JOKER : Folie à Deux

EN DEUX MOTS : presque 5 ans jour pour jour après une formidable réinvention sur grand-écran, la suite du JOKER se dévoile enfin. La figure emblématique de l’ennemi de Batman, dont l’évolution est bien plus social et psychologique que n’importe quelle autre franchise de l’univers jusqu’alors, s’absout une fois encore de toutes les normes habituelles. Baptisé « Folie à Deux », ce deuxième volet mathématique nous propulse dans un film en duo qui éclaire également la tout autant emblématique Harley Quinn.

A quelques jours de son procès pour les crimes commis sous les traits du Joker, Arthur Fleck rencontre le grand amour et se trouve entraîné dans une folie à deux.

Joaquin Phoenix reprend donc son rôle d’homme méprisé par la société, Arthur Fleck, et qui lui valu un Oscar. Cette fois, il partage l’affiche à titre égal au côté de la célèbre chanteuse Lady Gaga, dont la carrière au cinéma s’affirme petit à petit. Le réalisateur (et co-scénariste) Todd Phillips confirme un peu plus son revirement de carrière dans une nouvelle fable dramatique, d’apparence encore plus folle. Les sous-genres de la comédie étant parfois assez large, Folie à Deux arpente aujourd’hui celui de la comédie… Musicale !

« Qui est Arthur Fleck ? Et d’où vient la musique qui émane de lui ? »

Todd Phillips

Depuis La La Land, jusqu’à encore très récemment, avec Emilia Perez, le genre a permit d’aborder des sujets avec tact. Des sujets aussi vastes que sociétale, et souvent dramatique, voire mélancolique. « Le monde est une comédie ». Cette nouvelle direction s’avère somme toute logique. De plus, le premier film à également eu l’Oscar de la meilleure musique… Après son énorme succès (plus d’un milliard à l’international), cette suite du JOKER ne manque donc pas d’ambition. 200 millions de budget succède ainsi à ses 55 précédents, pour un film fleuve.

Et pourtant, à l’aube de sa sortie mondiale, le film a essuyé de vives critiques. Celles-ci font suite à sa projection en avant-première lors de la Mostra de Venise. Des critiques qui se sont confirmés depuis sa sortie, et qui tranche terriblement avec celles du premier film.

Du tribunal à l’asile. Même combat.

Alors que s’est-il passé ? La barre du JOKER était elle trop haute ? Ou ce chaos est il volontaire pour accentuer la folie de ses personnages ? Difficile à dire. Dans tous les cas, cette suite, réalisée de consort avec la même équipe, prend une direction opposée au chaos initié il y a 5 ans. Un rétropédalage qui ne prône pas une mise en abîme explicite (qui gronde pourtant à l’extérieur du tribunal), mais davantage une certaine douceur mélancolique.

Qu’il s’agisse du travail en duo du réalisateur et de son acteur, des deux têtes d’affiche ou des deux scénaristes, JOKER : Folie à Deux est un électron libre et passionnel qui s’affranchit des normes qu’on attend de lui. Un contre-pied qui s’explique par son rythme en longueur et un format en huis clos qui se cantonne à deux environnements. L’asile d’Arkham, centrale, et son tribunal, dans un second temps. Une première caractéristique qui risque de fortement diviser et souligne cette émancipation avortée dans les rues de Gotham.

Il y a donc un certain nombre de plans ou d’images fantasmés (ou non, au vu de la bande-annonce) qu’on ne verra pas dans le nouveau film de Todd Phillips. Ce qui n’empêche pas à Folie à Deux d’avoir autre chose à offrir. À commencer par sa plastique, merveilleuse. Après une intro original que l’on doit au français Sylvain Chomet, le réalisateur nous (re)plonge dans le désarroi d’Arthur. Plus squelettique que jamais, Joaquin Phoenix transcende à nouveau son profil pour une palette d’émotions contradictoires.

À la fois mutique, introvertie, désaxé, pathétique et confiant, son profil de défense (et de dissociation de la personnalité qui est avancée) va voler en éclats après sa rencontre avec « Lee ». Dans cette réinterprétation d’une autre forme de « folie », cette Harley Quinn est à la fois passionnante et décevante.

Procès truqué. Procès dansant.

Une frustration qui n’est pas a, aucun moment, dû à l’interprétation de Gaga. Au contraire, l’actrice semble avoir donné du cœur à l’ouvrage. Et notamment là ou elle n’a pas l’aisance du chant, mais uniquement celle de l’émotion du jeu. L’alchimie du duo fonctionne à mes yeux, tout comme leurs amours florissants. Tout d’abord en marge du profil qu’on lui connaît, le récit à l’intelligence de moderniser ses motivations et la vérité à son égard pour finalement se recouper à des informations plus familières.

Quelques zones d’ombres, et surtout plus de démonstrations dans ses actions, ses motivations, manquent toutefois à cette proposition. Et c’est précisément ici que son format en double huis clos entrave le film. Hélas, sa partie comédie musicale n’a également pas le mordant nécessaire pour combler ce manque.

Dans une petite quinzaine de propositions live, JOKER : Folie à Deux se révèle par moments assez fade. Si sa mélancolie et sa mise en scène enchante les différentes scènes, leurs tempos manque d’impact concret. Un développement et une émancipation de la psyché des personnages qui manque de magie (et de folie) et qui finissent par ponctuer plus anecdotiquement les 2h19 du film. Reste sa partie purement dramatique, qui alterne entre le meilleur et le pire du long-métrage.

D’un côté, se trouvent la détresse et l’espoir d’Arthur, entrecoupés d’allers-retours qui le ramène jusqu’à Arkham. Du dégoût des matons haineux à la lumière que représente son grand amour. L’atmosphère des décors est, dans tous les cas, grandiose. Sous la photographie de son fidèle comparse Lawrence Sher, le metteur en scène embrasse ses lieux à 360° de tous leurs potentiels. Le résultat est là.

Mais de l’autre côté, se trouve une partie judiciaire laborieuse qui s’attarde à ressasser les événements passés. Une continuité logique, mais qu’on aurait préféré découvrir en format épisodique.

CONCLUSION

Après deux heures de procession creuse (car finalement tout a été dit dans JOKER), vient l’explosion. Ce que tout a chacun attend et que les scénaristes sabotent volontairement dans une ultime dissonance mélancolique. Pour cela, j’applaudis le film, qui, à l’instar d’Arthur Fleck, il est un(e) comédie(n) jamais vraiment drôle. Son dernier plan est d’autant plus explicite, voilà ce qui en résulte. « Tirez le rideau, la farce est jouée ».

Avec une note quasiment divisé unanimement de moitié, JOKER : Folie à Deux mérite t’il toute cette haine à son encontre ? Pour ma part, absolument pas. Pourtant, avec toute cette mauvaise pub à son égard, la farce semble bien réele, et le film se profile comme un échec commercial. C’est assez triste, car c’est tout ce qui l’en restera, tandis qu’il aurait bien plus à offrir.


Les + :

  • Une introduction cartoonesque aussi concise que réussi.
  • Sa forme de huis clos et son sous-genre de comédie musicale audacieux.
  • Visuellement somptueux. De ses décors grandeurs nature magnifiés à quelques plans mémorables.
  • La dynamique d’amour mélancolique entre Arthur et Lee.
  • Joaquin Phoenix & Lady Gaga, magistraux. Lui, entre détresse et espoir sincère qui scinde au mieux sa version du « Joker », et elle, dans une motivation tendancieuse enchantée.
  • Quelques très beaux moments mélancoliques.
  • Son sabotage en bonne et due forme, notamment quand arrive « l’explosion » final.

Les – :

  • Le mauvais équilibre entre son format (en huis clos) et le rythme qui en découle.
  • Des propositions musicales trop fades malgré un certain charme.
  • Les zones d’ombres et le manque d’action qui entoure le personnage d’Harley Quinzel. Ce qui restreint la force de son personnage pourtant vaillamment interprété.
  • Une partie judiciaire laborieuse et qui manque d’impact.
  • Le fond et pas la forme.
  • L’intense ressentiment de ne pas avoir assisté à quelque chose qui aurait pu être grandiose.

MA NOTE : 15/20

Les crédits

RÉALISATION : Todd Phillips / SCÉNARIO : Todd Phillips & Scott Silver

AVEC : Joaquin Phoenix & Lady Gaga, mais aussi : Catherine Keener, Brendan Gleeson, Zazie Beetz, Steve Coogan, Harry Lawtey (…)

SORTIE (France) : 02 octobre 2024 / DURÉE : 2h19

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