
EN DEUX MOTS : 3 ans après la petite bombe horrifique BARBARIAN (ou Barbare chez nous), le remarqué Zach Cregger réitère l’exercice dans un deuxième long-métrage prometteur. Ironiquement, si son premier film avait été boudé des studios, mais avait pourtant rencontré un beau succès, son nouveau film (qu’il scénarise donc) à donner lieu à une bataille d’enchère qui lui a, dès lors, apporter un budget confortable.
C’est donc avec des ambitions renouvelées et la ferme intention de (re)bousculer le cocotier du genre balisé de l’épouvante-horreur que WEAPONS (ou de son titre français un peu naze « Évanouis« ) débarque, en grande pompe, en salles pour l’été. (et non en streaming, sur Disney + comme son prédécesseur).
Synopsis
Lorsque tous les enfants d’une même classe, à l’exception d’un, disparaissent mystérieusement la même nuit, à la même heure, la ville entière cherche à découvrir qui — ou quoi — est à l’origine de ce phénomène inexpliqué.
Fort d’un postulat très intrigant et d’une durée colossale (pour le genre) de plus de deux heures, Weapons jouit d’un processus de création très engagé de la part du réalisateur. Celui-ci a même été contraint de revoir sa copie après le renouvellement (quasi) complet de son casting, au moment des grèves de l’industrie hollywoodienne, en 2023.

Si Josh Brolin succède par exemple à l’overbooké Pedro Pascal (qu’on voit absolument partout, et notamment cet été), ou Alden Ehrenreich au génial Tom Burke, je me réjouissais de la présence de Julia Garner dans le rôle de l’instit’ prise au cœur du chaos. Et si le casting a ici son importance, c’est parce que Zach Cregger lui accorde une place capitale au sein du récit. Mais avant d’en dire plus, Weapons demeurait donc mon film d’horreur le plus attendus de l’été. Et peut-être même de l’année. Tout simplement.
Quand est-il au bout du compte ? Le film mérite-t-il son statut engageant et son metteur en scène parvient il à nous bousculer ? (encore une fois). Oui et peut être pas. Mais il pourrait vous étonner.
Pour écouter la critique AUDIO (et sans spoilers) du film, je vous invite à cliquer sur le lien : ICI.

Attention, la suite contient des spoilers ! (éludés, mais tout de même explicites)
Le récit est une arme.
Certains pourraient dire que la bande-annonce bien troussée du film est mensongère. Et sur un point précis, ils auraient raison. Weapons à beau être qualifié d’œuvre horrifique à bien des égards, elle fait preuve d’une tonalité déconcertante. Loin de vouloir contenter ou de s’abreuver des productions du genre, le nouveau film de Zach Cregger place régulièrement son horreur en plein jour, fait preuve de changements de tonalités parfois peu commune et use d’un humour régulièrement sarcastique.
Quand on sait que l’homme derrière la caméra a d’abord été humoriste avant d’être réalisateur, les points se relient. Toutefois, oser n’est pas tout, le film se devait de montrer une cohérence dans sa démonstration de mélange des genres. Si les genres du thriller et de l’épouvante prévalent, son humour noir résonne ainsi à travers ses personnages. Le metteur en scène ne s’est d’ailleurs pas caché s’être largement inspiré du film Magnolia pour sa construction narrative. Et dans cela, le récit a donc la particularité de multiplier les points de vue.

L’instit’, le père, le flic, le junkie, le proviseur, l’élève (et la tante).
6 points de vue pour (globalement) 7 personnages majeurs, le film n’a pour le coup pas voler sa durée conséquente. Sous la voix angélique de sa narratrice, Weapons nous amène rapidement au cœur de son sujet ainsi que son premier point de vue, à savoir son instit’ esseulée. Le film semble tout d’abord suivre un cheminement assez linéaire, tout en distillant quelques touches de mystères, tandis que sa première partie se poursuit sous un rôle opposé, en la personne de Josh Brolin.
[Rapide revus des faits]
La frêle et jeune Julia Garner (assurément parfaite), s’efface un temps au profit de l’imposant acteur américain (peut-être un peu vieux pour le rôle, mais toujours farouchement charismatique) avant qu’un étonnement twist (sauf pour ceux qui ont bien analysé la bande-annonce) ne viennent clôturer ce premier tiers. (En l’occurrence, il s’agit d’un missile à tête chercheuse, aux yeux exorbités…).

Dès lors, après l’isolement, les quelques visions horrifiques et des mystères qui s’épaississent, Weapons change de ton. Via deux points de vue complémentaires et secondaires jusqu’alors (le flic (Alden Ehrenreich) et le junkie (Austin Abrams)), le film implique la cause à effet au sein de son récit. Une aubaine pour le cinéaste, qui peut, certes, déconcerté, mais qui lui permet de faire s’entrechoquer les genres ensuite. (à savoir le drame, le caractère humain, perfectible, pathétique avec le fantastique, sous sa forme horrifique, brutale). Et ce, avant une dernière partie qui les embrassent à pleine bouche.
Quand vient l’heure des réponses, dans une 3e partie plus surprenante et qui lève le voile sur deux personnages cruciaux du récit : Alex (Cary Christopher), l’élève miraculé et sa mystérieuse tante (Amy Madigan), Weapons s’avère aussi décalé brutal que frontale.

What the Fu**.
« What the Fuck« . Un terme familier qu’on entend par deux fois, et notamment de la bouche d’Archer, ce père troublé, mais résolu. (et qui fait donc écho à la situation des personnages et du spectateur). Si le fusil d’assaut aperçus dans sa vision fait ainsi référence à son titre original, les « armes » (au pluriel) mentionnées son bel et bien de nature humaine. Sous contrôle démoniaque toutefois.
Zach Cregger s’appuie ici sur différents points marquants pour marquer la rétine. Et diable que ça fonctionne. (pour tout chacun prêt à y adhérer). En adoptant le (bref) point de vue du proviseur (Benedict Wong, génial dans sa plus simple caractérisation), le film fait un exemple de choix. Une entrée en matière magistrale et brutale dans l’horreur en plein jour, qui offre à la vétérante Amy Madigan l’occasion de mêlé excentrisme et férocité froide.

Les crânes en bouillie laissent ainsi place au point de vue central du très jeune Alex, pour une dernière partie d’une rare efficacité. On retrouve ici plusieurs ingrédients salvateurs du film : un découpage malin, une mise en scène inspirée, ou des interprétations menées avec tact. À la différence près que la vision pittoresque dans son épouvante fantastique fonctionne par des éléments simples et maîtrisés. En l’occurrence une force de cinéma authentique.
Ainsi, oui, de simples éléments du quotidien, ou du moins inoffensif (une posture, une cloche, de la soupe en conserve ou une plante), deviennent par natures effrayantes. Et si le film n’est pas à proprement effrayant, Weapons peaufine son spectacle.

Conclusion
Avant sa cavalcade hystérique et enfantine, le réalisateur a su intelligemment faire monter la sauce. Certes, peut-être pas avec le meilleur rythme du monde, mais son montage final n’est pourtant pas de trop. Son point d’orgue dans la maison reflète un certain savoir-faire pour le metteur en scène (entre humour, horreur et brutalité), même si son dénouement final finira de diviser. Assurément.
Pour ma part, il s’agit d’un véritable atout pour le film. Non seulement, il sert le récit, mais il permet au film de marquer la rétine malgré son apparent happy-ending. (certes légèrement amer). Dans tous les cas, avec Weapons, Zach Cregger rebouscule encore un peu plus les codes du genre. Tout en proposant un spectacle de qualité. Certes, pas bouleversant et quelque peu imparfait, mais foutrement bien amener.
Les + :
- Un récit horrifique à la construction idéal, qui, en plus de son postulat salvateur, fait la part belle aux personnages.
- Un casting qui reflète parfaitement la normalité souvent pathétique face à l’horreur incompréhensible. Julia Garner, Josh Brolin et Amy Madigan bien en tête.
- Des changements de tonalités audacieux pour un mélange des genres qui déconcerte tout d’abord, puis s’envole à merveille.
- Des envolées brutales et folles, en plein jour, parfaitement additionner à un humour sarcastique.
- Une mise en scène très fluide et qui dispose de belles envolées elle aussi.
- Une dernière partie qui fait à la fois s’entrechoquer ses personnages et ses genres.
- Un dénouement d’une rare brutalité, qui prend le pas sur son simili happy-end, plus oubliable.
Les – :
- Malgré sa durée bienvenue, ses deux premiers tiers pâtissent d’un rythme légèrement inégal.
- Une horreur parfaitement illustrée, mais qui manquent parfois de frisson.
- Si sa tonalité particulière est une aubaine pour le genre et pour le récit, elle nous détache émotionnellement du destin des nombreux personnages (secondaires principalement).
MA NOTE : 16.5/20

Les crédits
RÉALISATION & SCÉNARIO : Zach Cregger
AVEC : Josh Brolin & Julia Garner, mais aussi : Alden Ehrenreich, Austin Abrams, Cary Christopher, Toby Huss, avec Benedict Wong, et Amy Madigan (…)
SORTIE (France) : 6 août 2025 / DURÉE : 2h08