28 JOURS PLUS TARD

EN DEUX MOTS : À l’occasion de la sortie événement de 28 ans plus tard, retour sur le petit ovni de Danny Boyle à l’origine de cet univers post-apocalyptique. Tournés en 2001, dont certaines scènes rurales peu avant le 11 septembre, et sortie 2 ans après en France, 28 jours plus tard s’inscrit comme un film de genre, mais aux accents prononcés.

Selon son brillant scénariste Alex Garland (qui a d’abord signé le script de La Plage, le précédent film du réalisateur) : « 28 jours plus tard se situe au croisement du film de guerre, du film de zombies des années 70 et de la S.F. anglaise« .

Un commando de la Protection Animale fait irruption dans un laboratoire top secret pour délivrer des dizaines de chimpanzés soumis à de terribles expériences. Mais aussitôt libérés, les primates, contaminés par un mystérieux virus et animés d’une rage incontrôlable, bondissent sur leurs « sauveurs » et les massacrent.

28 jours plus tard, le mal s’est répandu à une vitesse fulgurante à travers le pays, la population a été évacuée en masse et Londres n’est plus qu’une ville fantôme. Les rares rescapés se terrent pour échapper aux « Contaminés » assoiffés de violence. C’est dans ce contexte que Jim, un coursier, sort d’un profond coma…

Il s’agit dans tous les cas d’une œuvre marquée et marquante. À l’image de son scénario audacieux qui nous emmène vers les recoins sombres d’une histoire à la tournure d’envergure, 28 jours plus tard s’avère brut de décoffrage. Par son ambiance et son esthétisme décalé, un look réaliste malgré son postulat S.F, ou sa vitesse d’exécution assez folle.

Pour preuve, le tournage s’est fait en numérique. Un élément à double tranchant, mais idéal et adapté pour ses scènes de rues, comme le démontrent ses plans d’un Londres déserté. Un élément marquant d’un film politique à échelle apocalyptique d’où émerge un chaos dévastateur représenté par ses « contaminés » frénétiques. Finalement très éloignés des habituels zombies platoniques, cette dérive d’Ébola ou de la rage apporte une énergie infectieuse effrayante.

Une énergie rare pour le genre, redynamisant le film de zombie, qui, à l’époque avait tout juste le vent en poupe. Celle-ci se distingue par l’athlétisme de ses assaillants et leurs apparences sauvages (reconnaissables par leurs yeux injectés de sang). Autant de caractéristiques qui colle à la peau de 28 jours plus tard et en fond une œuvre précurseur, bien que farouchement imparfaite.

Attention la suite contient des spoilers.

London forever. London, es-tu mort ?

Son introduction s’avère aussi maligne et violente qu’elle donne le ton à l’œuvre dystopique de Danny Boyle. Dans cela, la plume d’Alex Garland est affûtée et retranscrit la bêtise humaine sous différentes visions. Ici celle de farouches militants qui libèrent des macaques infectieux. Via ses images d’émeutes lobotomisant ses chimpanzés, ont saisit aisément ce parallèle avec la rage humaine qui va aisément s’étendre.

Pourtant, le réalisateur va nous plonger 28 jours après son cauchemar sous le regard incrédule d’un comateux (Cillian Murphy). Une scène qui rappelle forcément The Walking Dead (paru après, en 2004), sauf qu’ici, le Britannique va appuyer ce nouvel ordre sous deux tempos : la solitude et le calme le plus total contre la frénésie ambiante. Et pas uniquement celle des contaminés. C’est toute la force, mais aussi la faiblesse de cette fable horrifique qui manque, dans sa finalité, de perspective.

Toujours est-il que le frêle Jim va rapidement traverser Londres en bonne compagnie, sa solitude étant finalement de courte durée. Une dynamique qui apporte du rythme et quelques témoignages réussi à son récit, toujours brillamment narré. Naturellement, sa direction d’acteurs inspirée contribue à cette réussite. Celle-ci était pourtant composée de quasi-inconnus. (à l’époque du moins…).

Loin des standards habituels ici aussi, et donc de l’image du héros charismatique, Cillian Murphy et son physique candide exprime tout le réalisme et l’impuissance du personnage face à la menace infectés. Même si la fin du film nous amène vers de nouvelles perspectives à ce niveau.

Comme lead féminin, Danny Boyle choisi la toute jeune Naomie Harris, qui, à ses yeux, disposait d’une élégance et d’une énergie qui la distinguée des autres. Un contrepoids idéal au personnage de Jim pour un duo qui va rapidement se transformer en quatuor.

Les yeux de la bête.

Après une première partie rurale efficace, 28 jours plus tard va donc faire évoluer sa dynamique de groupe. Mais pas uniquement. Sa seconde partie nous dévoile la jeune Hannah (Megan Burns) et son père, Frank, un attachant chauffeur de taxi (Brendan Gleeson, toujours épatant). Un duo père-fille qui apporte donc un équilibre et des enjeux plus intimes au film, comme va si bien nous le prouver son terrible dénouement à l’aube de sa dernière partie.

Avant cela, les pérégrinations de nos personnages vont s’avérer révélatrices sur l’impact de la catastrophe sur son environnement. De la détresse psychologique d’un foyer (comme celui de Jim), jusqu’aux résultats de l’abandon de toute structure. (comme le prouve la destruction de Manchester par les flammes, faute de main d’œuvre humaine pour éteindre l’incendie).

Néanmoins, le film s’adoucit peu à peu quand l’aventure s’éloigne de Londres, ce qui apporte une synergie très réussie au quatuor. (et même si elle n’exclut la vision morbide des corps d’une mère et de son nourrisson ou d’un enfant contaminé au passage).

Une synergie indispensable, qu’on regrettera amèrement quand elle prendra fin. Le trépas de Frank, aussi brutal, injuste et marquant soit-il, met (en partie) fin au voyage de nos protagonistes. Et c’est dans un nouveau décor, cette fois stationnaire, que 28 jours plus tard va mettre le doigt sur l’aspect le plus déviant de l’âme humaine. Ou comment des forces armés, censés défendent la veuve et l’orphelin, vont devenir la véritable menace.

Si la question de la foi joue un petit rôle là-dedans, le réalisateur et son scénariste s’appuient avant tout sur la bestialité de la nature humaine. Ou de l’homme. Leurs premières vraies limites résident dans le fait que sa bande de violeurs ne passe pas à l’action, nous évitant un traumatisme supplémentaire. Ce qui, au passage, ne les empêche pas de dresser quelques portraits déviants, dont se détache le très juste Christopher Eccleston, qui évite les clichés du leader sadique.

Conclusion

L’apothéose de cette bestialité réside évidemment dans la survie puis dans le comportement de Jim pour sauver ses alliées séquestrées. Une autre caractéristique qui se nourrit de son physique candide avant de le transformer en véritable enragé, à l’image des contaminés. (une transformation soutenue et intense sous les notes graves du compositeur John Murphy). Un parallèle graphique idéal qui nous montre que la ligne entre humanité et bestialité demeure bien mince.

Son épilogue, qui se place astucieusement 28 jours plus tard, s’avère quoi qu’il en soit étonnamment lumineux. Et gorgé d’espoir. Il pose d’ailleurs les premières idées d’une suite, avec notamment la vision de contaminés affamés.

Pour le reste, le film de Danny Boyle souffre à la fois de sa vision trop intime des événements (chose qu’on peut concéder avec son petit budget, et même si cela lui permet une exploration plus poussée des personnages), mais surtout de son rendu esthétique, parfois assez laid. C’est toute l’analogie et l’expérimentation de son metteur en scène, qui allie génie et effet raté. Un effet à double tranchant, mais qui ne parvient pas à totalement entacher l’expérience 28 jours plus tard. L’un des morceaux les plus enragés du réalisateur Britannique.


Les + :

  • Une base de départ audacieuse, réaliste, et qui l’éloigne des standards du genre.
  • Des contaminés enragés qui dépoussière la condition type du « zombie ».
  • Une petite distribution rondement menée. Mentions spéciales à un Cillian Murphy candide à souhait et un Brendan Gleeson attachant dans son portrait de père pragmatique.
  • Un quatuor dont l’équilibre fonctionne à merveille, notamment lorsqu’elle se stoppe brutalement.
  • Deux tempos très opposés dans leurs démonstrations : avec d’un côté un Londres et ses alentours complètement désertés et de l’autre des attaques de contaminés endiablés et bruyantes.
  • Une intrigue brillamment narrée et qui fait un parallèle réussi sur la bestialité de l’homme.

Les – :

  • Si le résultat de la catastrophe est probant, sa vision, étriquée sur le déroulement des événements, est dommageable.
  • Malgré sa mise en œuvre réaliste, son procédé numérique manque cruellement de qualité technique.
  • Une mise en scène parfois trop approximative.

MA NOTE : 15/20


Les crédits

RÉALISATEUR : Danny Boyle / SCÉNARIO : Alex Garland

AVEC : Cillian Murphy, Naomie Harris, Christopher Eccleston, Megan Burns, et Brendan Gleeson (…)

SORTIE (France) : 28 mai 2003 / DURÉE : 1h53

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