EN DEUX MOTS : De grands noms ne font pas toujours de grands projets. Devenue reine dans les productions TV accompagnées de grands noms sur l’affiche, Apple tv+ arrive à une année charnière de son développement. Avec un ratio étourdissant de nouveautés prestigieuses présentés, la chaîne n’aligne pourtant pas que des pépites. Hélas. Bien que j’applaudisse son entrain général. Après la décevante série limitée Lady in the Lake (avec Natalie Portman) ou l’assez peu poilante Bad Monkey (avec Vince Vaughn), DISCLAIMER s’impose néanmoins comme une nouveauté de choix pour l’automne.
Outre l’immense Cate Blanchett comme tête d’affiche (au côté du délicieux et sous-estimé Kevin Kline), cette nouvelle mini-série marque surtout le retour du génialissime réalisateur Alfonso Cuarón. Et ce, 6 ans après son très personnel Roma. Le metteur en scène visionnaire de Gravity ou Les Fils de l’Homme (pour ses projets internationaux) revient aux manettes (complète) d’un thriller psychologique intrigant. Et surprenant.
Catherine Ravenscroft est une journaliste reconnue et réputée pour mettre en lumière les méfaits et transgressions des autres. Lorsqu’elle reçoit par courrier le roman d’un auteur inconnu, elle réalise avec horreur qu’elle est désormais le personnage principal d’une histoire qui expose ses secrets les plus sombres. Tandis que Catherine s’efforce de découvrir la véritable identité de l’auteur du roman, elle est contrainte d’affronter son passé avant que celui-ci ne détruise sa vie et n’affecte son époux Robert et leur fils Nicholas.
AlloCiné
En adaptant le roman « Révélée » de Renée Knight (2015), le Mexicain réalise et écrit l’intégralité de 7 épisodes qui compose la série limitée. De quoi fantasmé un show d’exception par celui qui s’est imposé comme un metteur en scène virtuose. En débutant sa diffusion, comme à son habitude, par plusieurs épisodes (2, dans le cas échéant), la chaîne lève le voile sur un objet plus dense qu’il n’y parait.
La preuve, après un pilote en demi-teinte, son deuxième épisode m’a happer par son mélange de tons. Dès lors, DISCLAIMER s’est révélé comme un objet de cinéma unique. Alors, à l’affirmation « de grands noms ne font pas toujours de grands projets » : non, indéniablement. Mais parfois oui, assurément.
*Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou mortes (n’)est (pas) une coïncidence.
IS NOT A COINCIDENCE.
De son titre à sa définition altérée de la vérité, DISCLAIMER joue entre la réalité et la fiction. Un parallèle qui s’applique à plusieurs niveaux, puisqu’elle touche même le spectateur sur sa perception du récit, mais aussi envers ses protagonistes. Sous une sublime mise en scène, c’est exactement ce qui fait son charme malgré des débuts déstabilisant.
Entre drame et thriller, avec même quelques belles touches d’humour noir, la série s’ouvre assez naturellement, calmement, mais sous plusieurs points de vue. Cette vue d’ensemble s’avère tout d’abord un frein dans son montage, puis devient une force dès son second épisode. Pour cela, elle use d’un instrument narratif simple : une cause à effet. Ou plus simplement : tout acte implique des conséquences. Mais une question subsiste : pourquoi sont-ils commis ?
Lorsque la culpabilité envahit la vie de Catherine, le drame jouit d’une ironie funeste délectable. Qui plus est, Alfonso Cuarón use de la voix-off comme d’un outil d’efficacité relative. De sa transposition du roman à l’écran, pour le fil de pensées des personnages, mais aussi pour brouiller notre sens des réalités, de la morale.
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Ainsi, l’enivrante voix d’Indira Varma compose celle de la mystérieuse narratrice. Tandis que la seconde tête d’affiche, Kevin Kline, se place comme un second narrateur. Ce dernier évolue physiquement en marge de Catherine et contribue a son calvaire. Le septuagénaire, que je n’avais pas revu depuis le classique Wild Wild West, fait preuve d’une force comique impressionnante. Et ce, malgré une histoire de vengeance peu commune.
Comme je l’évoquais plus haut, ce changement de ton – tragi-comique – vogue avec brio vers le thriller. DISCLAIMER parvient à surprendre, et notamment par la suite. De plus, la mini-série dispose d’une enveloppe de charme incroyable. De ses décors londoniens jusqu’à l’Italie. Un charme britannique qui s’étend à sa distribution (anglaise, australienne ou américaine pourtant) et brille sous la caméra du réalisateur Mexicain. Ce qui n’est pas une coïncidence…
Sous une mise en scène hybride et merveilleuse, Alfonso Cuarón use également de changement de ton astucieux. De quoi capturé la détresse de ses personnages, mais aussi leurs laisser de l’espace et jouir de ce qui les entoure. Et pour combler l’espace et un format peu encombrant (et idéal de moins de 6 heures) le réalisateur s’entoure d’une petite distribution de choix.
TO PERSONS LIVING OR DEAD.
Au centre du récit, la présence d’abord ponctué avec parcimonie de Cate Blanchett est savoureuse. L’actrice de 55 ans, dont la carrière ne cesse de surprendre, est éblouissante dans sa (fausse ?) fragilité. En plus d’une beauté naturelle étourdissante, l’australienne parvient à insuffler une détresse sensoriel fondamentale à son caractère. C’est toute la justesse de la perception du récit, qui fait d’elle une héroïne, une mère, complète quant arrive sa conclusion. Un monologue bouleversant plus tard, DISCLAIMER à su berner le spectateur avec douceur. Et amertume.
Face à elle, Kevin Kline est donc délectable, et Lesley Manville prouve tout son talent d’interprète britannique en mère endeuillé. Sacha Baron Cohen, quant à lui, s’avère parfait en mari bafoué, puis pitoyable. (un changement de registre forcément plaisant pour cet acteur et auteur de comédie grasse). A noter la présence non-négligeable du jeune Kodi Smit-McPhee dans la peau de Nicholas, fils toxicomane et imbuvable, mais à l’implication déterminante.
Enfin, on ne peut occulter le troisième point de vue du show qui présente le disparu Jonathan et une Catherine plus jeune de vingt ans.
Le Britannique Louis Partridge de 21 ans est tout d’abord très convaincant dans ce mélange de fougue et de pudeur, mais c’est l’actrice australienne Leila George qui surprend le plus. La narration lui offre un portrait plein de sensualité et de mystère, mais, à l’instar du portrait de Catherine joué par Cate Blanchett, son profil se révèle plus surprenant sous un certain point de vue…
Conclusion
Car oui, DISCLAIMER s’avère fatalement bien plus qu’un simple thriller dramatique & tragi-comique. Malgré une certaine efficacité, celle d’un bon roman de gare réconfortant, la présence du metteur en scène n’est pas anodine. Alfonso Cuarón nous interroge ici sur l’image préconçue d’une situation qui se révèle inéluctablement plus nuancée que l’apparente vérité. C’est toute la prouesse du show, qui, dans sa dernière ligne droite apporte un narrateur supplémentaire à son histoire et bouleverse l’équilibre.
Dans sa finalité, DISCLAIMER sera peut-être à double tranchant. Pour certains décevant. Pour d’autres bouleversant. Il y a une poésie amère derrière tout ça, qui m’a personnellement touché. Croyez moi, vous n’entendrez plus jamais le bourdonnement d’un réfrigérateur agonisant de la même manière. « Pourquoi vous n’avez rien voulu savoir ? » Tel est la question qui résonne aux oreilles des téléspectateurs. Et c’est toute la magie d’un récit bien ficelé.
Les + :
- La présence toute entière du réalisateur Alfonso Cuarón à l’écriture et à la mise en scène. Celui-ci accouche d’un drame à la plastique merveilleuse.
- Un savant mélange de drame et de thriller (également traversé d’ironie dans sa première partie) qui joue sur la perception du récit.
- Sa transposition narrative du roman à l’écran dans une écriture qui use de plusieurs voix off et plusieurs points de vue judicieusement.
- Une partie flashback fabuleuse, entre romance torride et mal-être.
- Un casting restreint, mais savamment interprété.
- En tête, l’impériale Cate Blanchett, suffisamment en retrait pour d’autant plus convaincre en dernière partie. De l’autre, le septuagénaire Kevin Kline dans une composition irrésistible de vieux vicieux revanchard.
- Son twist amer qui bouleverse le fin équilibre du récit.
Les – :
- Un pilote, aux premiers abords difficile à suivre pleinement.
- Une certaine restriction due à sa plus simple forme et une intrigue faussement simple. Celle-ci surfe tout de même durant 5 épisodes sur une efficacité relative.
- Un twist à double tranchant.
MA NOTE : 16.5/20
Les crédits
CRÉATEUR : Alfonso Cuarón
AVEC : Cate Blanchett & Kevin Kline…, Sacha Baron Cohen, Lesley Manville, Louis Partridge, Leila George, Indira Varma, et Kodi Smit-McPhee (…)
ÉPISODES : 7 / Durée moyenne : 48mn / DIFFUSION : 2024 / CHAÎNE : Apple TV+