenkirk) : Kim (Rhea Seehorn). Ainsi, après une montée en puissance aussi lente que passionnée, cette dernière saison plus longue de 3 épisodes démarre sur les chapeaux de roues. Traque, tension, faux-semblant, les événements s’intensifient et sont toujours divisés entre deux intrigues qui corrèlent parfois.
Après la tentative d’assassinat raté contre Lalo Salamanca (Tony Dalton) la tension monte au sein du Cartel tandis que Nacho tente de survivre au Mexique. De leur côté le duo Saul/Kim monte une stratégie pour mettre à mal l’antipathique avocat Howard (Patrick Fabian). Et pourtant, au terme du formidable 3ème épisode ‘’Rock and Hard Place’’ et d’une multitude de détails plus malin qu’anodins Nacho orchestre sa propre mise à mort afin de sauver l’intégrité de son père… De quoi recentrer ses dix derniers épisodes sur l’ultime revirement amenant à la lente transformation de Jimmy en Saul et des conséquences qu’elles amènent…
Et petit à petit, durant les 4 épisodes suivants – plus courts et léger mais maitrisés – les pièces s’empilent, les détails s’additionnent (d’un local flambant neuf à des méthodes peu orthodoxes envers des repris de justice pour l’inébranlable Saul Goodman), et le mid-season ‘’Plan & Execution’’ s’annonce fracassant. Celui-ci ne déçoit pas d’un iota, bien au contraire, et la chute d’Howard Hamlin – teasé dans les premiers instants de cette ultime saison – a bel et bien lieu.
Après un plan ingénieux mené à bien par notre irrésistible duo d’avocats, le redoutable Lalo Salamanca fait un retour tonitruant en s’introduisant chez les McGill et assassine Howard qui se tenait là… De quoi laisser le suspense entier entre la diffusion de ce 7ème épisode et du suivant, 7 semaines plus tard.
VOL. 2
Après un mid-season qui nous a laissé bouche-bée, BETTER CALL SAUL attaque sa dernière ligne droite dans un nouvel épisode percutant. Plutôt que désamorcer sa problématique ce 8ème épisode intitulé »Point and Shoot » nous plonge dans un cauchemar éveillé pour le couple star, confronté à un Lalo Salamanca déterminée à mettre son plan final à exécution. A ce stade les rebondissements meurtriers s’avèrent mince et pourtant la série parvient encore à nous surprendre grâce à une manœuvre scénaristique aussi simple que logique.
Durant la saison 2 de Breaking Bad, Saul revendiqué être un ami du Cartel et mentionné Lalo Salamanca au présent. Tout laissé croire que celui-ci avait donc survécu, comme la fin de la saison 5 nous le confirmé avec sa survie. Un suspense remanié et un nouveau jeu d’infiltration plus tard, cet épisode met alors en difficulté Gustavo Fring (Giancarlo Esposito) face à ce terrible tueur sanguinaire. Le patron magnanime de Los Pollos Hermanos parvient à tirer parti de la vanité de celui-ci et à l’abattre dans la confusion… Un sourire agonisant et sanglant plus tard le terrible et charismatique antagoniste tire ainsi sa révérence sous la caméra folle de Vince Gilligan, qui fait plus d’une prouesse durant l’épisode.
Une belle tromperie parfaitement orchestrée par ses scénaristes et qui s’achève par un enterrement dans l’anonymat au côté de sa dernière victime en date, Howard Hamlin. Un bel exemple encore de maîtrise de sa narration qui n’occulte pas sa partie émotion et ô grand jamais la réussite du thriller aux accents réaliste. Millimétré, il ne nous reste plus que 5 épisodes pour découvrir l’effrayant (?) destin qui attend l’attachante Kim Wexler.
Pourtant dans un épisode qui s’attarde sur les conséquences meurtrières survenus plus tôt, la série nous surprend encore. Elle donne d’abord une nuance toute particulière au glacial Gustavo, face à ses ennemis puis dans une scène inédite et plus intime. Tandis que le très professionnel Mike (Jonathan Banks) ne déçoit jamais dans son éthique comme son charisme de septuagénaire.
Et c’est encore Kim Wexler qui s’avère être au centre du plus inattendu rebondissement. Celle-ci – non sans une once d’ambiguïté et d’amour – quitte sa profession et Jimmy, qu’on retrouve dans les cinq dernières minutes dans la vie et le look qu’on lui connaît si bien depuis la saison 2 de Breaking Bad. Un saut temporel qu’on n’attendait pas et qui précipite la fin de saison sur quelque chose d’inédit.
BREAKING BAD
La preuve dans »Nippy » où l’on retrouve ensuite notre tête d’affiche (exclusivement) à Omaha, dans la peau de « Gene » le manager moustachu, plus Saul Goodman que jamais. Sous un beau noir et blanc, l’homme anxieux laisse place au génie de la magouille pour une nouvelle arnaque sous tension et millimétré afin de s’extraire d’une figure de son passé d’Albuquerque (Pat Healy). 50 minutes qui mélangent amusement, suspense et efficacité à défaut d’un rythme tonitruant.
La fin de saison (et de la série) nous amène précisément à la continuité et la fin de l’histoire de cet homme aux multiples facettes, aux multiples visages, aux multiples failles. En mixant beaucoup de présent en noir et blanc et quelques pans du passé avec une bonne dose de fan-service plutôt que d’utilité (avec les retours plaisants de Walter White (Bryan Cranston) et Jesse Pinkman (Aaron Paul)) BETTER CALL SAUL touche de près au génie dans son exécution narratif.
L’étau se resserre autour de Saul, Jimmy, Gene, et les erreurs s’accumulent. Durant l’avant dernier épisode « Waterworks » écrit et réalisé par Vince Gilligan on à la chance de découvrir la nouvelle vie de Kim en Floride, peu avant l’appel fatidique de Saul. Un choix a effet papillon comme toujours et qui va s’avérer décisif pour la finalité. Kim se délivre d’un poids, Saul sous-estime une vieille dame (Carol Burnett) qu’il pense manipulée sans conséquences. La cavale, puis la chute débute.
L’ultime épisode écrit et réalisé cette fois par Peter Gould s’intitule « Saul Gone » et il caractérise parfaitement l’état mental de notre tête d’affiche. De ces jeunes années de galère jusqu’à présent. Saul est fatalement arrêté, mais par le biais d’une esbroufe en toute logique négocie sa peine de perpétuité à 7 ans d’emprisonnement. L’élément perturbateur et rédempteur s’effectue naturellement avec le personnage de Kim et dans un ultime plaidoyer Saul se délivre lui aussi de sa culpabilité – et de son identité – en revendant sa liberté contre le pardon de son ex-femme. C’est aussi touchant que bien exécuté et nous amène à une fin douce et réaliste.
Avec ce final d’1h10 – ponctué de caméos – qui s’additionne à une saison grandiose BETTER CALL SAUL réussit l’exploit de transcender sa propre condition de série additionnelle pour en faire une œuvre fondamentale, délicieusement réalisée. Toute la réussite d’un récit dramatique minimaliste qui à su saisir nombreuses nuances des facettes humaines. Un petit chef-d’œuvre.
CONCLUSION
Les + :
- Une narration minimaliste, avec un sens du détail exemplaire, et sans faux raccords
- Des rebondissements meurtriers qui fonctionnent à la perfection
- Peu de personnages, mais diablement écrit
- Une fin idéal
Les – :
- Un sens du détail naturellement noyer dans un rythme parfois trop lent
- Peu de personnages
MA NOTE : 16.5/20
CRÉATEUR(s): Vince Gilligan & Peter Gould
AVEC: Bob Odenkirk, Jonathan Banks, Rhea Seehorn, Michael Mando, Giancarlo Esposito, Patrick Fabian, Tony Dalton,
mais aussi : Ed Begley Jr., Jessie Enis, Tina Parker, Pat Healy, Sandrine Holt, avec Carol Burnett, et Mark Margolis,
special guests stars : Aaron Paul, Michael McKean, Betsy Brandt, et Bryan Cranston (…)
EPISODES: 13 / Durée : 52mn ANNÉE DE DIFFUSION: 2022
GENRE : Drame, Thriller CHAÎNE DE DIFFUSION : AMC / Netflix
[…] MA NOTE : 16.5/20 – MA CRITIQUE : ICI […]