
Un an seulement après une deuxième saison farouchement imparfaite, mais audacieuse dans sa volonté de se renouveler, la saga anthologique MONSTER revient pour s’imposer dans un catalogue Netflix déjà bien fourni en nouveautés. La rentrée et l’automne s’annoncent définitivement morbides, d’autant que cette troisième saison s’intéresse à nouveau, après Jeffrey Dahmer, à un type de monstre particulièrement déviant. Après le cannibale, place à l’inspiration même de l’horreur moderne avec l’histoire d’Ed Gein.
3ème volet de la série d’anthologie de Ryan Murphy et Ian Brennan sur les monstrueux criminels qui ont marqué notre société axé cette fois sur le célèbre tueur en série Ed Gein.
Tueur en série. Profanateur de tombes. Psychopathe. Dans les champs gelés de la campagne du Wisconsin des années 50, un reclus amical et discret nommé Eddie Gein vit paisiblement dans une ferme en ruine, abritant une véritable maison des horreurs, si macabre qu’elle allait redéfinir le cauchemar américain. Animés par l’isolement, la psychose et une obsession dévorante pour sa mère, Gein et ses crimes pervers ont donné naissance à un nouveau type de monstre, destiné à hanter Hollywood pendant des décennies. De « Psychose » à « Massacre à la tronçonneuse » en passant par « Le Silence des agneaux », le sinistre héritage de Gein inspire ainsi la création de nombreux monstres fictifs, et suscite une fascination culturelle pour les criminels déviants. Ed Gein n’a pas seulement influencé un genre, il est devenu le prototype de l’horreur moderne.

Un portrait aussi dérangeant que fascinant, qui, comme le souligne le synopsis, a façonné et inspiré certains des monstres les plus iconiques du cinéma : Norman Bates (Psychose), Leatherface (Massacre à la tronçonneuse) ou encore Buffalo Bill (Le Silence des Agneaux). Autant de parallèles qui seront largement explorés au fil des épisodes, qu’il s’agisse de la figure maternelle qu’il idolâtre, de la transidentité, des costumes en peau humaine ou de la folie meurtrière à la tronçonneuse.
En situant son action entre les années 1940 et 1950, dans le Wisconsin enneigé, cette troisième saison renoue avec une ambiance glaciale et typiquement américaine. Mais c’est surtout sa déviance à l’état pur qui marque, à travers la dissection minutieuse des événements macabres. Le profil d’Ed Gein — incarné par Charlie Hunnam — puise d’ailleurs ses racines dans des inspirations bien réelles, notamment certaines horreurs commises durant la Seconde Guerre mondiale.
Mais entre ces influences multiples et la volonté d’embrasser trop de pistes, la série ne finit-elle pas par se disperser au lieu de véritablement nous glacer le sang ? Pour ma part, c’est exactement le cas.

Loneliness
Cette nouvelle anthologie de huit épisodes (contre dix pour la première et neuf pour la seconde) présente également une particularité en coulisse : le célèbre duo Ryan Murphy / Ian Brennan se sépare (brièvement ?), laissant cette fois Brennan seul aux commandes. Il signe tous les scripts et réalise trois épisodes. Une vision peut-être plus étriquée — bien que Murphy reste producteur — mais qui semble orienter la saison sur de mauvais rails.
Pourtant, son créateur a de la bouteille, notamment lorsqu’il s’agit d’explorer des profils traumatiques et sexuellement tourmentés. Le terrain était vaste, peut-être trop, et c’est justement ce qui fait défaut à cette saison, comme on le constate dès le deuxième épisode.
L’histoire d’Ed Gein souffre d’un montage décousu, provoquant des cassures de ton et quelques incohérences flagrantes de sa construction. L’intention du scénariste — illustrer la chaîne de causalité menant aux actes du tueur névrosé — est claire, mais l’exécution échoue à trouver un équilibre.

On pourrait se raccrocher à la prestation de Charlie Hunnam, méconnaissable avec ses mimiques et sa voix d’enfant, à mille lieues de son rôle de biker ténébreux dans Sons of Anarchy. Seulement, face à des personnages très marqués — une mère fanatique et puritaine (Laurie Metcalf), la « chienne de Buchenwald » (Vicky Krieps) ou encore un Alfred Hitchcock caricaturé (Tom Hollander, méconnaissable) — l’intrigue vire vite à la foire aux monstres.

Un modèle pour ses pairs
Cela reflète bien les limites de cette adaptation, coincée entre fantasmes et spéculations. Malgré la clarté de certains symboles — notamment la figure maternelle, centrale et fondatrice — le récit peine à donner de la profondeur à ses seconds rôles. La terrible nazie, censée incarner la source d’inspiration d’Ed, reste creuse, tout comme la plupart des personnages secondaires, à l’exception d’Adeline (Suzanna Son).

Il y a donc, certes, des portraits féminins fondateurs et inspirés, mais qui aurait mérités plus d’éclairages. Et probablement une écriture plus peaufiné et moins fantasque envers eux. Ce rapport conflictuel à la mère, et la névrose qui en découle, ont, dans tous les cas, inspiré Hitchcock, puis Tobe Hooper avec un antagoniste plus viscéral grâce à l’horreur des masques en peau humaine. Mais Monstre souffre ici d’un trop-plein : à vouloir tout montrer rapidement, la série dilue son intensité là où elle aurait pu resserrer son malaise.
L’un des points forts annoncés — l’horreur frontale — se retourne d’ailleurs contre elle. Là où Dahmer péchait par pudeur, Ed Gein se veut plus cru, évoquant sans détour profanations de tombes, dépeçages humains ou nécrophilie. Pourtant, à l’écran, l’horreur ne prend pas : la mise en scène verse souvent dans le caricatural, voire le grotesque, notamment dans les maquillages. L’émotion et le malaise se perdent, là où la terreur aurait dû nous happer. Dommage.

Conclusion
C’est affreusement décevant, parfois foutraque, et la série s’étire inutilement. Ses derniers épisodes en sont le parfait reflet : ambitieux, riches en points de vue, mais douloureusement bancals et un peu ronronnant. Et pourtant la série rend même assez profonde la rédemption de sa tête d’affiche.
Son final évoque même un mauvais remake de Mindhunter (autre production Netflix, ironie du sort). On comprend bien l’influence d’Ed Gein sur ses pairs, mais la série, elle, n’est pas à la hauteur de son sujet. À l’image de son monstre au portrait édulcoré, Monstre : L’histoire d’Ed Gein échoue à dresser une figure réellement dérangeante, perdue entre hallucination et lucidité. Encore une fois, dommage.

EN DEUX MOTS : Avec cette troisième saison consacrée à Ed Gein, Monstre confirme à la fois son ambition et ses limites. Si la série bénéficie d’un sujet fascinant et d’une ambiance poisseuse à souhait, elle s’enlise trop souvent dans une démonstration confuse, prisonnière de sa propre fascination pour l’horreur. En voulant tout embrasser — le trauma familial, les racines historiques, les influences cinématographiques — Ian Brennan signe une œuvre ambitieuse mais désordonnée, incapable de trouver une ligne claire entre réalisme et psychose.
Malgré un Charlie Hunnam surprenant et des choix visuels parfois saisissants, la série manque d’un véritable frisson. Là où Dahmer savait susciter le malaise par la retenue, Ed Gein échoue à provoquer l’effroi malgré son imagerie plus macabre. Le résultat est un récit trop éclaté et qui, au final, laisse plus de frustration que de fascination. En somme, Monstre : L’histoire d’Ed Gein s’impose davantage comme un exercice de style que comme une plongée authentiquement dérangeante dans la folie humaine. L’intention est là, mais l’exécution, elle, reste terriblement vacillante.
MA NOTE : 13/20

Les crédits
CRÉATEUR : Ian Brennan
AVEC : Charlie Hunman, Suzanna Son, Vicky Krieps, Tom Hollander, avec Lesley Manville, et Laurie Metcalf,
mais aussi : Robin Weigert, Charlie Hall, Tyler Jacob Moore, Alanna Darby, Will Brill, Joey Pollari, et Olivia Williams (…)
ÉPISODES : 8 / Durée moyenne : 55mn / DIFFUSION : 2025 / CHAÎNE : Netflix