28 ANS PLUS TARD

EN DEUX MOTS : Il y a 23 ans, Danny Boyle et son comparse scénariste Alex Garland mettaient un coup de fouet au genre de l’épouvante apocalyptique, du film de zombie et de la S.F. réaliste avec 28 jours plus tard. Un film diablement enragé, imparfait et qui regorgeait déjà de trouvailles (et d’errances) graphique digne du réalisateur Britannique.

Après une suite un peu plus boudée, survenue durant la même décennie, (mais à mes yeux globalement plus réussis), ce troisième film signe le grand retour des deux cinéastes dans cet univers singulier. D’autant qu’aujourd’hui Boyle et Garland sont les artisans d’une nouvelle trilogie dont la partie 2 (déjà tournée) sortira en janvier 2026. (une suite intitulée The Bone Temple et sous la direction de Nia DaCosta). Ce film-ci en pose les premières fondations.

Cela fait près de trente ans que le Virus de la Fureur s’est échappé d’un laboratoire d’armement biologique. Alors qu’un confinement très strict a été mis en place, certains ont trouvé le moyen de survivre parmi les personnes infectées. C’est ainsi qu’une communauté de rescapés s’est réfugiée sur une petite île seulement reliée au continent par une route, placée sous haute protection.

Lorsque l’un des habitants de l’île est envoyé en mission sur le continent, il découvre que non seulement les infectés ont muté, mais que d’autres survivants aussi, dans un contexte à la fois mystérieux et terrifiant…

Et si on pensait que le temps aurait peut-être calmé les ardeurs des deux cinéastes, ce 28 ANS PLUS TARD nous prouverait le contraire. Pourtant, son synopsis se reconnecte à une vision intimiste des événements. Sauf que le metteur en scène profite de son contexte post-apocalyptique enragé pour faire joujou avec de nouveaux appareils de pointe. (à savoir une quinzaine d’iPhone derniers cris reliés entre eux et équipes de lentilles spéciales).

Autant de nouvelles manières d’appréhender l’apocalypse sous sa forme la plus bestiale, expérimentatrice et primaire. Sans aucun doute, ce nouvel opus divisera par sa radicalité. Pour ma part, 28 ans plus tard tutoie en permanence les limites d’expérimentation de son réalisateur. Jusqu’à l’écœurement hélas…

Attention, la suite de cette critique contient des spoilers !

Récit initiatique, post-apocalyptique, triptyque…

Fort d’un engouement perpétuel depuis la sortie du premier opus, 28 ans plus tard a tout de même eu l’intelligence de se faire attendre. Une constante idéale pour réinventer la saga, qui a défaut de s’achever sur une trilogie (et en déclenche une nouvelle à la place) pose un regard acerbe sur un mini continent qui aurait été abandonné suite à une féroce pandémie.

Et c’est précisément dans ce contexte que le duo Boyle/Garland va placer l’action de ce troisième opus. Mais pas avant une nouvelle introduction. Loin derrière la fenêtre mortellement acerbe de 28 jours plus tard, les cinéastes lève cette fois la question d’un contexte divin en plein carnage.

Sans détour, cette introduction m’a effrayé, compte tenu de ce qu’il allait advenir des 1h50 restantes. Pourquoi ? Car le metteur en scène matérialise d’office son nouveau parti esthétique pour un rendu assez dégueulasse. Soyons honnête.

Il s’agit dans tous les cas d’un portrait d’une enfance perdu qui nous propulse ensuite dans un « Havre de paix » couper du monde qui sera le point de départ d’un récit initiatique qui mènera pourtant à la même conclusion.

Ainsi, si le parcours difficile du jeune Spike (Alfie Williams) se révèle révélateur et émancipateur, le film emprunte quelques routes (et tonalités) parfois surprenante. Dans un premier temps, peu, ou pas du tout.

Affublé d’une figure paternel robuste mais moralisatrice (Aaron Taylor-Johnson), le jeune garçon de 12 ans va découvrir le continent (où l’enfer sur Terre) à l’instar du téléspectateur. À savoir sous tension. Mais aussi via une certaine désillusion, autant pour le jeune homme que pour nous.

Un nouveau monde, fait d’Alpha et d’Oméga écosystème.

28 ans plus tard jouit quoi qu’il en soit de décors en plein air qui crédibilise cet état de nature qui a repris ses droits. Tout comme son « nouveau » bestiaire révèle quelque chose de bien plus sauvage. (Ses « rampe-lent » baveux et répugnants au possible en sont l’exemple le plus explicite). Le réalisateur rend d’autant plus graphiques leurs présences grâce à des mises à mort (à coup de flèches) stylisé. Pour une réussite que tout a chacun jugera réussi. À mes yeux, pas tant.

Et si 28 ans plus tard demeure un film au budget confortable, même si relativement modeste, ses 75 millions USD lui permette de se démarquer. Ainsi, Danny Boyle se sert des économies faites sans caméras (tout en multipliant les perspectives grâce aux nombreux iPhone) pour livrer un spectacle gore quasi clipesque.

Le réalisateur use alors de son contexte horrifique pour appuyer et/ou justifier ses différents trips graphiques, tout en livrant une aventure en marge de ce à quoi on pouvait s’attendre. Et le résultat se révèle être une mise quitte ou double, qui s’affranchit des règles des différentes franchises du genre, mais qui révèlent de fortes errances en chemin.

En teasant « l’évolution » de son bestiaire infectieux, le film appuie d’autant plus ses affres du temps. Et leurs conséquences sur l’environnement, quel qu’il soit. Une caractéristique qui emprunte autant au body-horror qu’aux jeux vidéo, à l’instar d’un The Last of Us bien vénère. Mais qui se révèle un peu naze dans sa finalité.

Cette exubérance too much on la retrouve notamment avec ses « Alphas ». Une race d’infecté sous stéroïdes (dont on peut apercevoir un chibre colossal…) qui va nous amener à quelques montées du thermomètre, mais seulement dans un premier temps. Puisqu’en changeant la tonalité de son aventure à mi-chemin, le film va également réduire sa gravité émotionnelle.

En orbite (crânien).

Pourtant, sa deuxième heure regorge de différentes portées émotionnelles. Et pour preuve, elle va mettre en scène une nouvelle dynamique, éclairer de nouveaux profils et aborder des sujets plus vastes. Comme un parallèle évident sur l’euthanasie. Toutefois, avec plus de second degré, mais sans être dénué de poésie, l’odyssée post-apocalyptique de Danny Boyle creuse également son sillon. Une impression de vide familier pour les détracteurs du premier film, mais qui se révèle bien plus probant ici.

Ainsi, après la course folle du duo masculin pour retrouver leurs foyers, 28 ans plus tard va changer de cap. Tout en excluant complètement le portrait héroïque incarné par Aaron Taylor-Johnson. Si elle ne va pas réduire ses aspects gores pour autant (au contraire), l’aventure va largement agrémenter son portrait familial. Les erreurs du père mènent à une certaine cassure au sein du foyer et le duo père/fils laisse ainsi la place à un duo mère/fils quasiment insoupçonné.

Jusqu’alors cantonné à un second rôle alité et mentalement défaillant, le portrait d’Isla (Jodie Comer) demeure central. Naturellement, sa condition physique est déterminante compte tenu de la vision plus surréaliste de ce second voyage initiatique. Spike étant ici confronté à une horreur plus brute (comme le prouve son Alpha amateur de mise à mort à la Predator) comme à un dialogue plus léger (comme le prouve sa rencontre avec le jeune soldat suédois).

Toutefois, après un accouchement d’autant plus borderline, c’est bel et bien dans sa dernière partie que le film s’envole. Et flirte avec ses limites. Sa grande force réside dans la prestation de Ralph Fiennes. Le Britannique donne le tempo idéal à ce portrait atypique, celui du Dr. Kelson, un homme solitaire, faussement inquiétant, qui parvient à mettre des mots sur l’état d’Isla. Et à lui offrir une porte de sortie douce et poétique.

Conclusion

En embrassant pleinement la notion de deuil dans un monde aussi chaotique que logique, 28 ans plus tard conclut son aventure avec pragmatisme. Du moins, jusqu’à son épilogue d’autant plus décalé que ses précédentes embardés gore à souhait.

Parti seul sur le continent pour parachever son deuil, Spike fait ainsi la rencontre du mystérieux Jimmy Crystal (Jack O’Connell). Leader excentrique d’une clique au design farfelue, qui, à l’instar de Spike, tiendra une place centrale dans le prochain opus. Probablement.

Reste à savoir si le film de Nia DaCosta embrassera cette vision décalée ou cherchera à adopter sa propre identité. Et surtout si la réalisatrice s’émancipera de la mise en scène expérimentatrice du réalisateur Britannique. Et si, encore une fois, son rendu (et son montage) m’ont globalement déplut, 28 ans plus tard demeure un objet unique en son genre. (j’ai par exemple apprécier le décalage de ses images d’archives dans le montage ou sa bande-originale signé Young Fathers).

Quelques jours après ma séance, mon ressenti c’est également profondément adoucit concernant ma déception. Aussi amère fût-elle. Il s’agit (jusqu’à présent) de l’opus de la saga que j’apprécie le moins, mais j’applaudis fermement son audace. Une audace certes chaotique, mais qui à le mérite d’exister pour de bonnes raisons.


Les + :

  • Le retour tardif et mûri de deux cinéastes inspirés pour un contexte post-apocalyptique réfléchi et prometteur.
  • Un récit initiatique, parfois surprenant, qui aborde de vastes sujets et redynamise son aventure à mi-chemin.
  • Une distribution un peu courte, mais très inspirée. Ralph Fiennes largement en tête dans son portrait surprenant et agréablement doux.
  • Des élans poétiques qui s’associent parfaitement à son contexte morbide.
  • Un montage borderline, mais traversé toutefois de quelques soubresauts de talents (grandement aidé par sa B.O. réussie).
  • Une certaine radicalité qui l’éloigne des autres productions et franchises du même genre.

Les – :

  • Malgré son procédé énergique et (un brin) révolutionnaire, la mise en scène de Danny Boyle accuse d’un rendu plutôt vilain. Et ce, à différentes échelles (esthétique comme graphique).
  • Une aventure bourrée d’errances narratives, de petites longueurs et de quelques vides.
  • Des élans nanardesque quasi-surréalistes.
  • Une exubérance et des tonalités décalées souvent too much et qui diminuent sa portée émotionnelle.

MA NOTE : 13.5/20


Les crédits

RÉALISATION : Danny Boyle / SCÉNARIO : Alex Garland

AVEC : Jodie Comer, Aaron Taylor-Johnson, Alfie Williams, avec Jack O’Connell, et Ralph Fiennes (…)

SORTIE (France) : 18 Juin 2025 / DURÉE : 1h55

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