
EN DEUX MOTS : Après un début de saison sous forme de montagne russe, la saison 2 de The Last of Us a déjà tourné une page majeure de son histoire. Aujourd’hui, à l’heure du deuil, après le choc brutal de la mort l’exécution de Joel (Pedro Pascal), la tristesse va peu à peu se muer en haine. Cette même haine qui a animé l’ancienne Luciole Abby (Kaitlyn Dever), et qui va motiver Ellie (Bella Ramsey) à accomplir sa quête vengeresse et quitter Jackson. Ce troisième épisode se construit sur cette dynamique, tout en incorporant la vision de ce qui nous attend durant les quelques épisodes restants.
Loin de l’impressionnante démonstration d’action de son précédent épisode – déjà culte – celui-ci renoue, entre autres, avec la mélancolie qui caractérise si bien la série. Et pour le mettre en scène, Peter Hoar revient à la réalisation après son travail sur le très remarqué « Long, Long Time« . Le précédent épisode 3 du show, sensoriel et mélancolique. Un retour cohérent, qui, sous l’écriture de Craig Mazin, toujours, sert de passerelle avant une mi-saison qui s’annonce intense.

ÉPISODE 3 : The Path
Ainsi, malgré une dynamique assez lente durant cet épisode, attention à l’eau qui dort. « The Path » parvient intelligemment à dresser le profil d’Ellie dans ses plus belles nuances. Une aubaine de mon point de vue, tant ses différentes caractéristiques sont régulièrement antipathiques à l’écran. Mais aussi parce que la série parvient brillamment à mettre des mots sur la raison des actes violents commis par ses « héros ».
Toujours est-il que pour ouvrir ce nouvel épisode, The Last of Us use d’une vision post-apocalyptique d’après-massacre saisissante. Les corps calcinés des infectés laissent place à ceux des résidents de Jackson morts pendant l’attaque, tandis que Tommy (Gabriel Luna) se rapproche de la dépouille de son frère, cachée sous un drap. Une bien belle manière de souligner l’horreur de sa disparition, aussi violente fût-elle, en espérant qu’il soit désormais en paix auprès de sa fille disparue Sarah.


Mais plus poignant encore, ce sont les cris d’Ellie à l’hôpital qui m’ont donné des frissons. Parfaite retranscription d’un traumatisme mêlant tristesse et horreur, qui nous amène à un générique faisant abstraction du nom de Pedro Pascal. Premier rappel d’un tournant majeur pour la saga. Un choix judicieux avant son retour dans plusieurs scènes flashback, on le sait, qui souligne, lui aussi, ce sentiment de vide qu’amène sa disparation dans la série.

L’hiver et l’horreur laissent place au printemps et sa douceur avec une ellipse de 3 mois. C’est toute la cohérence du retour d’une héroïne en pleine possession de ses moyens. Et si jusqu’à présent la présence inédite de Catherine O’Hara pouvait interroger dans son rôle de thérapeute alcoolique porté sur la fumette, son intérêt saute aux yeux aujourd’hui. Essentiellement lorsqu’elle définit de manière pragmatique le profil de notre Ellie dans la série. Celle d’une leader dans l’âme, antihéroïne et menteuse déterminée à ses heures.
- Tommy à propos d’Ellie : « Mentir et être un menteur, c’est pas pareil ».
- Gail : « Je sais. Elle, c’est une menteuse. Elle était honnête avec une personne et il est… Mais laissons ce différend de côté. Ce qui compte ce que tu as peur. Donc parlons-en ».
- Tommy : « Je ne veux pas qu’elle suive la même voie que Joel. Toujours à se trouver des excuses… pour se défouler sur les autres ».
- Gail : « Tu crois qu’elle tient ce comportement de lui ? L’acquis est une part infime de nous. Tout le reste c’est de l’inné. Joel ne l’a pas mise sur cette voie. Non, non. Je pense qu’ils ont toujours marché côte à côte. (…) Certaines personnes ne peuvent pas être sauvées ».

« Chaque choix implique… »
De par ses petites différences narratives amener au cours de ces deux premiers épisodes, la suite de cette saison va ainsi modifier (et justifier) un peu plus logiquement les motivations de nos 4 crédités dans leur futur chemin de croix. Pour notre tête d’affiche, rien ne change. Hormis qu’elle quitte un environnement en reconstruction et que plus rien ne la retient à Jackson. Le personnage d’Ellie étant animé par un désir intrinsèque de sang et de vengeance.

En revanche, les motivations de Dina (Isabela Merced) révèlent plus de nuances. Celle-ci ayant eu un lien affectif avec Joel. (aussi sommairement fut-il représenter). De plus, le fait d’avoir été présente lors de son exécution permet de renforcer ce sentiment et faciliter la reconnaissance des Lucioles/Wolfs lors de la traque à venir. Un élément qui s’explique aussi par une différence du nombre ennemi au sein de ce groupe ennemi (5 dans la série contre 8 dans le jeu). On peut donc gager que, naturellement, le show fera moins de détours dans son périple à Seattle.

Concernant Tommy, sa position de frère et son passé violent demeurent des vecteurs de motivations aussi logique que personnels pour le personnage. Et ce, malgré sa position de père, de mari, et plus secondairement de leader à Jackson. D’autant que la destruction partielle de la ville a mené à une forme de paradis perdu (ou fragiliser) pour la communauté. Ce qui rend ce choix d’autant plus difficile pour Tommy de quitter le Wyoming.

De façon identique, cet épisode tempère les motivations de Jesse (Young Mazino), à suivre, ou non, ses camarades à Seattle. Notamment, car celui-ci nous est présenté comme un futur leader fiable de la communauté. Quelques nuances subsistent néanmoins, par un caractère empli de tristesse comme évoqué plus tard subtilement par Dina.

On sait ce que l’on perd. Pas ce que l’on gagne.
Sa scène chorale de pétition lors du Conseil municipal se révèle, dans tous les cas, déterminante pour la cohérence de son univers. D’autant qu’elle soulève quelques questions habiles sur la notion de vengeance et de justice dans un monde désolé. La plus belle surprise concerne le personnage secondaire de Seth (Robert John Burke), qui va se révéler être un allié de choix pour la préparation de la quête de vengeance d’Ellie. Une astuce narrative plutôt maline qui donne de la nuance à son profil aux premiers abords rétrograde.

Le duo formé par Ellie et Dina se met donc en route durant la dernière partie de cet épisode. Le temps de faire la route jusqu’à Seattle tout en faisant un dernier adieu au regretté Joel. (avec un joli petit clin d’œil au fan du jeu avec les grains de café). À l’instar de sa scène dans la maison de Joel en début d’épisode, The Last of Us restreint quelque peu son émotion, mais fonctionne par la sincérité dont elle fait preuve. Et bien sûr, on peut applaudir sa direction photographique pour son rendu toujours très naturel.

Ainsi, ce troisième épisode intègre le cheminement de nos deux héroïnes jusqu’à destination et élude, par la même occasion, la question de leur attirance mutuelle. Un petit jeu romantique qui fonctionne à merveille et qui sera seulement interrompu par une découverte macabre. Après l’éclairage thérapeutique de Gail et le profil remanié de Seth, la vision de ce groupe religieux près de Seattle demeure l’une des plus belles surprises (narratives) de « The Path ». À mes yeux.


Une nouvelle différence qui étoffe un peu plus son univers post-apocalyptique et qui apporte d’emblée un regard bienveillant a cette communauté atypique. (communauté qu’on nomme Séraphites ou « Scars », qui va s’avérer cruciale pour la suite). De plus, cela renforce la dangerosité, sous-estimé, des Wolfs comme le démontre parfaitement son épilogue.

Conclusion
Avant une mi-saison qui mettra d’autant en valeur cette puissance militaire, « The Path » se pose donc comme la douce introduction d’un nouveau départ. Pour nos héros et pour la saga de manière plus général. Si son intensité émotionnelle demeure quelque peu en retenue et que son montage favorise pour le moment un déroulement très linéaire, The Last of Us 2 se démarque toujours par sa subtilité d’écriture. Sur cela, Craig Mazin rend toujours parfaitement hommage à son matériel d’origine tout en s’émancipant de lui.
Comme l’indique son titre, et malgré son manque de sursaut, ce troisième épisode s’avère crucial pour cette saison. Et notamment puisqu’il fait référence à l’intitulé « Every Path has a Price » de ses différentes affiches promotionnelles. C’est ici que ses différences résonnent dans cette cohérence d’écriture et définissent au mieux le profil d’Ellie. Mais aussi la difficulté et les conséquences de son futur parcours.

Les + :
- Un épisode qui s’inscrit comme un nouveau départ pour la saga. Notamment grâce à une ellipse de temps conséquente et qui change son atmosphère.
- Un épisode qui tire enfin réellement profit du caractère antipathique d’Ellie pour en dresser un portrait plus nuancé. (Ici, la guest Catherine O’Hara prouve son utilité dans un rôle décomplexé et pragmatique).
- La cohérence politique et démocratique de la communauté de Jackson, fortement fragilisé aujourd’hui. Et qui pose la question d’une vengeance à l’état pure camouflé par un sens de justice à rendre.
- Les différents combats intérieurs qui animent de notre quatuor (Ellie, Dina, Tommy et Jesse) dans leurs futures quêtes.
- Ces différents ajouts ou ajustements narratifs toujours très utile à son univers. La vision d’un groupe religieux retrouvé décimés, alors qu’il quittait un territoire en guerre, étant idéal à ce niveau de l’intrigue.
- Le départ et l’équilibre du duo Ellie/Dina magnifiquement mis en scène à travers ses différents paysages extérieurs. Notamment, lorsque leur fuite nocturne doit sa bonne préparation à leur ancien détracteur Seth.
- Une photographie naturelle, toujours sublime.
Les – :
- Un épisode crucial, mais qui entrave quelque peu ses émotions.
- Un rythme de « calme après la tempête » qui manque certainement de soubresaut narratif pour surprendre.
- La caractérisation encore un peu timide du très fiable et prometteur Jesse.
MA NOTE :

RÉALISATION : Peter Hoar / SCÉNARIO : Craig Mazin
DIFFUSION (France) : 28 Avril 2025 / DURÉE : 56mn