GEN V – saison 2

Quand le sang neuf devient tiède

Fort du succès indéniable de The Boys sur Amazon Prime, la plateforme lançait en 2023 un spin-off inédit de son univers super-héroïque : Gen V. Avec cette série dérivée, la firme parvenait à conserver son élan satirique dans un environnement inédit et plus teenage. Un pari risqué, mais qui apportait un vent de fraîcheur bienvenu à son univers. En s’achevant sur un cliffhanger explosif et un chaos prometteur, cette première saison disposait de tous les atouts pour une suite réussie.

Tristement, la production a été profondément impactée par la disparition de l’un de ses acteurs principaux, Chance Perdomo, ce qui a entraîné une réécriture conséquente de cette deuxième salve. Ce qui est certain, c’est que cette saison renforce concrètement son lien avec la série mère, agissant comme une passerelle entre ses saisons 4 et 5 (cette dernière étant annoncée comme la conclusion de The Boys).
Au programme : le retour du casting original, un nouveau guest de choix, et de nombreux caméos toujours savoureux issus de la série principale.

Alors que le reste de l’Amérique s’adapte à la poigne de fer de Homelander, à l’université de Godolkin, le mystérieux nouveau doyen prêche un programme qui promet de rendre les étudiants plus puissants que jamais. Cate et Sam sont des héros célèbres, tandis que Marie, Jordan et Emma retournent à l’université à contrecœur, accablés par des mois de traumatisme.

Mais il est difficile de s’intéresser aux fêtes et aux cours alors que la guerre se prépare entre les Humains et les Supers, autour du campus. La bande apprend l’existence d’un programme secret qui remonte à la fondation de l’Université et dont l’implication pourrait avoir de grandes conséquences…

La saison 2 de Gen V se veut plus mature, à l’image de ses jeunes supes, désormais confrontés à des enjeux plus graves. Mais est-ce suffisant pour réitérer la bonne surprise de la première saison ? Ou la série plie-t-elle sous la pression d’une production chamboulée ?
Difficile de le dire tant le vide laissé par le personnage d’Andre — volontairement non recasté, une décision humble et respectable — pèse sur l’équilibre du récit.

Dans les faits, cette seconde aventure rétropédale et manque cruellement de mordant. C’est particulièrement flagrant dans sa première moitié de saison, avant que la seconde ne redresse légèrement la barre. Hélas, comme The Boys qui, à mes yeux, s’enlise depuis sa quatrième saison, Gen V 2 finit par perdre en intérêt.

Heures de colle

Dès son épisode de reprise, la série expose ses limites. Bien qu’elle introduise un nouveau mystère qu’elle prend ensuite le temps de résoudre, cette suite tente maladroitement de rebâtir ses fondations. L’emprisonnement de nos jeunes héros est balayé d’un revers de main pour laisser place à une nouvelle intrigue, sans réelle transition.

Les événements passés — dont la mort d’Andre — sont relégués hors champ, privant le récit de toute tension dramatique. Si la série rend hommage à l’acteur disparu à travers quelques témoignages sincères, les thématiques abordées paraissent aujourd’hui traitées en pilote automatique : pouvoir et abus, traumatismes et culpabilité, identité de genre… autant de sujets qui peinent à trouver de vraies nuances.

Les premiers épisodes enchaînent sans inspiration les excès gores et satiriques typiques de l’univers de The Boys. Certaines trouvailles frôlent même le ridicule (une chèvre surnommée Elon Musk ?). Le ton adolescent et irrévérencieux tourne ici au lourdingue, tandis que le campus, autrefois terrain fertile pour la satire, ne dégage plus aucun intérêt.

Le véritable atout de cette saison réside dans l’arrivée du nouveau doyen de Godolkin : le mystérieux Cipher, incarné par Hamish Linklater. Son interprétation apporte une réelle densité, et les thématiques qui l’accompagnent — doctrine institutionnelle, manipulation, racisme systémique — enrichissent temporairement le propos.

“Résiste”… mais pas à la tentation de s’étirer

Mais ces bonnes idées sont rapidement étouffées par une structure narrative bancale. Probablement handicapée par la réécriture forcée et le roulement de scénaristes (aucun des trois showrunners initiaux n’est resté en place), la saison 2 peine à maintenir une cohérence d’ensemble. La série tempère à l’excès, avant de se recalibrer en fin de parcours, cherchant à tout prix à se raccrocher à The Boys… quitte à diluer sa propre identité.

Après trois épisodes laborieux, puis une diffusion hebdomadaire, Gen V peine à instaurer un rythme entraînant. Le format reste inchangé et idéal pour le genre (8 épisodes d’environ 45 minutes), mais le souffle n’y est plus.

Malgré le charisme de Jaz Sinclair, le peps de Lizze Broadway ou le potentiel de Maddie Phillips, difficile de se passionner pour cette jeune distribution, prisonnière d’une écriture redondante. Leurs pouvoirs comme leurs arcs émotionnels stagnent.
En revanche, la série a la bonne idée de mettre davantage en lumière Polarity (Sean Patrick Thomas), le père d’Andre, pour compenser l’absence de ce dernier.

Sur le plan visuel, Gen V 2 reste fidèle à son aînée : effets spéciaux corrects, abondance d’hémoglobine, mais décors ternes et sans âme. L’école, pourtant centrale, semble désormais vidée de toute atmosphère.
Le manque d’humour noir et la violence gratuite n’aident pas à masquer le déficit de subtilité, tandis que l’unification forcée du groupe principal réduit tout potentiel dramatique.


Conclusion

Sans être un échec total, cette suite s’impose comme une déception cuisante. Une impression renforcée par les attentes suscitées par la première saison, et par la fatigue progressive ressentie vis-à-vis de The Boys, dont l’intérêt satirique initiale s’essouffle.
Malgré la compassion évidente liée aux circonstances de production, la série ne parvient pas à dépasser ses failles : manque de surprise, de risque, de mordant, de finesse.

Et avec le développement déjà annoncé d’autres dérivés (The Boys: Mexico et un préquel), difficile d’imaginer un avenir radieux pour cette saga qui, à force de vouloir s’étendre, semble avoir oublié ce qui faisait sa force : l’irrévérence, la lucidité et la rage.


EN DEUX MOTS : Gen V saison 2 peine à réitérer la fraîcheur et l’insolence de ses débuts. Affaiblie par une production chamboulée, une écriture déséquilibrée et un ton qui s’égare entre satire et caricature, la série perd le mordant qui faisait son intérêt. Si quelques éclairs d’intelligence subsistent — notamment grâce à Hamish Linklater et à une volonté d’approfondir certains thèmes politiques — l’ensemble reste trop inégal pour convaincre.
Un spin-off qui se regarde sans déplaisir, mais qui symbolise surtout la fatigue d’un univers qui tourne désormais en rond.

MA NOTE : 2.5/5


🎯 Les points forts

  • Un ton plus politique et ambitieux : la série tente d’explorer la manipulation institutionnelle, le pouvoir et la hiérarchie entre humains et supes.
  • La performance d’Hamish Linklater (Cipher) : charismatique et mystérieux, il apporte une vraie densité à cette saison.
  • Un hommage sincère à Chance Perdomo, traité avec pudeur et respect.
  • Quelques fulgurances visuelles et thématiques, rappelant parfois la verve de The Boys.
  • Une passerelle cohérente vers la suite de la série mère, malgré ses maladresses.

⚖️ Les points faibles

  • Une écriture profondément déséquilibrée, conséquence directe de la réécriture post-drame : les intrigues s’enchaînent sans cohérence, certaines pistes disparaissent purement et simplement.
  • Un rythme en dents de scie : les trois premiers épisodes peinent à accrocher, la seconde moitié redresse timidement la barre.
  • Des thématiques traitées en surface : pouvoir, identité, trauma — tout est coché, rien n’est approfondi.
  • Un humour noir devenu forcé, voire puéril ; la satire perd en mordant au profit d’un grotesque sans fond.
  • Des décors et une direction artistique sans relief, qui rendent l’univers visuellement fade.
  • Des personnages principaux sous-exploités : les arcs de Marie, Emma ou Jordan stagnent ; la dynamique de groupe est inexistante.
  • Une dépendance excessive à The Boys : la série perd sa voix propre pour servir de passerelle narrative.
  • Un manque global de tension dramatique, renforcé par des dialogues mécaniques et des émotions superficielles.
  • Une identité en perte de vitesse, symptomatique d’un univers étiré à l’excès, au risque de s’autoparodier.

Les crédits

CRÉATEURS : Craig Rosenberg et Evan Golberg & Eric Kripke

AVEC : Jaz Sinclair…, Maddie Phillips…, Lizze Broadway, Derek Luh, London Thor, Sean Patrick Thomas, Asa Germann, et Hamish Linklater,

mais aussi : Ethan Slater, Alexander Calvert, Keeya King, Maia Jae, Zach McGowan, Stephen Kalyn (…)

specials guest stars : Erin Moriarty, Chace Crawford, Nathan Mitchell, Jessie T. Usher, Susan Heyward, Valorie Cury, et Giancarlo Esposito

ÉPISODES : 8 / Durée moyenne : 48mn / DIFFUSION : 2025 / CHAÎNE : Amazon

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