ANORA

EN DEUX MOTS : bien avant Beetlejuice Beetlejuice et le Megalopolis de Francis Ford Coppola (présent lors du festival), ANORA était probablement l’un des événements majeurs de ce 50ème festival du cinéma américain de Deauville. À mes yeux. Un énième rescapé de Cannes, mais pas n’importe lequel puisqu’il s’agit aujourd’hui de la précieuse Palme d’Or… Une avant-première en or donc, et qui survient 1 mois et demi avant sa sortie en salle officielle, le 30 octobre.

Ano­ra, jeune strip-tea­seuse de Brook­lyn, se trans­forme en Cen­drillon des temps modernes lorsqu’elle ren­contre le fils d’un oli­garque russe. Sans réflé­chir, elle épouse avec enthou­siasme son prince char­mant ; mais lorsque la nou­velle par­vient en Rus­sie, le conte de fées est vite mena­cé : les parents du jeune homme partent pour New York avec la ferme inten­tion de faire annu­ler le mariage…

ANORA, ce sont plusieurs consécrations à la fois. D’abord, celle de son réalisateur, scénariste, monteur… Sean Baker. Cinéaste indé, mais lorgné depuis de nombreuses années entre Cannes et Deauville. (son Tangerine, que j’ai découvert durant le Festival, à notamment remporté le Prix du Jury en 2015). Ensuite la consécration omniprésente des travailleurs du sexe, qui demeure l’une des dominations de l’ensemble de ses œuvres. Et enfin la consécration d’une nouvelle révélation – Mikey Madison – dont son personnage donne son nom au film. (Et dont le festival a décerné une distinction « nouvel Hollywood »).

Dans le cadre du 50ème festival du cinéma américain de Deauville, retour sur quelques films que j'ai eu l'occasion de voir durant l'événement. Cette fois, le vendredi 13 septembre 2024. 
Ici, l'avant-première de la Palme d'Or du festival de Cannes, que j'ai vu en séance différée pour clôturer la soirée. Assurément, le seul film un peu à part lors de l'événement.

Cendrillon, pour ses (25) ans…

Celle que j’ai découverte personnellement en 2022 dans SCREAM (communément appelé Scream 5) et qui m’avait marqué déjà à l’époque, trouve un rôle à sa mesure aujourd’hui. La prestation de la jeune Américaine traverse en effet ce long film de 2h18, dans une relecture de conte de fées entre drame et comédie.

Le réalisateur Sean Baker filme cette féminité qui semble dégradante comme personne. Et quand je parle de dégradation, il s’agit évidemment de l’illustration de l’industrie du plaisir (sous toutes ses formes) et non pas une opinion personnelle. Toujours est-il que devant sa caméra, c’est cette fois la belle Mikey Madison qui se met à nu et dont le physique et la peau cristalline colle parfaitement au profil d’Anora. Strip-teaseuse débrouillarde, qui sait y faire avec des clients en tous genres.

On est rapidement dans le bain avec un film de Sean Baker et celui-ci n’y fait pas exception (et nous y laisse) malgré sa durée colossale de presque 2h20. Le metteur en scène accouche d’un film ambitieux en trois parties distinctes. La première est une plongée dans un monde (et une génération) d’insouciance et de fête. Durant celle-ci émerge, soirée après soirée, prestations sexuelles après prestations sexuelles, l’idylle un peu folle d’Anora (ou Ani) et du jeune trublion Ivan (Mark Eydelshteyn).

Cendrillon, pour ses 20 ans
Est la plus jolie des enfants
Son bel amant, le prince charmant
La prend sur son cheval blanc
Elle oublie le temps
Dans ce palais d’argent
Pour ne pas voir qu’un nouveau jour se lève
Elle ferme les yeux, et dans ses rêves

Elle part
Jolie petite histoire
Elle part
Jolie petite histoire

Paroles de la chanson Cendrillon par le groupe Téléphone

Very Sad Trip

Puis le film bascule dans sa meilleure partie (à mes yeux) via un trip complètement fou à travers différents décors. Maison de luxe, Coney Island en plein hiver, clubs et restaurants de Manhattan. Qu’importe le lieu, c’est la nouvelle dynamique du film qui fait foi, pour une aventure aussi folle que jouissive. Dans sa position incongrue, Anora et ses trois « ravisseurs » (pour ne pas trop en dire) seront à même de faire rire aux éclats grâce à un potentiel comique bluffant.

D’Igor, le body-guard introverti et bienveillant (Youri Borissov, fantastique), à l’arménien Garnyck (Vache Tovmasyan) ressort comique à lui seul, jusqu’au chevronné Toros (Karren Karagulian) et ses crises d’humeurs excessive. Son casting, restreint, contribue à la réussite du film. (Mention également à la plus tardive, mais formidable actrice russe Daria Ekamasova, belle et glaciale à souhait). Film qui n’en oubli pas sa nature dramatique pour autant…

Car ANORA demeure une comédie dramatique. Ou un drame teinté de beaucoup d’humour, c’est au choix. Qu’importe sa réelle dénomination, le film s’avère tellement excitant que sa chute est un crève-cœur de pragmatisme. Sean Baker met ainsi en scène un film aussi étonnant que touchant. Monté sur ressort, puisqu’il y varie les tempos, il y capte l’énergie d’une mégalopole hétérogène sous un froid glacial.

Pourtant ANORA fait chaud au cœur. Avant de nous le resserrer. Et puis qu’importe ses caractères aussi imparfaits qui y tourbillonnent, le réalisateur et scénariste donne une visibilité sur la nature du monde : lorsque les grands écrasent les petits.

CONCLUSION

Avant toute chose, c’est le caractère d’Anora, de sa combativité jusqu’à une émotion sincère qui transpire de son personnage qui fait mouche ici. Nous avale. Et nous donne envie de pleurer avec elle. Prends en de la graine Disney, la princesse des temps modernes a eu une Palme d’Or cette année.

Les + :

  • Une œuvre complète et aboutie signée Sean Baker. À la fois réalisateur, scénariste et monteur, il donne la direction, la richesse et le tempo exacte a cette relecture d’un conte de fées désenchantée.
  • Malgré une longueur conséquente, cette comédie dramatique épate par sa fluidité et son changement de rythme étonnant. Du conte de fées des temps modernes à la démesure évidente, à son trip new-yorkais jouissif jusqu’à l’inévitable pente descendante..
  • Un casting brillant. De la révélation Mikey Madison, à la sensualité évidente sous la caméra du réalisateur, jusqu’à l’étonnant trio secondaire qui va l’accompagner ensuite.
  • Un humour salvateur et sincère qui se couple à une vérité dramatique et pragmatique.

Les – :

  • Quelques caractéristiques techniques qui l’empêchent de nous éblouir, malgré sa richesse et ses décors et son atmosphère bien exploités.
  • Après autant d’humour, cette amertume réaliste fait mal au cœur. (Certes, cela peut être une force, mais quand même.)

MA NOTE : 16.5/20

Les crédits

RÉALISATION & SCÉNARIO : Sean Baker

AVEC : Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Yura Borisov, Vache Tovmasyan, Karren Karagulian, Ivy Wolk, Daria Ekamasova, Lindsey Normington, et Alexeï Serebriakov (…)

DURÉE : 2h18 / DIFFUSION (Festival) : 12 septembre 2024 / SORTIE (France) : 30 octobre 2024

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