SMOKE

EN DEUX MOTS : il y a 3 ans, Apple TV + nous offrait une belle surprise estivale avec la série limitée Black Bird. Un thriller psychologique écrit par Dennis LeHane qui mettait en vedette le talentueux Britannique Taron Egerton et qui avait notamment en guest Greg Kinnear. Aujourd’hui rebelote, avec SMOKE l’auteur adapte un fait divers d’autant plus tendu (et ambigu). (avec Kinnear également dans un nouveau rôle).

Quand un enquêteur incendie doit faire équipe avec une lieutenante, leur traque de deux pyromanes se transforme en jeu du chat et de la souris.

Cette fois, en revanche, notre tête d’affiche la partage avec l’actrice Jurnee Smollett (Birds of Prey, Lovecraft Country) qui se dévoile dans un rôle de femme flic borderline, farouchement charismatique. Malgré son postulat intrigant qui l’éloigne un peu des standards du genre, SMOKE semble d’abord suivre une direction assez balisée. Celle de la traque d’un criminel sous une formule policière, même si elle se révèle vite surprenante. Du moins jusqu’à un certain point.

Fort de son écriture, Dennis LeHane va composer son histoire autour de ses personnages. Une petite distribution, mais au caractère affirmé, à défaut que certains restent trop longtemps dans l’ombre (à l’instar du Britannique Rafe Spall en flic et ancien amant un peu toxique, Greg Kinnear en chef décomplexé un peu trop cantonné à son bureau ou d’un John Leguizamo qui arrive sur le tard).

Néanmoins, et outre son duo star qui va largement avoir l’occasion de briller dans différents registres, SMOKE embrasse la vision trop souvent occultée du serial killer. Ou plus précisément du « serial arsonist« . Ses qualités évidentes demeurent elles suffisantes pour en faire un petit classique instantané pour autant ? Hélas, non, car contrairement à la précédente production du cinéaste, son numéro nouveau show révèle une qualité plus inégale sur la longueur.

Une logique de société parti en fumée.

Si deux pyromanes composent son histoire, et que l’intrigue va justement un peu s’y perdre sur la longueur dans un premier temps via son montage alterné, elle adopte le point de vue du déviant pour mieux nous imprégner de ses pulsions dévastatrices. D’ailleurs, à ce propos, SMOKE ne lésine jamais sur ses effets pour marquer son propos. (peaux en lambeaux, gerbes de feu impressionnantes, etc.). Et c’est donc sous un point de vue plus secondaire, mais non moins central, que la série trouve l’un de ses meilleurs atouts.

Acteur majoritairement de série, plutôt méconnu, Ntare Guma Mbaho Murine (ou Ntare Mwine) incarne Freddy, un insociable dans l’ombre hypnotiser par le rayonnement des flammes. Dennis LeHane parvient habilement à dresser le portrait d’un impuissant qui trouve son pouvoir dans la réalisation de ses actes criminels, tandis qu’il se révèle inapte à vivre en société. De quoi égratigné, au passage, l’absurdité de différents slogans de grandes succursales ou de comportements type à adopter au sein même de cette société.

Dans cette continuité, avec d’autant plus d’ambiguïté, le showrunner place au cœur de son intrigue deux enquêteurs perfectibles. Deux portraits comme son auteur les affectionnent, en façades solides, alors que rongées par les incertitudes. À ce jeu-là, il offre à l’acteur de Rocketman un rôle à sa hauteur avec son lot d’excentricité à la clé. Une limite parfois proche de la parodie, que l’acteur ne fait que frôler. Du moins, dans un premier temps et jusqu’à un certain point-là aussi. Car c’est toute la preuve de la limite de l’œuvre aujourd’hui, qui se révèle tout de même assez inégal vu son format.

Jurnee Smollett, de son côté, dévoile un profil électrique qui s’associe parfaitement à son charisme badass. Un profil féminin qui révèle quelques similarités et déviances intéressantes face à son homologue masculin.

Tout flou tout flamme.

Difficile ici de ne pas trop en dévoiler au risque de donner trop de détails sur l’intrigue, mais le showrunner use dans tous les cas d’un angle intéressant pour développer son histoire. Tout en la dynamisant de différents rebondissements.

En revanche, contrairement à la dernière série limitée en 6 épisodes de l’auteur, SMOKE accuse d’un montage plus décousu. Avec 9 épisodes (allant de 40mn à 1h), le thriller policier varie autant ses durées d’épisodes que sa qualité d’exécution. Pour preuve, outre quelques parcours de personnages tout aussi décousue, le show se divise grossièrement en deux parties et surexploite son postulat parfois inutilement.

C’est d’ailleurs aussi pour ça que le personnage de Taron Egerton atteint si rapidement ses limites. Malgré quelques surprises en cours de route. D’ailleurs, arrivés en fin de saison, la série risquera de diviser plus d’un spectateur, même si, pour ma part, le récit de Dennis LeHane prend quelques risques et évite l’écueil habituel des shows policier du même genre. Notamment dans la vision de son héros. (le final ne s’intitule pas « Mirror Mirror » pour rien).

Un peu plus bouder du public, la série parvient tout de même à asticoter nos sens et notamment sous une direction solide. (que l’on doit en partie à Joe Chapelle, déjà réalisateur sur Black Bird). Dommage donc qu’elle se révèle inégale et parfois too much dans sa directive d’ensemble.

Conclusion

Globalement, SMOKE demeure une nouvelle production de la chaîne à la pomme solide, bien que farouchement perfectible. Si son auteur est parvenu à suivre des pistes redynamisées dans un genre balisé, son ensemble manque de cohérence. Ses fulgurances ne suffisant pas à gommer ses discordances.

Un mot d’ailleurs sur le générique du show, un outil qui devient de plus en plus rare, car trop souvent zappé par le téléspectateur, mais qui ouvre magnifiquement chaque début d’épisode. Outre son imagerie qui fait tilt, son thème, composé, et joué par le formidable Thom Yorke se révèle assez hypnotique et se marie parfaitement à l’ambiance ambiguë du show. C’est par ailleurs, l’image à laquelle j’essayerais de m’accrocher après son visionnage, plutôt que ses défauts.


Les + :

  • Une intrigue plutôt balisée, mais seulement en façade, puisqu’elle parvient à s’éloigner des standards du genre pour (parfois) nous enflammer.
  • Le point de vue secondaire du serial killer (ou arsonist) qui parvient à faire mouche. En partie.
  • Une distribution solide. De ses têtes d’affiche jusqu’à ses seconds rôles plus discrets, mais bien caractérisés.
  • Une réalisation solide. Preuve encore du sérieux qu’accorde Apple Tv+ à ses productions originales.
  • C’est peu, mais le générique de la série. Aussi hypnotique dans ses images que par sa mélodie ambiguë.

Les – :

  • Un sujet riche (adapté d’un podcast), mais qui pâtit d’un format étiré sur la longueur.
  • Le jeu inégal de Taron Egerton, qui passe d’une certaine finesse à plus de caricature.
  • Malgré sa distribution convaincante, leurs exploitations dans l’intrigue s’avèrent trop inégales. Et ce, malgré les possibilités.
  • Un manque de cohérence global qui fragmente trop son aventure.

MA NOTE : 14.5/20


Les crédits

CRÉATEUR : Dennis LeHane

AVEC : Taron Egerton & Jurnee Smollett, Rafe Spall, Ntare Guma Mbaho Murine, Hannah Emily Anderson, avec Greg Kinnear, Anna Chlumsky, et John Leguizamo (…)

ÉPISODES : 9 / Durée moyenne : 55mn / DIFFUSION : 2025 / CHAÎNE : Apple TV+

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